Coupures d'électricité : Internet, mobile, que faut-il craindre ?

Coupures d'électricité : Internet, mobile, que faut-il craindre ?

Les coupures temporaires d'électricité qui risquent de survenir en France cet hiver pour soulager le réseau d'alimentation auront des conséquences directes sur les communications, notamment la téléphonie mobile et Internet. On fait le point.

Après un automne exceptionnellement doux – ce qui n'est pas vraiment une bonne chose –, l'hiver fait son grand retour, avec un changement de température déjà perceptible. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'annonce particulièrement rude cette année. Peut-être pas sur le plan météorologique, mais au moins sur le plan énergétique. Avec la forte hausse des prix du gaz, du pétrole et de l'électricité engendrée par la guerre en Ukraine, le retard dans le développement des énergies renouvelables et l'arrêt de vingt-six réacteurs nucléaires actuellement en maintenance – et EDF ne cesse d'accumuler du retard... –, il est probable que la France subisse des coupures de courant, pour la première fois depuis des décennies – la dernier "jour noir" remontant à décembre 1978. Des délestages ponctuels et localisés durant les pics de consommation, surtout en janvier 2023 – même si RTE (Réseau de transport d'électricité, l'opérateur public qui véhicule l'électricité en France, indépendamment des fournisseurs privés) nuance en indiquant que cela "dépendra largement des conditions climatiques et de la possible survenue d'une vague de froid même modérée", comme le rapporte Les Échos.

Certaines parties du pays pourraient donc bien, à tour de rôle, subir des coupures de courant pendant une durée maximale de deux heures, et ce afin d'éviter un blackout général et autres problèmes de plus grande ampleur en abaissant la consommation instantanée du pays. Les autorités parlent de coupures "en peau de léopard", dans des zones éloignées, pour éviter que des régions entières ou même des départements complets soient privés d'électricité. Toutefois, ce délestage tournant – s'il a lieu – va fortement impacter Internet, la téléphonie mobile et les services de secours. Le Gouvernement fait de son mieux pour se préparer ç cette situation inédite, comme en témoigne la circulaire que la Première ministre, Élizabeth Borne, doit envoyer aux préfets pour gérer au mieux la situation, et qu'Europe 1 est parvenue à se procurer.

© RTE

Coupures sur les réseaux mobiles : des interruptions de deux heures

Des coupures généralisées sur le réseau électrique… Un scénario qui est malheureusement de plus en plus plausible. Comme le souligne Élizabeth Borne, "l'une des conséquences de l'interruption de la distribution électrique est qu'elle entrainera des interruptions de communications électroniques (téléphonie mobile et fixe)", avant de préciser que "seules les lignes en cuivre, avec prise téléphonique fonctionnelle en T, seront opérationnelles". En d'autres termes, en cas de coupure mobile, une ligne fixe traditionnelle sera encore capable de fonctionner, étant donné que le réseau de téléphonie fixe est à l'abri des coupures grâce à des batteries capables de l'alimenter pendant plusieurs heures. Le hic, c'est que très peu de gens aujourd'hui utilisent encore des téléphones passifs "à l'ancienne", fonctionnant uniquement avec l'électricité transmise par le réseau de cuivre des lignes téléphoniques, la plupart des modèles actuels étant branchés sur la box Internet, qui a besoin d'électricité.

Outre les lignes fixes reliées à une box Internet, les téléphones portables et les réseaux mobiles seront aussi hors service, du fait que les systèmes de secours pour faire face aux coupures généralisées sont actuellement insuffisants. En effet, en Europe, la majorité des tours de télécommunications sont équipées de batteries de secours capables de tenir pendant environ trente minutes. Or, les coupures annoncées par Enedis seraient d'une durée maximale de deux heures… Dans ce cas, seules les sections du réseau relatives aux services jugés essentiels seront préservées – police, défense, hôpitaux, industries critiques, armée, prisons... Les opérateurs téléphoniques ne sont donc pas concernés, et seules les collectivités peuvent ajouter les infrastructures locales des opérateurs à la liste. Une mesure qui pourrait permettre de protéger les réseaux fixes, mais pas les réseaux mobiles, puisqu'il est difficile d'isoler une antenne mobile sur délestage. Alors 50 000 antennes de téléphonie sans fil, n'en parlons pas.

Enedis a déclaré fin septembre à Reuters que tous les clients seraient traités sur un pied d'égalité en cas de pannes exceptionnelles. Alors, les opérateurs mobiles tentent de se préparer au mieux. Comme le rapporte le Journal du Net, Orange a prévu de choisir les zones d'effacement pour "continuer à y assurer une couverture via des antennes installées sur des zones adjacentes," comme l'explique Gaëlle Le Vu, directrice la communication et de la RSE d'Orange France. L'opérateur prévoit "de basculer une heure par jour plusieurs milliers d'installations du réseau fixe sur batteries" afin de permettre "d'économiser sur ce laps de temps jusqu'à 20 MW, soit la consommation instantanée d'une ville moyenne de 40 000 habitants". De son côté, Iliad choisit d'éteindre certaines bandes de fréquences la nuit. "Un effort qui se traduit par une baisse de la consommation électrique du site supérieure à 10 % […] sans impacter les usages et la qualité de service", précise l'entreprise. Elle s'engage à "effacer jusqu'à 7,05 MW de la consommation instantanée de ses datacenters cet hiver en cas de tension énergétique à l'échelle du pays, et ce pendant des durées de 1 à 24 heures consécutives à chaque fois que nécessaire pour participer à l'équilibre du réseau français d'électricité".

Coupure de la téléphonie mobile : les numéros de secours injoignables

Comme l'explique Enedis à l'AFP, le délestage tournant s'effectuera par zones, qui seront plus petites qu'un département et feront environ la taille d'un canton – la France compte 2 300 postes sources pour 96 départements et 2 054 cantons. Mais, pour un usager, si l'antenne mobile de son opérateur se "coupe" en même temps que l'électricité qui alimente son téléphone fixe, impossible d'appeler les services de secours avec les numéros habituels (15, 17, 18, 115 et 196) une fois écoulées les trente minutes de réserve fournies par la batterie de secours du réseau – cela laisse donc une heure et demie sans pouvoir contacter qui que ce soit. Orange a d'ailleurs prévenu la Commission des affaires économiques du Sénat que "si les services mobiles sont éteints, il n'y aura pas d'accès au numéro d'urgence", comme le rapporte Le Figaro. Dans les zones urbaines, le signal a une chance de basculer sur l'antenne la plus proche épargnée par la coupure, mais avec un risque élevé de saturation. Un scénario qui est peu probable en milieu rural, du fait de la distance entre les antennes-relais. Heureusement, si jamais une antenne mobile d'un autre opérateur se trouve aux alentours de l'usager, ce dernier peut toujours contacter le 112... à moins d'être dans une zone blanche.

En effet, il est possible qu'il n'y ait aucune antenne mobile alimentée en électricité pour couvrir la zone et, dans ce cas, le 112 ne fonctionne pas. La Première ministre va d'ailleurs fournir aux préfets une "cartographie des zones qui ne seraient pas couvertes par le 112" afin qu'ils s'associent avec les acteurs locaux (élus et collectivités territoriales, services de l'État, acteurs économiques et associatifs) pour définir les mesures nécessaires, comme mettre en place des "cellules de crise" dans les mairies concernées, de "prévoir en mairie ou dans des lieux prédéfinis une présence physique en capacité de relayer l'alerte aux services de secours, de santé et de sécurité" et d'organiser "la présence physique durant les périodes de délestage sur les emprises de services publics de secours et de sécurité (pompiers, police, gendarmerie, police municipale...) afin de prendre en compte une demande inopinée de secours d'urgence par un citoyen venant au contact"

Coupures Internet : des box automatiquement mises en veille

Les réseaux mobiles ne sont malheureusement pas les seuls concernés par des coupures potentielles. En effet, Jean-Noël Barrot, le ministre de la Transition numérique, avait annoncé sur Europe 1 en octobre déjà que des coupures Internet auront très certainement lieu cet hiver, ce que confirment les différentes entreprises de télécoms. Une coupure de courant entrainera forcément une coupure d'Internet : le flux arrive par ADSL ou fibre et a donc nécessairement besoin d'électricité pour fonctionner.

Le Gouvernement prévoit d'imposer aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) de mettre automatiquement en veille les box durant la nuit. Rien d'alarmiste cependant, puisque certaines box disposent déjà d'un système de veille automatique, qui se met généralement en route la nuit. Il ne s'agit donc que de réaliser une "mise à jour qui permette cette mise en veille de manière plus systématique". Les nouvelles box qui arriveront sur le marché, elles, devront obligatoirement intégrer cette fonction. Ainsi, le Gouvernement espère "réduire la consommation énergétique sans aller demander des efforts trop importants aux Français".

Coupures d'électricité : anticiper au maximum pour se préparer

Si jamais la production électrique de la France s'avérait insuffisante pour combler ses besoins, RTE va recourir au dispositif EcoWatt, une sorte de "météo" de l'électricité (voir notre fiche pratique), et à l'activation de son signal d'alerte rouge, qui avertit la population d'un risque de coupures trois jours avant et est relayé par les pouvoirs publics, les médias, les entreprises et le site de RTE. Pour se tenir informé, il est aussi possible de s'inscrire à l'alerte vigilance coupure, un dispositif qui permet d'être informé à l'avance d'éventuelles coupures d'électricité. Enfin, Enedis a mis en place un site Internet sur lequel l'usager peut entrer son adresse et vérifier s'il sera impacté par une potentielle coupure. Le signal EcoWatt rouge est confirmé la veille de la coupure pour prévenir d'un risque de délestage programmé, qui peut cependant être évité en faisant "des écogestes au bon moment". "Jusqu'à la dernière seconde, nous pouvons éviter (le délestage) si on fait les bons gestes", explique Xavier Piechaczyk, le président du directoire de RTE. Pour rappel, les pointes de consommation s'étalent de 8h à 13h et de 18h à 20h, soit les moments où les Français s'éclairent, se chauffent, cuisinent, travaillent et produisent tous en même temps.

Pour se préparer au mieux, Enedis et RTE vont réaliser un test national sous la forme d'un exercice de table, auquel seront associées les préfectures, le vendredi 9 décembre prochain, comme le rapporte BFM. Concrètement, l'exercice va reposer sur des simulations de cartes, dont le rendu variera selon les manques en matière de production d'électricité et les conditions météorologiques. "Mais ça ne correspondra pas réellement à ce qui va se passer en cas de délestage et il n'y aura pas de délestage effectif cette journée", insiste le gestionnaire du réseau de transport d'électricité. Un exercice qu'Enedis effectue fréquemment tout au long de l'année, mais sur des scénarios de tempête.

De nombreuses préparations doivent encore être effectuées, notamment confirmer le recensement des personnes hospitalisées à domicile, organiser la sauvegarde de l'alimentation électrique des gendarmeries, des hôpitaux et des casernes de pompiers, prévenir et organiser les coupures de courant qui pourraient survenir dans les gares ou encore dans les écoles qui ne font pas partie de la liste des secteurs exemptés. "L'accueil des enfants dans les écoles ne pourra pas être assuré le matin, si ces dernières sont concernées par des délestages. Ouvrir une école sans alarme, ni chauffage, ni électricité alors qu'il fait nuit le matin ne répond pas aux exigences de sécurité", expliquent les pouvoirs publics dans un article des Échos. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts.

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