Metaverse : le nouvel Eldorado de Facebook ?

Metaverse : le nouvel Eldorado de Facebook ?

METAVERSE. Savant mix de technologies numériques, le concept de métavers fait fantasmer les géants de la tech. Porté par les ambitions économiques de Facebook, il pourrait s'imposer prochainement dans notre vie quotidienne.

Metaverse, métavers ou métaverse selon les auteurs et les traductions : un terme un peu barbare, une contraction de mots dont on devine la signification, mais dont on peine encore à distinguer les contours. Combinant savamment plusieurs technologies (réalité virtuelle, réalité augmentée, blockchain, NFT, cryptomonnaie…), le concept de métaverse (un méta-univers, littéralement "au-delà de l'univers", un univers où les frontières entre monde réel et mondes virtuels s'estompent jusqu'à se confondre), n'est pas nouveau, mais tout le monde en parle depuis que Facebook a annoncé son intention d'en faire l'un de ses axes de développement majeur. "Mon espoir, c'est que d'ici cinq ans environ (...) les gens nous perçoivent avant tout comme une entreprise du metaverse", déclarait cet été Mark Zuckerberg au site spécialisé The Verge. Pour le co-fondateur de Facebook, le métaverse, souvent annoncé comme la prochaine révolution numérique, n'est en effet rien moins que "le successeur de l'internet mobile", "le Graal des interactions sociales", mais aussi, on l'aura deviné, un moyen de diversifier significativement les sources de revenus du groupe Internet au-delà d'un simple modèle économique reposant essentiellement sur la publicité.

Métavers : un concept ancien venu de la SF

Le terme "métaverse" apparaît pour la première fois en 1992 dans "Le Samouraï virtuel" ("Snow crash" en anglais), un roman de science-fiction dystopique signé Neal Stephenson. L'auteur y décrit alors un monde où les humains interagissent en tant qu'avatars les uns avec les autres. Des humains dont l'esprit est prisonnier d'un virus informatique qui infecte leur cerveau. Une réjouissante vision du futur qui fascine aujourd'hui encore les entrepreneurs de la Silicon Valley. Plus ludique, mais toujours aussi déroutant, de 1997 à 2001, Canal+ Multimédia invitait une communauté virtuelle de joueurs à évoluer dans Le Deuxième Monde, un univers virtuel où l'on pouvait se promener dans un Paris reconstitué en 3D grâce à un avatar. Le concept de métaverse, à l'évolution chaotique, prend une nouvelle dimension à partir de 2003 avec la création par Linden Lab, de Second Life, un nouvel univers virtuel qui attire cette fois-ci, au-delà des curieux, des marques, des artistes, mais aussi des avatars de personnalités politiques qui (à l'instar de Nicolas Sarkozy, de François Bayrou ou de Ségolène Royal en 2007) trouvent de bon goût d'installer leur permanence électorales virtuelles et même d'y organiser des cyber-meetings. Avant de tomber quelque peu dans l'oubli, Second Life (un million d'utilisateurs en 2006) sera également un champ d'exploration pour l'achat et la vente de biens virtuels (via une monnaie locale créée à cet effet le Linden Dollar) ainsi qu'un eldorado pour tout un lot d'activités underground.

Depuis, le concept de métaverse n'a cessé d'essaimer et de se propager, au cinéma avec des films comme Matrix, Avalon ou Real Player One (de Steven Spielberg) mais aussi plus concrètement (si l'on peut dire) via certaines plateformes comme Fortnite, Roblox, Minecraft ou Decentraland. Ainsi, a-t-on pu assister en avril 2020, sur Fortnite (un jeu qui rassemble 350 millions de gamers) à une série de concerts de l'avatar du rappeur américain Travis Scott, suivis par plus de 12 millions de spectateurs. Dans la foulée, Fortnite qui se vit désormais comme une "plateforme pour les expériences sociales connectées" a organisé un festival de cinéma ("Short Nite") ainsi qu'une fête virtuelle géante animée par des DJ de renom ("Party Royale"). Sur Minecraft se développe dans projets à vocation (parfois) plus pédagogique (comme celui initié par l'organisation Reporters sans frontières pour y sauvegarder des centaines d'articles censurés). Tandis que sur Decentraland se développe, dans un lointain écho à Second Life, un phénomène de spéculation et de transactions immobilières basées sur la blockchain où des terrains virtuels s'arrachent parfois pour plusieurs centaines de milliers de dollars.

Metaverse : le futur des réseaux sociaux selon Facebook

De son côté, après avoir fait l'acquisition de (ou développer) plusieurs technologies comme les casques de réalité virtuelle Oculus, les appareils d'appel vidéo Portal ou la plate-forme Horizon, lunettes connectées (Ray-Ban Stories), Facebook espère faire la synthèse de tous ces éléments et attirer les milliards d'utilisateurs de ses services dans un métaverse. Un monde (à la limite de la téléportation) fait de "déplacements fluides d'univers virtuels en lieux physiques", un "Internet incarné", dont la "qualité essentielle sera la présence, le sentiment de vraiment être là avec les gens" comme l'expliquait en juillet dernier Mark Zuckerberg sur son profil Facebook. Un espace d'échange entre les marques et les consommateurs qui, quand ils ne seront pas occupés à vivre des existences parallèles, pourront très certainement acheter des biens physiques ou virtuels en Diem, le nouveau nom de la future cryptomonnaie en cours de développement chez Facebook. Pour ce projet tentaculaire, dont dépend une grande partie de son avenir, le groupe Facebook a décidé de mettre les moyens, en investissant des milliards de dollars et en créant près de 10 000 emplois, notamment en Europe.

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