Addiction aux jeux vidéo : l'Europe prend des mesures de protection
Face aux menaces auxquelles sont exposés les plus jeunes, les députés européens souhaitent réguler le secteur du jeu vidéo. Le but : préserver leur santé mentale et les protéger de certains dérives commerciales.
Le jeu vidéo est un secteur extrêmement lucratif et en plein développement. En 2020, rien que dans l'Union européenne, il a représenté un chiffre d'affaires de 23,3 milliards d'euros, comme le rappelle Ouest France. Mais sa popularité n'a pas que des effets positifs. Même si le jeu vidéo est incroyable en ce qu'il apporte en termes d'art, d'aide éducative et de divertissement, il peut également entrainer de graves problèmes, notamment au niveau de la santé mentale des plus jeunes. L'Organisation mondiale de la santé a d'ailleurs officiellement reconnu la dépendance aux jeux vidéo comme un trouble à part entière. Le Parlement européen a décidé de s'attaquer au problème et a rendu public, le 18 janvier 2023, les conclusions d'un rapport, qui a été adopté avec 577 voix pour, 56 voix contre et 15 abstentions. Son objectif : encourager la croissance du secteur des jeux vidéo tout en renforçant la protection des joueurs, en particulier des plus jeunes, des pratiques commerciales dangereuses et de l'addiction.
Protection des mineurs : la lutte contre les micro-transactions
Différentes pratiques commerciales dans le secteur du jeu vidéo, et dont les conséquences peuvent être graves, sont pointées du doigt par l'Union européenne. Tout d'abord, elle demande à ce que les développeurs et éditeurs fassent en sorte que l'annulation des abonnements soit aussi facile que leur souscription, et que les politiques d'achat, de retour et de remboursement des jeux soient conformes aux règles européennes. Ainsi, "les autorités nationales doivent mettre un terme aux pratiques illégales qui permettent aux joueurs d'échanger, de vendre ou de parier sur des sites de jeux vidéo".
Autre problème : les incitations à effectuer des achats dans les jeux, surtout lorsqu'elles profitent de leur naïveté et de leur méconnaissance. En décembre, l'Agence américaine de protection des consommateurs (FTC) avait d'ailleurs épinglé Epic Games et son jeu Fortnite, où tout était fait pour pousser le joueur aux achats compulsifs (voir notre article). C'est un problème que l'on rencontre dans presque tous les jeux de type free-to-play avec des microtransactions – en clair, ils sont gratuits mais les joueurs peuvent y acheter des objets, équipements et costumes (skins) avec de l'argent bien réel. L'institution a notamment demandé la régulation, voire l'interdiction, des loot boxes (boîtes à butin en français), qui permettent d'obtenir de façon aléatoire des accessoires moyennant un paiement virtuel ou réel, car "en raison de mécanismes aléatoires de récompenses, les boîtes à butin ressemblent beaucoup aux jeux de hasard. Certaines peuvent favoriser le passage à des jeux d'argent" et leur pratique "peut être liée à la criminalité financière et aux violations des droits humains".
Jeu vidéo : pour un système plus respectueux des joueurs
Mais ce ne sont pas les seuls points que souhaite réguler le Parlement européen, bien décidé à rendre le secteur plus sain. Ainsi, l'industrie doit accorder plus d'importance à la protection des données, à l'équilibre entre les genres, à la sécurité des joueurs et veiller à ne pas discriminer les personnes handicapées. En effet, les femmes ont tendance à être sous-représentées et hypersexualisées, même si les studios font de plus en plus d'efforts sur ce point-là. Ces efforts sont également visibles avec une plus grande inclusion des personnes atteintes d'un handicap, que ce soit avec des options au sein du jeu – c'est notamment le cas du très acclamé God of War : Ragnarok, qui intègre pas moins de 60 options différentes – ou au niveau de l'équipement – Sony a par exemple présenté lors du CES 2023 son Project Leonardo, une manette spécialement conçue pour les personnes handicapées.
Dans un autre volet, le Parlement européen demande "l'harmonisation des règles afin de permettre aux parents d'avoir une bonne vision d'ensemble et un contrôle des jeux auxquels leurs enfants jouent". Pour ce faire, elle évoque une éventuelle modification du système PEGI, qui est actuellement en vigueur dans plus de 38 pays, et qui n'est pas toujours respecté, que ce soit par les parents ou les vendeurs. De plus, les éditeurs et les développeurs ont pour obligation de "tenir compte de l'âge, des droits et des vulnérabilités des enfants". Ils doivent également éviter de créer des jeux qui pourraient alimenter l'addiction, qui peut avoir de graves conséquences sur les résultats scolaires, la santé et les relations sociales. Certains pays ont d'ailleurs déjà pris des mesures à ce propos. C'est notamment le cas de la Chine, qui a imposé une limitation du temps de jeu à 3 heures par semaine et une interdiction de jouer après 22h.