Microsoft Prometheus : l'IA de ChatGPT arrive dans Bing et Edge

Microsoft Prometheus : l'IA de ChatGPT arrive dans Bing et Edge

C'est officiel : Microsoft intègre une puissante IA dérivée de ChatGPT à son moteur de recherche Bing et à son navigateur Web Edge. Baptisée Prometheus, elle représente un danger pour Google. Avant même son déploiement général, le succès est au rendez-vous !

La guerre entre Google et Microsoft est officiellement déclarée ! La firme de Redmond s'est attaqué frontalement au leader de la recherche numérique en décidant d'intégrer l'IA d'OpenAI dans son moteur de recherche Bing. Forcément, son adversaire a répliqué en annonçant son IA Bard (voir notre article) et en organisant une conférence qui s'est tenue le 8 février. Microsoft a à son tour immédiatement répondu avec une conférence surprise à son QG le mardi 7 février 2023, afin de discuter de "l'avancement de quelques projets passionnants". L'entreprise y a dévoilé le futur de son moteur de recherche Bing, qui intégrera la puissance de l'IA grâce à son partenariat avec OpenAI – ce qui ne surprend guère, étant donné que quelques privilégiés ont déjà eu la chance de tester la nouvelle interface –, mais également celui de son navigateur Internet Edge. Et autant dire que le succès semble pour l'instant au rendez-vous !

Prometheus : les téléchargements de Microsoft Bing et Edge s'envolent

Avec son annonce, Microsoft a réussi à attirer l'attention des utilisateurs, et plus particulièrement de ceux qui possèdent un iPhone ou un iPad. En effet, comme l'a remarqué TechCrunch, Bing est passé de la 160ᵉ à la 12ᵉ place des applications gratuites les plus téléchargées aux États-Unis sur l'App Store. Même situation en France, où il occupe la 6ᵉ place parmi les applications gratuites les plus téléchargées de la catégorie Productivité. Un envol aussi soudain qu'impressionnant ! Microsoft Edge a lui aussi le droit à un petit coup de projecteur et atteint la 3ᵉ place de la section dédiée aux applications utilitaires aux États-Unis, et la 17ᵉ position en France.

L'évolution des téléchargements de Bing sur l'App Store américain © Data.ai

Selon les données de Data.ai, les téléchargements de l'application Bing ont été multipliés par dix dans le monde suite à la présentation de Microsoft. Ce n'est pas un mince exploit étant donné que Google possède environ 90 % des parts du secteur et que le nouveau "moteur conversationnel" de la firme de Redmond n'est pour le moment accessible qu'aux États-Unis sur invitation – le grand public n'y aura droit que dans les prochaines semaines.

Microsoft Prometheus : l'IA intègre Bing et Edge

En janvier, nous apprenions que Microsoft prévoyait, dès le mois de mars, d'inclure ChatGPT à son moteur de recherche Bing en affichant directement des réponses de l'IA comme première réponse de son moteur de recherche, sous la forme de phrases complètes citant la source de la réponse. Dans l'idée, l'IA ne devait pas remplacer la technologie de Bing, mais au contraire venir la compléter et l'enrichir. Mais, course contre Google oblige, les choses sont arrivées plus vite que prévu. Des captures d'écran ont été partagées par trois internautes sur Twitter, comme l'a signalé The Verge. Certains utilisateurs du moteur de recherche avaient pu prendre en main pendant un instant la nouvelle version de Bing dopée à l'IA.

© Microsoft

Contre toute attente, ce n'est pas ChatGPT qui rejoint les services de Micrososft, à savoir Bing et Edge, mais Prometheus, une IA "beaucoup plus puissante" que celle d'OpenAI – même si elle est basée dessus. L'entreprise parle de "copilote alimenté par l'IA" qui assistera l'utilisateur pour une large quantité de tâches : faire des recherches avancées, comparer des contenus, rédiger des textes et du code, résumer des documents, résoudre des calculs complexes, etc. Prometheus permettra d'améliorer la pertinence des réponses, d'annoter les réponses des recherches avec des liens et des citations tout en obtenant des réponses récentes – contrairement à ChatGPT, dont les connaissances s'arrêtent en 2021.

Pour illustrer la puissance de son nouvel outil, Microsoft a présenté quelques exemples d'application dans Bing et Edge, notamment pour des recettes de cuisine, des conseils de voyage, des achats de meubles... Il intervient pour aider l'internaute à déchiffrer l'actualité – en espérant qu'il ne se trompe pas. Ainsi, Bing peut afficher les résultats de recherche traditionnels sur le côté gauche de la fenêtre tout en ajoutant un contexte et des annotations alimentés par l'IA sur le côté droit – ce qui permet ainsi de comparer et de surveiller la fiabilité des réponses de Prometheus. De son côté, le navigateur Web Edge va disposer d'un chat, qui permet de poser des questions à l'intelligence artificielle dans un langage naturel, exactement comme avec ChatGPT. L'IA va également aider à certaines tâches, comme rédiger un e-mail, commenter des documents PDF, les résumer, les traduire ou encore ajouter des informations issues d'Internet.

© Microsoft

Microsoft Prometheus : comment tester l'IA ?

Face à de telles promesses, on a forcément envie de tester les nouveaux Bing et Edge ! Pour cela, il est possible de s'inscrire dès maintenant sur une liste d'attente, mais il faut disposer pour le moment un VPN américain pour avoir l'option – même si l'IA prend en charge plus de 100 langues. Microsoft promet que ses nouveaux outils seront disponibles pour tous dans les prochaines semaines, via un déploiement progressif. Par la suite, l'entreprise de Redmond s'intéressera peut-être à GPT-4 pour alimenter son IA, lorsque le modèle de langage d'OpenAI sera fin prêt.

Bing et Edge : à quels bouleversements s'attendre avec l'IA ?

En tout cas, Microsoft va avoir de nombreux défis à relever. Avec l'intégration de Prometheus à Bing et Edge, l’entreprise devra s'assurer de la qualité des réponses délivrées car, s'il n'est pas très grave qu'un outil en version bêta offre des réponses erronées – l'utilisateur est prévenu et sur ses gardes, il est justement là pour tester et mettre à l'épreuve la technologie –, c'est beaucoup plus problématique pour un moteur de recherche destiné au grand public, surtout que ce type d'IA a tendance à "halluciner", c'est-à-dire inventer et affirmer avec aplomb de fausses informations. Sans compter tout ce que cela pourra changer en termes de référencement des sites Web, de la monétisation de l'audience et du sourcing.

En effet, si Prometheus tient toutes ses promesses, on peut craindre une future perte d'audience pour les sites Web si l'IA va chercher des informations dessus pour ensuite les retourner dans Bing ou Edge – et c'est aussi valable pour les futurs chatbots de Google. Les sites de tourisme, de cuisine, d'astuces ou encore de développement informatique, pourraient notamment en pâtir directement. Idem pour les pratiques d'optimisation pour les moteurs de recherche (SEO), qui pourraient être totalement bouleversées. La question des sources se pose également car, si le nouvel outil de Microsoft les affiche, peu de personnes risquent de prendre le temps de cliquer sur les liens afin de vérifier si l'information donnée par l'agent conversationnel est correcte. Sans compter la question de la propriété intellectuelle, puisque l'IA paraphrase et compile les informations. Nul doute que si Microsoft réussit son pari, c'est tout l'écosystème d'Internet qui risque d'être chamboulé.

ChatGPT et Bing : des tests pour intégrer l'IA au moteur de recherche

Owen Yin, un des internautes, a pu tester en avant-première le nouveau Bing et a partagé ce qu'il avait pu tester sur Medium. Si l'on se fie aux captures d'écran, la page d'accueil de Bing dispose d'un nouvel encadré, qui remplace la traditionnelle barre de recherche, ainsi que d'une courte présentation à faire défiler. Il y a un bouton pour en savoir plus ainsi qu'un bouton pour essayer cette intégration. Désormais, au lieu de taper des mots-clés, l'internaute devrait pourvoir converser directement avec ChatGPT – pas de panique, le moteur habituel de Bing sera toujours disponible. L'intégration de l'IA au moteur de recherche passe par un onglet dédié pour la "discussion", à côté des onglets shopping, images, vidéos, cartes, actualités, etc. On y retrouve le même système de saisie que pour l'actuel ChatGPT, mais dans l'interface de Bing.

Dans cet espace, il est possible de poser des questions à l'IA, qui y répond en citant ses sources – ce qu'est actuellement incapable de faire ChatGPT – en affichant divers liens. On peut remarquer que les réponses comprennent plusieurs phrases surlignées, qui sont accompagnées d'une source en ligne. Malgré tout, Bing affiche un avertissement : "Des surprises et des erreurs sont possibles. Assurez-vous de vérifier les faits". On est jamais trop prudent ! Mais l'IA ne se limite pas qu'à la recherche. En effet, on peut l'utiliser pour organiser des voyages, des repas ou des trajets, générer des textes créatifs ou du code, ou de simplement discuter. On peut même lui demander son opinion sur un sujet en particulier – sans citer ses sources cette fois.

Microsoft et OpenAI : un partenariat fructueux

Microsoft semble avoir trouvé la poule aux œufs d'or avec la start-up OpenAI et son IA vedette, ChatGPT, qui promet de révolutionner le monde numérique – en bien comme en mal. Tous les yeux sont tournés vers cette technologie qui défraie Internet depuis sa sortie en décembre 2022, et une foule de développeurs s'en emparent afin de mettre au point leurs propres logiciels. En effet, de nombreuses personnes s'intéressent de près à ChatGPT et son modèle de langage GPT-3, que ce soient ceux des internautes, curieux d'obtenir des réponses uniques, détaillées et formulées de façon naturelle, des enseignants, qui y voient un formidable outil de triche pour les élèves, des pirates et des escrocs, qui profitent de l'engouement général pour diffuser des malwares, et, bien évidemment, ceux des acteurs du numérique.

Microsoft, qui n'avait pas brillé dans le domaine de l'intelligence artificielle jusqu'à présent, compte bien profiter de l'arrivée de cet outil révolutionnaire pour doper ses produits et ses services. Ainsi, on apprenait en janvier que l'éditeur venait d'y investir plusieurs milliards de dollars, préparait l'intégration de ChatGPT à son moteur de recherche Bing – toujours à la traîne – afin de proposer des résultats plus pertinents et s'attaquer frontalement à Google, mais aussi qu'il allait l'intégrer à sa suite Microsoft 365. Mais il ne comptait visiblement pas s'arrêter là. Satya Nadella, le patron de Microsoft, avait indiqué au Wall Street Journal que la firme travaillait d'arrache-pied pour intégrer et commercialiser les outils d'OpenAI au sein de ses services. Il était catégorique : "tous les produits de Microsoft embarqueront les mêmes capacités en termes d'intelligence artificielle pour transformer complètement le produit". Et ça n'a pas manqué !

Microsoft 365 et ChatGPT : l'IA au secours de Word, Outlook et PowerPoint

Si Microsoft bénéficie de ChatGPT, c'est que la firme avait déjà investi en 2019 un milliard de dollars dans OpenAI, l'entreprise derrière ChatGPT, sentant tout son potentiel. Et avec le dévoilement au grand public de ChatGPT, elle semble avoir misé sur le bon cheval. Son investissement lui permet de bénéficier d'une licence exclusive sur GPT-3, le modèle de langage derrière l'IA révolutionnaire. Visiblement séduite par les premiers résultats, elle préparerait un nouvel investissement de 10 milliards de dollars, comme le rapporte la newsletter Semafor. Cela lui permettrait de percevoir 75 % des profits générés par OpenAI tant qu'elle n'aura pas récupéré sa mise initiale. Une fois que ce sera fait, elle obtiendra 49 % des revenus, tandis que 49 % iront aux différents investisseurs, et les 2 % restant à des acteurs à but non lucratif en lien avec OpenAI. Chacun est gagnant, puisque cela permet à la start-up de bénéficier des fonds nécessaires à son développement, surtout que les coûts de calcul sont exorbitants. De son côté, la firme de Redmond pourra utiliser leurs technologies pour ses propres outils. Notons toutefois que Sam Altman, le PDG et co-fondateur d'OpenAI, a déclaré dans une interview que le partenariat avec Microsoft n'est pas exclusif, ce qui signifie qu'OpenAI est en théorie libre de vendre sa technologie à d'autres entreprises.

Microsoft souhaite intégrer l'IA à Microsoft 365, sa suite bureautique qui remplace Microsoft Office. Ainsi, il l'utilisera afin d'améliorer les résultats de recherche d'Outlook pour que les utilisateurs puissent trouver ce qu'ils cherchent sans avoir à utiliser de mots-clés. La firme a également examiné comment ces modèles d'IA pourraient suggérer des réponses aux courriels et recommander des modifications de documents pour améliorer la rédaction des utilisateurs dans Word. Bien évidement, ChatGPT s'adapte aux spécificités de chaque logiciel afin de les compléter au mieux. On ne sait toutefois pas si Microsoft prévoit de lancer ces fonctions ou s'il s'agit simplement d'une expérimentation en cours.

On imagine aisément les possibilités qu'une telle intégration pourrait ouvrir, comme résumer les informations des transcriptions des réunions Teams ou la rédaction automatique pour certains paragraphes, voire des textes entiers, au sein des différents logiciels. Grâce à son investissement en 2019 dans OpenAI, Microsoft s'apprête également à intégrer ChatGPT à Teams, ainsi que le générateur d'image DALL-E au sein de la nouvelle application de sa suite Office, Microsoft Designer. "L'IA va réinventer la façon dont vous faites tout sur Windows", déclarait à The Verge Panos Panay, le chef de Microsoft pour Windows et Surface. Toujours est-il que la firme devra faire face à de nombreux défis et difficultés pour y parvenir, comme la fiabilité et la justesse des réponses/propositions, tout en protégeant la confidentialité des données des utilisateurs.

Microsoft et ChatGPT : l'IA arrive dans tous les produits

Microsoft avait annoncé à Bloomberg qu'Azure Open AI Service, un service qui n'était jusqu'ici disponible que pour certains clients via une invitation, allait être disponible à grande échelle. Il permet depuis 2021 aux clients de ma plateforme de cloud computing Azure d'accéder à l'ensemble des outils d'OpenAI. En plus du générateur d'images DALL-E, du modèle de langage GPT-3 et du générateur de code Codex, la firme de Redmond prévoit d'y intégrer prochainement ChatGPT. "Ces modèles peuvent être facilement adaptés à votre tâche spécifique, y compris, mais sans s'y limiter, la génération de contenu, le résumé, la recherche sémantique et la traduction du langage naturel en code", explique-t-elle. L'ouverture du service sera tout de même limitée "aux clients qui répondent et adhèrent aux normes de principes d'IA responsables et éthiques que Microsoft a établies et publiées". Ces derniers devront "faire une demande d'accès en décrivant le cas d'utilisation ou l'application envisagée avant d'obtenir l'accès au service".

Satya Nadella souhaite utiliser outils basés sur l'intelligence artificielle pour stimuler la productivité humaine. Si certains s'inquiètent que l'IA puisse, à terme, "voler" le travail des humains – qu'est-ce qui empêchera ChatGPT d'écrire des articles à la place des journalistes ? –, lui estime qu'il faut plutôt la voir comme une aide afin d'être plus performant et de gagner du temps afin de se consacrer à des tâches importantes en laissant l'intelligence artificielle gérer les plus faciles, ennuyantes et/ou répétitives.

ChatGPT : Google contre-attaque prudemment

L'objectif pour Microsoft d'une fusion de ChatGPT avec Bing est de se positionner enfin comme le véritable concurrent de Google, qui détient à lui seul 90 % des parts du marché du secteur. Face à lui, la firme de Redmond parait bien minuscule, même si elle est le numéro deux mondiale de la recherche avec plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs. Elle ne pouvait donc pas laisser passer cette opportunité unique.

Car nombreux sont ceux qui y voient un concurrent potentiel à Google – idée qui n'est pourtant pas partagée par l'IA –, à tel point que la firme de Mountain View, pourtant pionnière dans le domaine de l'intelligence artificielle, est réellement inquiète. Au point de lancer un "code rouge" et  de réorganiser divers départements pour avancer sur ses projets d'IA. Mais il y a pour le moment encore du travail pour rendre ChatGPT vraiment opérationnel et crédible. Pour l'instant, les connaissances de l'intelligence artificielle se limitent à 2021, elle est donc incapable de connaitre l'actualité. Elle donne également des réponses fausses ou incomplètes, ce qui pose un véritable problème au niveau de la propagation des fake news. De plus, elle possède un style et un vocabulaire encore assez pauvres, et ses réponses peuvent être biaisées, voire discriminantes. Le président d'OpenAI expliquait d'ailleurs dans un tweet que se baser sur ChatGPT pour quoi que ce soit de sérieux était pour le moment "une erreur". Reste qu'il s'agit d'une technologie très prometteuse, mais elle doit encore être développée et améliorée avant de pouvoir réellement être utilisée.

De son côté, même s'il se montre prudent concernant ce type de technologie afin de ne pas ternir sa réputation, Google a de grands projets concernant ses IA pour 2023. Il travaille notamment sur AlphaCode, qui est capable de coder aussi bien qu'un programmeur débutant, et LaMDa, une IA conversationnelle si prometteuse que certains chercheurs sont persuadés qu'elle possède une âme. D'ailleurs, la firme de Mountain View compte dévoiler très bientôt Bard, son chatbot qui fonctionne sur LaMDA, afin de répondre à Microsoft comme il se doit (voir notre article).

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