Impact du numérique en France : une étude alarmante

Impact du numérique en France : une étude alarmante

L'Arcep et l'Ademe sonnent l'alerte ! Si nous ne changeons pas nos habitudes, l'empreinte carbone du numérique en France pourrait bien tripler d'ici à 2050. Mais quelques mesures permettraient de limiter les dégâts.

Alors que nous faisons face à une crise écologique sans précédent, il est plus que jamais nécessaire de nous remettre en question quant à la façon dont nous consommons, y compris dans le domaine numérique, car les appareils électroniques ont un impact non négligeable sur l'environnement. En effet, les ordinateurs, les téléviseurs, les smartphones, les tablettes et tous leurs accessoires représentent actuellement 2,5 % de l'empreinte carbone en France, soit l'équivalent de 17,2 millions de tonnes de CO2. Et pour préparer l'avenir, le Gouvernement a commandé en 2020 une étude prospective sur l'empreinte environnementale du numérique en France aux horizons 2030 et 2050.

Le lundi 6 mars, l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques) et l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ont donc remis à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, à Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et à Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, les résultats du troisième volet de cette étude. Et autant dire que les projections sont loin d'être rassurantes ! Loin de diminuer, l'empreinte carbone du numérique devrait exploser dans les années à venir pour atteindre les 50 millions de tonnes en 2050 si nous ne changeons pas nos habitudes. En cause : l'explosion des usages du streaming, de l'équipement en smartphones, en ordinateurs et en divers objets connectés, mais aussi de la 5G.

Impact du numérique : une empreinte carbone triplée d'ici 2050

D'après les observations de l'Arcep et de l'Ademe, 80 % de l'empreinte carbone du numérique proviennent actuellement de la fabrication de nos équipements, 16 % des centres de données et 5 % des réseaux. "Avant même que nous n'utilisions notre dernier smartphone, téléviseur ou ordinateur flambant neuf, il a déjà produit près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre qu'il émettra durant sa (trop courte) vie", souligne le rapport. En effet, la production d'un appareil est la phase la plus polluante de son existence, à cause de l'extraction des matières premières. Par conséquent, plus un équipement est utilisé longtemps, plus son impact environnemental sera faible. Et nous ne nous rattrapons hélas pas sur ce point puisque nous conservons trop peu nos appareils : seulement deux ans et demi pour les smartphones, trois ans pour les tablettes.

© Arcep/Ademe

En partant de ces constatations, les deux organismes ont pu définir quatre scénarios possibles pour 2030 et 2050, allant de l'accélération de la tendance actuelle – le rapport parle de "fuite en avant du numérique " – à un scénario de très grande sobriété – très utopique. Dans le scénario tendanciel – donc si nous continuons sur la même voie –, les émissions de gaz à effet de serre du numérique augmenteraient de 45 % d'ici 2030 pour atteindre 25 millions de tonnes d'équivalent CO2, avec une hausse de 4 % pour la consommation d'énergie et de 14 % pour la consommation des métaux et minéraux. D'ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique tripleraient, avec une augmentation de 59 % pour la consommation des métaux et minéraux et de 79 % pour la consommation d'énergie. Des chiffres qui s'expliquent "par la croissance des usages, elle-même soutenue par un parc grandissant de centres de données".

Mais il ne faut pas oublier qu'un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre cette fameuse empreinte carbone, réside également dans la disponibilité des métaux et des autres ressources naturelles utilisées pour la fabrication des terminaux, toujours plus nombreux, plus puissants et plus consommables, mais également sur notre capacité à les alimenter en énergie. "Si ce développement du numérique permet en partie de réduire d'autres impacts environnementaux dans d'autres secteurs, les consommations qu'il engendrerait en électricité et en ressources posent de toute façon la question de leur faisabilité (sera-t-il possible de produire autant d'électricité ou de consommer autant de matière première dans un monde où les tensions s'accroissent ?)", explique le document. Il va donc falloir choisir soigneusement notre chemin à suivre...

Estimation du nombre de terminaux utilisateurs utilisés en France pour des usages personnels et professionnels (en millions) © Arcep/Ademe

Impact du numérique : des changements drastiques à opérer

Ainsi, le scénario que les deux organismes nomment "Pari réparateur" conduirait à quintupler l'empreinte carbone du numérique par rapport à 2020. "Les modes de vie du début du XXIe siècle sont sauvegardés. Mais le foisonnement de biens consomme beaucoup d'énergie et de matières avec des impacts potentiellement forts sur l'environnement. La société place sa confiance dans la capacité à gérer voire à réparer les systèmes sociaux et écologiques avec plus de ressources matérielles et financières pour conserver un monde vivable. Cet appui exclusif sur les technologies est un pari dans la mesure où certaines d'entre elles ne sont pas matures", note le rapport. 

À l'inverse, le scénario "Génération frugale" conduirait à diviser par deux l'empreinte carbone du numérique par rapport à 2020."Des transformations importantes dans les façons de se déplacer, de se chauffer, de s'alimenter, d'acheter et d'utiliser des équipements, permettent d'atteindre la neutralité carbone sans impliquer de technologies de captage et de stockage de carbone, non éprouvées et incertaines à grande échelle", explique l'étude. Pour parvenir à ce résultat, il faudrait commencer à s'interroger sur l'ampleur du développement de nouveaux produits ou services numériques, et sur une réduction ou stabilisation du nombre d'équipements. 

© Arcep/Ademe

Ce scénario idéal nécessiterait de prendre des mesures drastiques, du côté des consommateurs comme des entreprises et constructeurs. Cela commencerait par allonger de deux ans la durée de vie des équipements – soit 7 ans pour les PC, 8 ans pour les TV et 4 ans et demi pour les smartphones –, en développant le reconditionnement et la réparation des appareils pour que nous puissions les garder plus longtemps – les constructeurs devraient commencer par arrêter l'obsolescence programmée. Il faudrait également améliorer les performances énergétiques des équipements réseaux et des data centers, ainsi qu'optimiser le codage des services numériques et la gestion des flux de données. La fibre, bien moins énergivore que le réseau cuivre utilisé pour l'ADSL, devrait également se généraliser. Enfin – et ce sont des mesures qui paraissent actuellement difficiles à mettre en place, il faudrait remplacer les téléviseurs par des vidéoprojecteurs et ne pas augmenter le nombre d'antennes des réseaux mobiles, ni le nombre d'équipements.

Guide technologies