Bard : bourde en public, un mauvais départ pour l'IA de Google

Bard : bourde en public, un mauvais départ pour l'IA de Google

Face à la menace que représentent ChatGPT et son association avec Microsoft, Google sort l'artillerie lourde avec Bard, son IA conversationnelle. Mais une énorme bourde lors de la présentation au public laisse craindre le pire…

Face à la menace que représente Microsoft, qui s'apprête à intégrer ChatGPT à son moteur de recherche Bing et à son navigateur Web Edge, Google a présenté Bard, son IA conversationnelle capable de répondre aux demandes des internautes dans un langage fluide et naturel. La firme de Mountain View a bien évidemment montré quelques exemples d'utilisations possibles. Elle lui a notamment fait la demande suivante :"Quelles sont les découvertes du télescope spatial James Webb dont je peux parler à mon enfant de neuf ans ?"  Bard a alors fourni une liste de trois informations, en affirmant notamment que le télescope "a pris les toutes premières photos d'une planète en dehors de notre propre système solaire". Ce qui est tout simplement faux et a été vivement souligné sur les réseaux sociaux. Car la première image d'une exoplanète a été enregistrée en 2004, soit 17 ans avant le lancement du télescope James Webb, grâce au télescope VLT Yepun à l'observatoire Paranal. Une information que l'on trouve notamment sur le site Web officiel de la NASA – difficile de faire une source plus fiable. Autant dire que ce n'est pas très rassurant pour une première démonstration !

Google Bard : une IA générative qui fournit de fausses informations

Les chercheurs ont essayé de découvrir ce qui avait bien pu amener Bard à commettre une telle erreur, et l'explication la plus probable serait le fait que le télescope James Webb a découvert une exoplanète de la taille de la Terre il y a de ça quelques semaines. L'IA aurait donc associé les mots les plus probables liés au télescope, comme "planète en dehors du système solaire" et "découverte" .

Il s'agit là de l'exemple parfait du risque avec les IA génératives, qui ont tendance à "halluciner", c'est-à-dire inventer et affirmer avec aplomb de fausses informations à partir des données disponibles. Même OpenAI, la start-up derrière ChatGPT, met en garde à ce sujet. Le président d'OpenAI expliquait d'ailleurs dans un tweet que se baser sur ChatGPT pour quoi que ce soit de sérieux était pour le moment "une erreur". Moralité : il faut vérifier ses infos avec des sources fiables – ce que, soyons réalistes, tout le monde ne prend pas le temps de faire. Google va devoir corriger son IA avant son déploiement dans son moteur de recherche, ce qu'il compte faire avec le programme Trusted Tester. Il s'agit de vérifier les informations fournies par l'IA grâce à une équipe de testeurs sélectionnés avec soin. Leurs retours seront utilisés pour optimiser le fonctionnement de Bard.

En tout cas, l'effet d'une telle bourde dès la première présentation de l'intelligence artificielle ne s'est pas fait attendre. Google n'a pas réussi à convaincre la Bourse et s'est vu sanctionné par une perte colossale de 100 milliards de dollars. De son côté, Microsoft a pris un peu plus de précautions en recommandant de "vérifier les faits avant de prendre des décisions ou de prendre des mesures en fonction des réponses de Bing" car, même si elle "tente de baser toutes ses réponses sur des sources fiables,  l'IA peut faire des erreurs et le contenu tiers sur Internet n'est peut-être pas toujours précis ou fiable".

ChatGPT : qui de Google ou Microsoft offrira la meilleure IA ?

Google et Microsoft sont au coude-à-coude dans leur guerre pour régner sur Internet et sur le monde de l'intelligence artificielle, et ce depuis que ChatGPT, l'intelligence artificielle conversationnelle développée par OpenAI, a secoué Internet lors de sa sortie en décembre 2022. Rapidement bluffés par ses réponses uniques, complexes, précises et formulées dans un langage naturel – ce qui, d'ailleurs, donne bien du fil à retordre aux enseignants –, nombreux y ont vu un concurrent potentiel à Google – avis qui n'est pourtant pas partagé par l'IA elle-même. Même si l'outil est loin d'être parfait – il lui arrive souvent de se tromper et de propager des fake news avec beaucoup de conviction –, Microsoft n'a pas tardé à voir le potentiel de la technologie et a d'ores et déjà prévu de l'intégrer à son moteur de recherche Bing ainsi qu'à sa suite bureautique Microsoft 365 afin d'attaquer Google sur son propre terrain. Pas étonnant que la firme de Mountain View, pourtant pionnière dans le domaine de l'IA, soit réellement inquiète.

Même s'il détient à lui seul 90 % des parts du marché du secteur et que, face à lui, la firme de Redmond, pourtant numéro deux, parait bien minuscule, Google ne doit par perdre de temps, car plus ChatGPT est utilisé par les internautes, plus il s'améliore. L'entreprise a donc lancé un "code rouge" et réorganisé divers départements pour avancer sur ses projets d'IA, qu'il s'apprête à dévoiler au public. Des sources citées par CNBC évoquaient d'ailleurs il y a quelques jours un chatbot appelé Apprentice Bard et l'intégration d'une nouvelle IA sur le moteur de recherche que Google ferait actuellement tester à ses employés. Les nouvelles annonces de Sundar Pichai, le PDG de Google – annonces qui ont été présentées plus en détail lors d'une conférence le 8 février – nous en apprennent davantage.

Google Bard : une IA qui se base sur LaMDA

Dans un communiqué paru sur son blog intitulé "Une étape majeure dans nos avancées en IA", Google présente son nouveau chatbot Bard, destiné à concurrencer ChatGPT. Celui-ci se base sur le modèle de langage LaMDA (Language Model for Dialogue Application, soit modèle de langage pour les applications de dialogue en français), déjà présenté en 2021 et qui est comparable à GPT-3 d'Open AI – il s'est notamment fait connaitre parce qu'un des chercheurs de Google pensait que l'IA avait une âme. Contrairement à de nombreux modèles de langage, LaMDA a été formé sur le dialogue et non sur le texte. Il repose sur un réseau neuronal développé par Google qui imite – de façon simplifiée – le fonctionnement du cerveau humain avec ses multiples connexions entre neurones et synapses.

"Bard a pour ambition de combiner l'étendue des connaissances du monde avec la puissance, l'intelligence et la créativité de nos grands modèles de langage. Il s'appuie sur les informations du Web pour fournir des réponses actualisées et de haute qualité", explique Sundar Pichai, taclant légèrement au passage ChatGPT, dont les connaissances s'arrêtent en 2021. Car Bard bénéficiera, lui, d'un accès en temps réel. Ainsi, il sera possible d'après la firme de lui demander des idées de repas basées sur le contenu de son frigo, de préparer une baby shower ou encore de comparer deux films nominés aux Oscars.

Google Bard : un chatbod bientôt accessible

Jusqu'ici, Google n'avait encore jamais osé ouvrir l'IA au grand public, mais la firme annonce que ce sera le cas "dans les semaines à venir" dans une version moindre, qui "nécessite une puissance de calcul moindre, nous permet de nous déployer à un plus grand nombre d'utilisateurs et de traiter un volume plus important de retours". En attendant, le chatbot est réservé à des "testeurs de confiance" – espérons que cela suffise à corriger ses erreurs. Elle annonce également que ses IA seront intégrées directement à Google Search et que "plusieurs fonctions alimentées par l'IA synthétiseront les informations pour les questions pour lesquelles il n'y a pas qu'une seule bonne réponse".

Bien évidemment, on s'interroge tous sur la forme que prendra Google Bard. Un encadré en haut des résultats de recherche ? Une application ? Une fonction de Google Assistant ? La firme de Mountain View propose quelques exemples en visuel, avec une interface qui ressemble beaucoup à celle du moteur de recherche. Ainsi, on peut demander à Bard "Entre le piano et la guitare, lequel est le plus facile à apprendre, et quel est le temps nécessaire à la pratique de chacun ?" et obtenir une réponse claire en langage naturel.

Google rappelle le rôle crucial de DeepMind – une filiale d'Alphabet, la maison-mère de Google, spécialisée en intelligence artificielle – dans le domaine de l'IA car c'est elle qui est à l'origine du réseau neuronal Transformer, sur lequel se base LaMSA mais aussi... GPT-3, et donc ChatGPT. Toutefois, le géant du numérique adopte une approche beaucoup plus prudente qu'OpenAI afin de ne pas ternir sa réputation – du fait de sa renommée, Google n'a pas le droit à l'erreur. Il doit prendre de nombreuses précautions afin d'éviter les dérives de l'IA, notamment la production de contenus violents, offensants ou faux, ainsi que des questions politiques, philosophiques ou religieuses. Au cours du mois prochain, les développeurs pourront utiliser le modèle LaMDA de Google pour intégrer l'IA à leurs projets. Une API est en cours de développement et son accès sera payant. En parallèle, d'autres services en ligne gérés par la société devraient profiter de l'arrivée de Bard dans les prochaines semaines.

Google : la conférence du 8 février sous le signe de l'IA

Google n'a pas attendu sa grande conférence Google I/O qui se tient au printemps pour parler de ses progrès en intelligence  artificielle. Il a annoncé, au cours d'une conférence surprise à destination de la presse qui s'est tenue le 8 février – elle a également été diffusée en direct sur YouTube –, comment il comptait intégrer l'IA à ses différents services dans les prochains mois. Bien évidemment, Bard a été mentionné lors de l'événement, mais d'autres nouveautés ont également été de la partie. Ainsi, Google Lens – qui permet d'effectuer une recherche sur une image afin de trouver des clichés similaires sur Internet et dont les algorithmes extraient de l'image de nombreuses informations – va accueillir la fonction Multisearch, qui combine  des images et du texte dans une seule et même requête (voir notre article). Les utilisateurs Android pourront également demander à l'outil de chercher ce qui s'affiche sur l'écran du smartphone via une pression longue sur son bouton d'allumage et Google Assistant.

De son côté, Google Traduction va accueillir la traduction contextuelle en anglais, français, allemand, japonais et espagnol dans les prochaines semaines. Ainsi, l'outil affichera, pour chaque mot, les différentes significations possibles accompagnées de citations les utilisant. 33 nouvelles langues vont également être prises en charge hors connexion, et les applications mobiles vont avoir le droit à une nouvelle interface. Enfin, la traduction via Google Lens – à partir d'images donc – va être beaucoup plus lisible. Jusqu'ici, la traduction était affichée en flottant au-dessus du texte original. Désormais, grâce à une technologie de machine learning appelée GAN (Generative Adversarial Networks) – que l'on peut traduire par "réseaux antagonistes génératifs" –, le texte traduit est réintégré dans l'image, à la place du texte original. Notons toutefois que cette fonction sera uniquement disponible pour les appareils avec au moins 6 Go de RAM.

© Google
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Les dernières nouveautés concernent Google Maps. L'entreprise est revenue sur les vues immersives, qui avaient déjà été présentées. Pour plus d'immersion, Google a mis en place une vue aérienne photoréaliste, qui concerne pour l'instant 250 monuments dans le monde. La firme a modélisé en 3D plusieurs lieux iconiques et leurs alentours. Le rendu bénéficie d'une haute précision grâce à la base de données photo constituée par Street View et des images prises depuis le ciel.

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​Il sera également possible de lancer des requêtes pour trouver des lieux ou des objets à proximité de sa position géographique. Le service va intégrer de nouvelles fonctions pour les possesseurs de véhicules électriques qui intègrent Google Automotive, ainsi que la fonction "Direction en un coup d'œil" pour pouvoir suivre ses trajets cours sans avoir à démarrer le mode navigation.

Google et Microsoft : la guerre de l'IA a commencé

Ces annonces interviennent peu de temps après que Sundar Pichai, le PDG de Google, ait affirmé que la société allait bientôt permettre "d'interagir directement" avec ses "modèles de langage les plus récents et les plus puissants comme compagnon de recherche". Mais elles ont visiblement poussé Microsoft à répliquer. En effet, suite à l'annonce de la conférence de Google, la firme de Redmond a immédiatement envoyé des invitations à la presse pour une conférence directement dans son QG, aux États-Unis, pour le 7 février – mais sans diffusion en direct.

Satya Nadella, le PDG de Microsoft, y a officiellement déclaré la guerre à la firme de Mountain View pour devenir le souverain d'Internet grâce à l'intelligence artificielle. L'entreprise y a dévoilé sa nouvelle IA, baptisée Prometheus, qui intègrera son moteur de recherche Bing, mais aussi son navigateur Internet Edge (voir notre article). En espérant que la précipitation n'ait pas un impact négatif sur les garde-fous à poser avec une telle technologie. En tout cas, la guerre est bel et bien déclarée !

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