SVOD : des films plus récents sur les services de streaming
La chronologie des médias évolue : à compter du 10 février 2022, les films de cinéma pourront être diffusés beaucoup plus rapidement après leur sortie en salle par les plateformes de streaming comme Netflix ou Disney+.
C'est un accord qui rebat les cartes de la diffusion des films après leur exploitation dans les salles de cinéma. Le 24 janvier 2022, au terme de longs mois d'âpres négociations, un nouvel accord sur ce que l'on appele la "chronologie des médias" a été signé au ministère de la Culture entre les professionnels du cinéma, les chaînes de télévision et des plateformes de VOD et SVOD. Ce texte, qui n'a cependant pas reçu la bénédiction de Disney+, d'Apple TV+ et Amazon Prime Video, entrera en vigueur le 10 février 2022 pour une durée de trois ans. Si elle ne concerne pas les séries, mais exclusivement la diffusion des films initialement sortis sur les écrans de France et de Navarre, cette nouvelle évolution de la chronologie des médias va très bientôt permettre aux (télé)-spectateurs que nous sommes d'accéder beaucoup plus rapidement depuis notre canapé aux films que nous avons manqués en salle.
Chronologie des médias : une spécialité française
Aujourd'hui, quand un film sort, il reste le plus souvent quelques semaines sur les écrans, mais la période d'exclusivité allouée aux cinémas est de quatre mois. Ce temps est réduit à trois mois si le film a enregistré moins de 100 000 entrées sur les quatre premières semaines d'exploitation. En clair, cela veut dire qu'en dehors des cinémas, aucun service ne peut diffuser un film moins de quatre mois après sa sortie en salle. Passé ce délai s'ouvre alors le calendrier de la très française – et souvent très critiquée – chronologie des médias. Les services de VOD (ceux où l'on paye à l'acte pour regarder un film sur son ordinateur ou son téléviseur) entrent alors en scène, tout comme la commercialisation physique des films en DVD ou en Blu-ray. Concernant ces supports, avec le nouveau texte, rien ne change.
Mais c'est l'exception qui confirme la règle, car les autres acteurs de la filière (les chaînes payantes comme Canal+ et OCS, les services de SVOD comme Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video, mais aussi les chaînes gratuite comme TF1, France Télévisions, M6 ou Arte) voient leur calendrier de diffusion des œuvres cinématographiques tout à la fois réduit et chamboulé. Parfois en contrepartie d'une participation très significative au financement de la création française et européenne. Ainsi, pour les chaînes payantes comme Canal+, et par extension pour son concurrent direct OCS, il est désormais possible (en cas d'accord avec les organisations professionnelles du cinéma) de diffuser un film six mois après sa sortie en salle (contre huit mois auparavant). C'est une très bonne nouvelle pour Canal+ (et pour ses abonnés), puisque le groupe, qui fait désormais partie de la galaxie Bolloré, s'est récemment engagé à investir plus de 600 millions d'euros sur les trois prochaines années dans la production de films français et européens.
Les films disponibles plus rapidement sur Netflix
Mais celui pour lequel cette évolution de la chronologie des médias est la plus spectaculaire, c'est incontestablement Netflix. Car pour le géant de la SVOD, la fenêtre de sortie qui était jusqu'à présent de 36 mois est réduite à 15 mois ! Parallèlement, le groupe Internet américain a signé un accord bilatéral avec les professionnels du cinéma par lequel il s'engage à investir 40 millions d'euros par an pour financer des films et notamment des films à petit budget. Une clause qui, au final, permet à la firme de Los Gatos (Californie) de se distinguer de ses concurrents directs Amazon Prime et Disney++ dont la fenêtre de sortie passe de 36 mois à (seulement) 17 mois à compter du 10 février prochain.
Enfin, les chaînes gratuites (TF1, France Télévisions, M6 ou bien encore Arte), pourront diffuser des long-métrages financés 22 mois après leur sortie en salle (contre 30 mois auparavant), mais à la condition qu'elles investissent a minima 3,2% de leur chiffre d'affaires pour soutenir le septième art. À noter, et c'est un peu technique, qu'entre le 22e et le 36e mois, les chaînes gratuites bénéficieront d'une exclusivité de diffusion sur les films financés, ce qui sous-entend que les plateformes de SVOD devront retirer ces œuvres de leur catalogue pendant cette période, sauf accord de "co-exclusivité" signé entre les deux parties (entre TF1 et Netflix, par exemple).
Au final, certains cinéphiles de salon pourront estimer que les délais de diffusion des films après leur sortie en salle sont encore trop longs. C'est oublier un peu vite que la chronologie des médias dans sa version française vise avant tout à protéger le cinéma et les salles de cinéma en particulier, ces lieux magiques où les films prennent vie et leur réelle dimension. Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, le dernier Spider-Man n'a pas été tourné pour être visionné sur un smartphone. Aux États-Unis, en revanche, pays où le cinéma est avant tout une industrie, l'avenir des salles de cinéma paraît plus incertain. À l'instar de ces deux accords récemment conclus entre AMC, le premier circuit de salles nord-américain, avec HBO Max et Universal. Dans le premier, il est convenu que la fenêtre d'exclusivité des films Warner en salles passe de 90 à 45 jours. Et dans le second ce délai est ramené à… 17 jours.