L'UE veut des batteries remplaçables dans les consoles portables aussi
Pour lutter contre l'obsolescence programmée, l'UE exige que les fabricants rendent les batteries des appareils mobiles facilement remplaçables et recyclables. Les consoles de jeu portables sont aussi concernées.
Les constructeurs d'appareils électroniques, y compris dans le secteur du gaming, vont grincer des dents ! Pour répondre à la problématique de longue date de l'obsolescence programmée des appareils électroniques, qui est une importante source de pollution – entre l'extraction de matières premières, la fabrication et les déchets électroniques, le coût écologique est élevé –, le Parlement européen avait voté, le mercredi 14 juin, une directive mettant en place des règles environnementales sur la production et la gestion des batteries, afin qu'elles soient plus durables, plus performantes, plus résistantes et mieux recyclées. Avec 587 votes pour, 9 contre et 20 abstentions, les eurodéputés avaient été presque unanimes ! Une loi qui s'inscrit dans le projet global de l'Union européenne visant à parvenir à une économie circulaire d'ici à 2050 – soit éviter d'extraire des ressources qui se raréfient pour fabriquer des produits qui deviennent des déchets électroniques, mais plutôt transformer ces derniers pour fabriquer une nouvelle génération de produits. Petite surprise toutefois : cette directive sera également valable pour les consoles portables – un domaine en pleine expansion–, comme la Nintendo Switch, la Steam Deck, la ROG Ally ou encore la Logitech G Cloud.
Batteries remplaçables : les consoles portables sont aussi concernées
C'est le média spécialisé Overkill qui s'est penché sur la question. Nos confrères se sont entretenus avec la Commission, qui leur a confirmé que la nouvelle législation concernera bien les consoles de jeux portables. Les manettes et les casques de réalité virtuelle et augmentée seront également concernés. Les fabricants devront donc faire en sorte que, à partir de 2027, leurs produits disposent d'une batterie distincte des autres composants et que celle-ci puisse être remplacée par l'utilisateur.
Un document de règlementation précise ce que l'Union européenne entend par "batteries interchangeables". "Une batterie portable est considérée comme facilement amovible par l'utilisateur final lorsqu'elle peut être retirée d'un produit à l'aide d'outils disponibles dans le commerce, sans nécessiter l'utilisation d'outils spécialisés, à moins qu'elle ne soit fournie gratuitement avec le produit", et ce "à tout moment au cours de la durée de vie du produit". Étant donné l'échéance, la directive ne devrait s'appliquer qu'aux prochaines générations de consoles portables. Reste à savoir si cela aura un impact sur le développement de la future Nintendo Switch 2, très attendue par la communauté des joueurs.
Batteries : à quand des formats normalisés pour tous les appareils mobiles ?
Tous les objets électroniques du quotidien, comme un poste de radio portable, une lampe de poche ou une télécommande, fonctionnent à l'aide de piles classiques – ou de piles rechargeables – que l'on peut facilement retirer et remplacer par leurs équivalents, quelle que soit leur marque. Il en va ainsi pour de nombreux appareils. Mais pas pour les smartphones, les tablettes et les ordinateurs portables qui utilisent tous désormais des batteries spécifiques – "propriétaires" – qui sont impossibles à remplacer sans passer par un service spécialisé, de type SAV ou réparateur. Une véritable aberration technologique et écologique, surtout quand on sait qu'elles ne sont pas éternelles : tous ces accumulateurs électro-chimiques ont par essence une durée de vie limitée qui détermine – pas du tout accessoirement – la durée de vie des appareils qui les intègrent en entraînant une forme d'obsolescent programmée. Qui a envie de dépenser plusieurs dizaines d'euros – ou plus – pour remplacer la batterie usée d'un "ancien" téléphone ou d'un "vieil" ordinateur portable quand il on peut s'offrir un modèle neuf pour un peu plus ?
Et c'est sans parler des problèmes de fabrication et de recyclage des batteries, qui pèsent lourd sur l'environnement – et donc sur notre avenir. N'en déplaise aux constructeurs qui invoquent toujours des considérations technologiques – performances, innovation… – ou "éthiques" – liberté –, il serait grand temps de revenir aux batteries amovibles, facilement interchangeables, dans tous les appareils électroniques pour lutter contre cet immense gâchis et revenir ainsi à une économie durable. On pourrait même rêver, dans un monde meilleur, de voir un jour apparaître des formats normalisés pour toutes les batteries – comme pour les piles standards –, que ce soit pour les smartphones, les tablettes ou les ordinateurs. Voilà qui simplifierait sensiblement notre vie quotidienne… Sans aller jusqu'à cette vision utopique – quoique… –, l'Union européenne s'est penchée sur le problème des batteries.
Voitures, véhicules électriques, vélos, trottinettes, smartphones, ordinateurs, batteries industrielles... Tous devront répondre, dans les années à venir, à des exigences de durabilité, de sécurité et de circularité. Le but : doper leur production en Europe tout en limitant leur impact écologique. Cette loi, pour l'instant provisoire, couvrira "l'ensemble du cycle de vie des batteries, de la conception au traitement des déchets, et s'appliquera à tous les types de batteries vendues dans l'UE ", explique le Parlement. Sont donc concernées par ce projet les batteries portables (pour téléphones et ordinateurs), les batteries SLI (pour les véhicules "lourds", comme les voitures électriques), les batteries de moyens de transport légers (MTL : pour les véhicules à roues comme les scooters et les vélos électriques), les batteries pour véhicules électriques (VE) et les batteries industrielles.
Accord européen : des batteries plus faciles à changer pour les consommateurs
La loi relative aux batteries couvre plusieurs aspects du secteur. D'abord, elle doit profiter directement aux consommateurs, en rendant les batteries plus performantes, plus sûres et plus faciles à retirer et à remplacer, et ce d'ici à trois ans. En effet, lorsque la batterie d'un appareil mobile tombe en panne ou arrive en fin de vie, l'appareil devient complètement inutilisable, faute de pouvoir la remplacer facilement. C'est vrai pour les téléphones, les tablettes et les ordinateurs portables, mais plus encore pour les appareils de petite taille comme les écouteurs sans fil, très difficiles à démonter et à réparer. Une aberration écologique et technique car il est bien plus intelligent de changer la batterie défectueuse plutôt que racheter un nouvel appareil pour le remplacer. Un point qui pose problème pour certains fabricants majeurs, notamment Apple. Si la firme fait des efforts avec ses nouveaux modèles – notamment l'iPhone 14, dont onze éléments peuvent être changés, contre un seul pour le premier iPhone –, l'indice de réparabilité de ses appareils est plutôt faible. Sans compter que les prix pour changer leur batterie s'envolent complètement, avec jusqu'à 60 euros supplémentaires ! Mais ce "défaut" concerne également tous les constructeurs de smartphones qui ont délaissé les batteries remplaçables encore utilisées il y a quelques années par des modèles inamovibles… Ils vont cependant devoir repenser leurs appareils, que ce soit dans leur design ou leur conception, pour faciliter le remplacement des batteries. En effet, la nouvelle directive impose que "les consommateurs [puissent] facilement les retirer et les remplacer eux-mêmes".
Pour faire simple, les constructeurs doivent faire en sorte que les utilisateurs puissent commander une batterie de remplacement, ouvrir leur smartphone et la changer tout seul facilement, grâce à des outils simples d'utilisation. C'est ce que propose déjà Apple avec son service Self Service Repair – qui tient plus d'une opération de greenwashing étant donné la complexité de l'opération (voir notre article) –, mais aussi Samsung avec son programme d'autoréparation. Est considéré comme une batterie facile à remplacer, c'est-à-dire "amovible par l'utilisateur", une batterie qui puisse "être retirée à l'aide d'outils disponibles dans le commerce et sans nécessiter l'utilisation d'outils spécialisés, à moins qu'ils ne soient fournis gratuitement, ou d'outils propriétaires, d'énergie thermique ou de solvants pour la démonter. Les outils disponibles dans le commerce sont considérés comme des outils disponibles sur le marché pour tous les utilisateurs finaux sans qu'ils aient à fournir la preuve d'un quelconque droit de propriété et qui peuvent être utilisés sans aucune restriction, à l'exception des restrictions liées à la santé et à la sécurité." Il faudra donc apporter quelques petits changements au niveau de la fabrication des smartphones, notamment au niveau de la colle qui fixe la batterie.
Autre point : toutes les batteries devront porter des étiquettes et des codes QR afin de renseigner les consommateurs – qui sont un levier clé pour le changement – sur leurs performances, leur durée de vie et leur composition. Pour les batteries des scooters, des voitures et certaines batteries industrielles, elles devront être dotées d'un "passeport batterie numérique" détaillant leurs caractéristiques et leurs utilisations. Notons au passage que les batteries de véhicules électriques (VE), les batteries de moyens de transport légers (MTL) et les batteries industrielles rechargeables d'une capacité supérieure à 2 kWh devront obligatoirement posséder une déclaration et une étiquette d'empreinte carbone.
Batteries : une politique de diligence raisonnable pour l'industrie
Afin de réduire la quantité de ressources qui doivent être importées en Europe – d'autant qu'elles sont parfois produites dans des conditions de travail déplorables, en faisant travailler des enfants, par exemple –, l'UE a également mis en place des objectifs contraignants de collecte et de recyclage. Ainsi, pour les batteries portables, les entreprises devront avoir un taux de reprise d'au moins 45 % dès 2023, 63 % pour 2027, et 73 % avant fin 2030. Pour les batteries des vélos, de trottinettes électriques et scooters (batteries MTL), le taux minimal de collecte s'élèvera à 51 % d'ici 2028, et à 61 % d'ici 2031. Toutes les batteries MTL, VE, SLI et industrielles devront être collectées auprès des utilisateurs gratuitement. Le texte impose également des niveaux minimaux de certains métaux recyclés provenant des déchets de fabrication et de consommation – 16 % pour le cobalt, 85 % pour le plomb, 6 % pour le nickel et 6 % pour le lithium – devant être réutilisés pour la composition de nouvelles batteries. Treize ans après l'entrée en vigueur de la directive, ces niveaux seront de 26 % pour le cobalt, 85 % pour le plomb, 12 % pour le lithium et 15 % pour le nickel. Enfin, les constructeurs devront respecter des niveaux minimaux de certains métaux récupérées dans les déchets de batteries – 50 % pour le lithium d'ici 2027 et 80% d'ici 2031 ; et 90 % d'ici 2027 et 95 % d'ici 2031 pour le cobalt, le cuivre, le plomb et le nickel.
Le respect des critères de production écologique de l'UE sera une condition préalable à la vente d'une batterie au sein de l'Union. "Cette loi fixe des exigences environnementales pour toutes les batteries, qu'elles soient produites en Europe ou importées, et restreindra progressivement l'accès au marché européen aux batteries les plus durables", explique Pascal Canfin, président de la commission Environnement au Parlement européen. Mais l’intérêt n'es pas seulement écologique.
"Pour la première fois, nous avons une législation sur l'économie circulaire qui couvre l'ensemble du cycle de vie d'un produit - cette approche est bonne à la fois pour l'environnement et l'économie", s'est réjouit le rapporteur Achille Variati. En effet, cet accord vise à garantir l'économie en énergie de l'Europe alors que, selon les prévisions, ses besoins en batteries seront 14 fois plus importants d'ici à 2030. En effet, il cherche à renforcer l'industrie européenne des batteries – la fameuse économie circulaire – tout en réduisant la dépendance de l'UE aux importations de métaux critiques – d'où les taux de lithium, nickel, cobalt et plomb recyclés. Car sur ce secteur, l'Europe est seulement troisième derrière l'Asie – en particulier la Chine, le Japon et la Corée du Sud – et les États-Unis. D'ici à 2030, l'Europe vise 25 % de la production mondiale de batteries, contre 3 % seulement en 2020. Pour y parvenir, le Vieux Continent multiplie les investissements dans le secteur, avec environ une quarantaine de projets d'usines de batteries en 2021. "Notre objectif global est de construire une industrie européenne du recyclage plus forte, notamment pour le lithium, et un secteur industriel compétitif dans son ensemble, ce qui est crucial dans les décennies à venir pour la transition énergétique et l'autonomie stratégique de notre continent", explique Achille Variati. Désormais, le texte doit être approuvé formellement par le Conseil, avant d'être publié dans le Journal officiel de l'UE.