NFT : le Gouvernement veut investir des fonds publics dans le marché

NFT : le Gouvernement veut investir des fonds publics dans le marché

Le Gouvernement voudrait investir de l'argent public dans les NFT afin de favoriser leur développement en France. Une annonce qui suscite des interrogations et qui intervient au mauvais moment, quand le secteur s'écroule.

Dans le monde du numérique, les NFT suscitent bien des débats. Nouvel eldorado numérique pour certains, spectaculaire attrape-gogos pour les autres, les avis divergent. Pour rappel, NFT est l'acronyme de Non-Fungible Token – soit "jeton non fongible" en français. Il s'agit d'une sorte de certificat d'authenticité reposant principalement sur la blockchain Ethereum – un protocole d'échange qui utilise une technologie de stockage et de transmission de données sous forme de blocs liés les uns aux autres, sans aucun organe central ou intermédiaire, ce qui permet de gagner en transparence, sécurité et rapidité – et qui attribue une valeur numéraire à un bien – physique ou numérique. Les NFT associés à un bien physique ou à une œuvre numérique sont réputés être non fongibles, c'est-à-dire non interchangeables entre eux, sécurisés, infalsifiables et facilement cessibles à un tiers. Leur valeur – et par extension celle du bien auquel ils sont associés – est assez fluctuante et volatile (voir notre fiche pratique). Certains NFT ont été échangés contre des sommes astronomiques, allant jusqu'à plusieurs dizaines de millions de dollars. Mais la chance peut vite tourner.

Le Gouvernement a visiblement foi en cette technologie, comme en témoignent les récentes déclarations de Jean-Noël Barrot, le ministre délégué à la Transition numérique. Le 18 octobre 2022, lors de l'ouverture de la NFT Factory – un espace de 400 m² visant à faire découvrir les NFT au grand public et à développer l'écosystème français des jetons non fongibles en accompagnant les start-up qui se lancent dans le domaine –, le ministre a ainsi déclaré que la France avait "tous les atouts pour devenir une plateforme européenne et mondiale des NFT". "Il faut que l'on accompagne ce mouvement avec le soutien de l'argent public, dans le cadre de France 2030", a-t-il ajouté. Une annonce avec un très mauvais timing…

NFT et fonds publics : soutenir le marché français grâce aux impôts

Comme le rapporte BFM, Jean-Noël Barrot a annoncé la volonté de l'État de financer le secteur avec des fonds publics : "Avec les acteurs mondiaux de la culture, des jeux vidéo et de l'industrie du luxe, la France a tous les atouts pour devenir une plateforme européenne et mondiale des NFT. Il faut que l'on accompagne ce mouvement avec le soutien de l'argent public". S'il n'a pas indiqué le montant exact de ce financement, celui-ci serait prévu dans le cadre de France 2030, un plan d'investissement de 30 milliards d'euros déployés sur 5 ans qui doit faciliter l'émergence "des futurs champions technologiques de demain". Il juge cependant absolument nécessaire de mettre en place "un cadre régulateur pour les NFT, objets encore non identifiés, notamment en matière de sécurité juridique". En effet, les NFT échappent pour l'instant totalement à la législation française. Du côté de la législation européenne MiCA – Market in crypto assets –, les NFT sont encadrés uniquement s'ils sont liés à une œuvre matérielle. Aussi, toutes les créations numériques – et elles sont nombreuses – baignent dans un vide juridique.

Jean-Noël Barrot à l'ouverture de la NFT Factory © Jean-Noël Barrot

Dans une interview accordée au média spécialisé The Big Whale, parue ce 19 octobre, Jean-Noël Barrot a donné un peu plus de détails, annonçant avoir saisi, avec Bruno Le Maire et Gabriel Attal – respectivement ministre de l'Économie et ministre de l'Action et des Comptes publics –, l'Inspection générale des finances "d'une mission globale sur les NFT. Elle dressera notamment un panorama des usages et pourrait proposer des pistes d'évolution de la réglementation afin de permettre le développement des acteurs du secteur", explique-t-il. Il refuse d'être "dans le camp de la peur" que peut susciter cet objet nouveau, mais plutôt dans celui de l'ambition, afin de "maîtriser les briques technologiques du web 3 pour ne pas être dépendant de puissances étrangères, parce que la domination technologique précède la domination économique et culturelle."

NFT et fonds publics : un investissement qui tombe au mauvais moment

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'annonce de Jean-Noël Barrot intervient au pire moment. En effet, le secteur des NFT est actuellement dans le rouge – même si les marques et les entreprises continuent de manifester leur intérêt – suite au krach des cryptomonnaies. Même les plus célèbres collections, comme les Bored Ape Yacht Club de Yuga Labs, ont considérablement perdu de leur valeur. Cela s'explique par le fait qu'en 2022, les échanges de tokens sur la blockchain se sont fortement réduits. D'après les analystes de StockApps, les ventes de NFT ont baissé de 41 % entre le dernier semestre 2021 et le second trimestre 2022. L'inflation et la crise économique qui en découlent n'y sont pas étrangères et contraignent les investisseurs à se détourner des actifs trop risqués, comme les cryptomonnaies et les NFT, qui ne représentent rien de concret. Le NFT du premier tweet, qui s'était vendu au départ au prix de 2,8 millions de dollars, n'a trouvé preneur en avril 2022 que pour la somme de 280 dollars

© Yuga Labs

En tout cas, ce n'est pas ça qui va visiblement inquiéter le ministre délégué à la Transition numérique et ses conseillers. Pour rester positif, notons tout de même qu'en dépit de l'effondrement du marché de la spéculation, les projets se multiplient. eBay, le leader des ventes aux enchères en ligne, a ouvert sa propre marketplace de tokens non fongibles au printemps 2022. Coca-Cola et Nike ont aussi lancé leur propre collection de NFT. Et que dire de Facebook, qui vient d'ouvrir son réseau social de plus de 2,9 milliards d'utilisateurs dans le monde aux jetons non fongibles, en parallèle de l'App Store d'Apple ! C'est donc dans un pari osé et risqué que se lance le gouvernement français…

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