Badge bleu Twitter : le nouveau système de certification part en vrille

Badge bleu Twitter : le nouveau système de certification part en vrille

Quelques jour après la fin de l'ancien système de certification sur Twitter, le réseau social est déjà sens dessus dessous, avec des morts qui payent Twitter Blue, des certifications offertes et la prolifération de la désinformation.

On s'y attendait, mais il n'a pas fallu longtemps avant que le nouveau système de certification de Twitter parte en vrille ! Pour rappel, le fameux système de badges bleus de certification sur la plateforme, qui permettait de distinguer les comptes authentiques de stars, de personnalités politiques, de journalistes, d'organisations ou d'entreprises reconnues est désormais réservé aux abonnés de Twitter Blue, l'offre payante du réseau social. Et si le système était déjà confus au vu des règles – difficile de s'y retrouver entre les badges bleus, les badges dorés, les badges d'entreprise, les badges gris, les mentions... –, cela ne va pas en s'améliorant !

BadgeTwitter : place au chaos !

Si, en théorie du moins, le nouveau système de certification est censé être réservé aux abonnés Twitter Blue, il semblerait que l'oiseau bleu distribue des badges gratuitement – un moyen d'encourager les utilisateurs à souscrire à l'offre payante ? Et ce, au détriment de toute vérification. Comme le rapporte BFMTV, un compte nommé Disney Junior UK et suivi par 4 500 personnes s'est vu attribuer un badge doré – l'équivalent du badge bleu, mais pour les entreprises. Or, le compte avait publié de fausses informations ainsi que des propos racistes, et a affirmé ne pas avoir souscrit à l'abonnement – d'autant plus que le prix est de 1 000 euros par mois pour celui-là. Finalement, le compte a été suspendu. En tout cas, ce n'est pas le seul compte à avoir eu le droit à un badge de certification gratuit. Des personnalités mortes y ont également eu le droit – la carte bancaire fonctionnerait-elle au Paradis ? C'est le cas de Michael Jackson, Chadwick Boseman, Kobe Bryant, Barbara Walters, Anthony Bourdain ou encore Paul Walker. Si certains de ces comptes sont toujours gérés par des organisations, la plupart sont inactifs depuis des années...

Mais la désinformation qu'entraine la nouvelle politique d'Elon Musk peut avoir des conséquences plus graves puisqu'il semblerait que l'algorithme du réseau social donne une visibilité accrue à un grand nombre de comptes liés à de la propagande russe et chinoise, selon le laboratoire de recherches américain Digital Forensic Research Lab (DFRLab) – prenons toutefois un peu de recul en rappelant que les États-Unis sont en mauvaises relations avec ces deux pays. Une information un peu étonnante étant donné que, en août 2020, Twitter avait inscrit dans ses conditions d'utilisation la règle suivante : "En ce qui concerne les comptes détenus par des médias affiliés à l’État, Twitter ne recommandera pas et n'amplifiera pas la visibilité de ces derniers aux utilisateurs". Une règle qui a toutefois disparu en avril 2023, de même que les fameuses mentions "affilié à l'Etat" ou "financé publiquement" qu'on pouvait voir sur certains comptes de médias. Or, "de nombreux médias anciennement présentés comme affiliés à l'état publient des contenus destinés à exercer de l'influence et répandent de la désinformation ou de la propagande dans ce but", observe le DFR Lab, en citant notamment les comptes du média russe RT, du média chinois CGTN et du média iranien PressTV.

Ce qui met notamment la puce à l'oreille, c'est qu'ils ont connu une période de diminution de leur nombre d'abonnés, avant de voir ce dernier grimper en flèche au cours d'une période précise, à savoir fin mars et début avril. "Bien que de multiples facteurs puissent contribuer à cette remontée, son aspect soudain et simultané, après une période de déclin, indique un changement à l'échelle de la plateforme fin mars", précise le DFR Lab. Un bel exemple de la liberté d'expression si chère au milliardaire !

Twitter Blue : un badge réservé aux abonnés payants

Pourtant, le système de certification du réseau social fonctionnait plutôt bien. De la naissance de Twitter en mars 2006 jusqu'à son rachat en octobre 2022 par le milliardaire Elon Musk, près de 420 000 comptes – sur les 240 millions d'utilisateurs actifs quotidiens du réseau social – avaient fait l'objet d'une certification, c'est-à-dire d'une procédure de reconnaissance et d'identification officielle. Vérification confirmée par l'obtention d'un badge bleu mis en avant par les heureux élus. Il s'agissait de comptes de stars, de personnalités politiques, de journalistes, d'organisations ou d'entreprises reconnues. Si elle n'était pas exempte de défauts, cette procédure avait pour but d'empêcher le vol d'identité et avait fortement contribué à crédibiliser les interactions sur le réseau social.

Seulement voilà, après avoir racheté Twitter à l'automne dernier pour 44 milliards de dollars, le nouveau maître des lieux avait dû reconnaitre que son entreprise ne valait plus que 20 milliards de dollars. Il devenait donc urgent, à défaut de rentabiliser un tel investissement, de le monétiser à marche forcée. Et pour y parvenir, Elon Musk a dégainé Twitter Blue, un service payant et premium qui octroie à ses abonnés certains avantages, des fonctions avancées ainsi que le fameux badge bleu, autrefois réservé aux comptes certifiés. Prix du service en France : entre 9 et 11 euros par mois selon que l'on s'abonne sur le Web, sur iOS ou sur Android. Selon Elon Musk, l'idée est de favoriser un certain égalitarisme sur le réseau social, égalitarisme qui concerne ceux qui ont les moyens de payer ce nouvel abonnement mais pas les 500 plus grands annonceurs de Twitter, ni les 10 000 entreprises les plus suivies sur le réseau social dispensés de passer à la caisse. On est bien loin du "pouvoir au peuple" clamé par le patron de Tesla ! Sous couvert de mettre à mal un système jugé "féodal", Elon Musk cherche surtout à booster l'adoption de son offre payante.

Pour assurer le succès de son entreprise, Elon Musk avait décidé qu'il n'allait plus être possible, temporairement du moins, de distinguer, visuellement, les anciens comptes certifiés des nouveaux comptes abonnés. Résultat : un badge bleu pour tout le monde, et si on passait la souris sur la précieuse pastille, un message apparaissait indiquant que "ce compte est certifié car il est abonné à Twitter Blue ou parce qu'il avait obtenu une certification avec l'ancien système".

Badge bleu Twitter : une solution temporaire pour distinguer certifiés et payants

Dès lors, comment faire pour s'y retrouver ? Pendant cette transition, deux solutions existaient pour séparer le bon grain de l'ivraie. Tout d'abord, il était possible de se rendre sur le compte Twitter Verified (@verified), un compte officiel de Twitter qui avait la particularité de s'abonner à tous les comptes officiellement certifiés par le réseau social. Il suffisait alors de vérifier dans la liste des "abonnements" si le compte que l'on recherchait s'y trouvait.

Ensuite, les utilisateurs pouvaient utiliser une extension pour navigateur Internet – disponible sur Chrome et sur Firefox – et malicieusement baptisée Eight Dollars – en référence au prix américain du nouveau service Twitter Blue. En téléchargeant et en installant l'extension sur son navigateur, l'utilisateur pouvait voir à chaque fois qu'il croisait un compte doté d'un badge bleu si celui-ci avait été certifié ("verified") ou simplement payé via Twitter Blue ("paid"). 

Reste que ces solutions de reconnaissance ne pouvaient n'être que malheureusement que temporaires, Twitter entretenant le flou sur le devenir des badges (coches ou pastilles) autrefois attribués aux comptes certifiés. "Twitter n'acceptera plus de nouvelles demandes de certification basées sur les anciens critères (compte actif, notoire et authentique)", précisait ainsi le réseau social, qui se réservait par ailleurs "le droit de supprimer la coche d'un compte à tout moment et sans préavis". Désormais, la question est réglée.

Badge Twitter : des certifications à gogo

Le célèbre badge bleu a finalement difficilement disparu le jeudi 20 avril 2023 pour toutes les utilisateurs n'ayant pas adopté Twitter Blue. C'est le cas de personnalités très populaires, comme Lady Gaga, Kim Kardashian, Selena Gomez, Shakira, Neymar, Kylian Mbappé... D'autres au contraire ont décidé de payer l'abonnement, à l'image de Rihanna, Miley Cyrus, David Guetta ou encore Jimmy Fallon. Ce qui est plus étrange en revanche, c'est que certaines personnalités, à l'instar de l'écrivain Stephen King, le basketteur LeBron James et l'acteur William Shatner, ont le droit à la petite pastille Twitter Blue sans avoir souscrit à l'abonnement, comme ils l'indiquent sur leur compte. En réalité, il semblerait qu'Elon Musk paye pour eux suite à leurs coups de sang respectifs – Stephen King a carrément déclaré que "C'est eux qui devraient me payer" !

En parallèle, Twitter a mis en place un badge gris pour les personnalités politiques, mais cela se fait de façon peu transparente et assez aléatoire. Par exemple, le compte officiel de la ville de New York n'a plus de badge de vérification, mais Emmanuel Macron si. Le réseau social a également mis en place un abonnement payant pour les entreprises, les "organisations vérifiées" et leurs employés, avec un système de certification à 950 euros plus 50 euros par collaborateur par mois pour ceux qui souhaitent y adhérer. Il prend la forme d'un badge spécial permettant à un compte d'entreprise de rattacher certains utilisateurs en les authentifiant parmi ses collaborateurs – c'est un peu le pendant professionnel de Twitter Blue. Ceux qui s'y refusent verront leur badge disparaitre. En sont exemptées les 10 000 entreprises les plus suivies sur la plateforme, comme le rapporte The New York Times. En d'autres termes, une importante partie des entreprises qui auraient eu les moyens de payer une telle somme n'auront finalement pas à le faire ! Sont concernés Barack et Michelle Obama avec un badge doré, et Jeff Bezos avec un badge à l'effigie d'Amazon par exemple. Bref, un sacré bazar !

Suppression des badges historiques : la porte ouverte aux faux comptes

La modification de l'obtention du badge bleu de certification pose de sérieuses questions sur la fiabilité et la vérification des informations sur Twitter. En effet, le badge bleu était un moyen de reconnaître les comptes officiels, et donc si les sources d'information étaient fiables. Sans ce repère visuel, il va être beaucoup plus difficile pour les utilisateurs de savoir à qui ils ont affaire et différencier les faux comptes des vrais, surtout qu'il ne suffit que de quelques minutes et d'un petit virement bancaire pour se créer un faux compte "officiel". Bref, c'est la porte ouverte aux usurpations d'identité et à la propagation de fake news !

Lors du test réalisé fin 2022 – qui n'a duré que quelques heures –, la situation était rapidement devenue hors de contrôle, avec le Mario d'un compte Nintendo faisant un doigt d'honneur, un Jésus-Christ en direct du ciel et un LeBron James annonçant son départ des Los Angeles Lakers, tous avec le nouveau badge de certification (voir notre article). Certaines fake news et usurpations d'identité avaient même fait perdre plusieurs millions de dollars à de grandes entreprises ! Voilà qui devrait en pousser certains à partir sur des réseaux sociaux alternatifs, comme BlueSky Social, Mastodon ou encore la future plateforme de Meta !

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