Abonnement ADSL : vers une hausse prochaine des prix ?
"Abonnement ADSL : vers une hausse prochaine des prix ?"

Abonnement ADSL : vers une hausse prochaine des prix ?

Abonnement ADSL : vers une hausse prochaine des prix ?

Alors que le vieux réseau cuivre doit fermer en 2030, Orange augmente discrètement le tarif du dégroupage. Une hausse que les opérateurs pourraient répercuter dans le prix de leurs forfaits ADSL, ce que Free refuse catégoriquement.

Et si, à une époque où la fibre devient la norme pour la connexion fixe à Internet en France, on pénalisait les abonnés en ADSL en augmentant le prix de leur forfait ? Aussi curieuse qu'elle paraisse, cette hypothèse pourrait bien se concrétiser dans les prochaines semaines, suite à l'autorisation que l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a accordé à Orange pour augmenter le "loyer" du "dégroupage"… 

Réseau cuivre : une infrastructure vieillissante et coûteuse

Pour bien comprendre ce qui risque d'arriver, il faut savoir que l'ADSL repose sur le réseau téléphonique traditionnel, que l'on appelle communément "réseau cuivre", du fait qu'il est essentiellement constitué de câbles électriques. Conçu à l'origine pour transporter la voix sous forme de signal analogique, il a été détourné de cette unique vocation originelle par l'ADSL, une technologie particulièrement astucieuse permettant de transporter des informations numériques sur de simples lignes téléphoniques – qui n'avaient pas été prévues pour cet usage. Et c'est cette technologie qui a permis le développement rapide du haut débit en France à partir des années 2000, sans avoir à reconstruire un nouveau réseau physique pour desservir les particuliers, déjà tous reliés au téléphone.  

Mais les temps changent et les technologies évoluent. Arrivé au bout de ses possibilités physiques, le cuivre et l'ADSL cèdent progressivement la place dans les foyers à la fibre optique, plus moderne et plus efficace, avec des débits nettement supérieurs, bien mieux adaptés aux usages actuels d'Internet du numérique, notamment la vidéo en streaming. Devenu particulièrement coûteux à entretenir, le vieillissant et fragile réseau téléphonique tirera ainsi sa révérence dans quelques années. Son démantèlement définitif est programmé pour 2030, le temps d'effectuer la transition dans les zones où la fibre n'est pas encore disponible et de retirer les milliers de kilomètres de câbles déployés sur le territoire. Le sens de l'histoire, donc.

Qu'est ce qui coince alors, et qui fait monter la tension entre Orange et les autres opérateurs télécoms ? Le dégroupage. Il faut savoir, en effet, que c'est France Télécom – l'ancien nom d'Orange – qui, dans le sillage des PPT,  a construit ce réseau téléphonique durant une bonne partie du XXe siècle, afin de donner accès au téléphonique à tous les citoyens en France. Et qui en est encore propriétaire. Or, si les communications entre les NRA – les noeuds de raccordement – sont privatisées par d'autres opérateurs (Free, SFR, etc…), la section de câble qui relie chaque abonné à son central téléphonique est exclusivement dans les mains d'Orange, qui en assure l'entretien. Et pour pouvoir connecter directement leurs abonnés à leurs équipements, les opérateurs louent cette section, que l'on appelle "boucle locale", en versant à Orange un loyer mensuel, correspondant au fameux dégroupage.  Un forfait dont le montant est fixé par l'Arcep, et qui permet à Orage d'entretenir le réseau

Mais si une fermeture progressive du réseau cuivre est prévue, les coûts de son fonctionnement pèsent lourd pour Orange, qui a donc demandé au gendarme des télécoms une hausse du tarif de dégroupage afin de couvrir les frais d'entretien du réseau – qui lui ont occasionné 130 millions d'euros de pertes en 2022. Or, comme le rapportait Les Echos, l'Arcep a annoncé son intention de l'augmenter de 39 centimes par mois. Aussi, pour un forfait ADSL vendu autour de 30 euros par mois, Free, SFR et Bouygues Telecom devront reverser 10,04 euros à Orange, contre 9,65 euros précédemment. En conséquence, soit les opérateurs ne changent pas le prix des abonnements ADSL et font moins de bénéfices, soit ils les augmentent pour que cette hausse soit payée par les usagers – qui n'auront pas une meilleure qualité de réseau pour autant. Bizarrement, on se doute de leur choix...

ADSL : une augmentation du tarif de dégroupage qui fait débat

Cette situation est loin de plaire à tout le monde, à commencer par Xavier Niel, le patron de Free, qui a fait une sortie assez remarquée lors de son audition devant la Commission des affaires économiques du Sénat le 22 mars. Il y a accusé l'Arcep de faire un "transfert financier" vers Orange – un cadeau en somme – en envisageant une mesure qui permettrait à l'opérateur historique de relever les prix du dégroupage pour la transition de la fin du réseau de cuivre. Il a dénoncé "une Arcep qui se couche devant Orange" et a critiqué Christel Heydemann, la directrice générale de ce dernier, pour avoir fait référence à son "deal avec l'Arcep". De plus, il aurait prévu "un calendrier trop étendu pour le projet, ainsi que des "conditions envisagées pour l'arrêt du cuivre qui ne sont pas satisfaisantes".

En effet, pour Xavier Niel, 2030 est une échéance bien trop lointaine, surtout que les opérateurs tiers doivent rémunérer l'opérateur historique pour les clients ADSL, désormais minoritaires. Il a estimé qu'il est possible d'accélérer considérablement le processus en forçant les utilisateurs, qu'il qualifie "d'irréductibles", à adopter la fibre. Une déclaration qui n'a pas du tout été au goût de l'Association des Villes Câbles (Avicca), qui lui a répondu dans un billet de blog – Xavier Niel n'y est pas nommé, mais la tournure des phrases ne laisse guère de doute. Selon elle, la raison de la lenteur du démantèlement du réseau cuivre est simple : aucune ville de France n'est encore couverte à 100 % par la fibre. En effet, 0 % des communes sont "intégralement couvertes (ou presque) en fibre optique par les opérateurs privés en zone très denses", 11 % sont intégralement couvertes (ou presque) en fibre optique par les opérateurs privés en zone AMII, et 25 % sont intégralement couvertes (ou presque) en fibre optique par les collectivités locales en zone d'initiative publique. À Paris, par exemple, il reste encore 55 551 locaux à raccorder, contre 109 545 à Marseille ou encore 39 347 à Toulouse. Il est donc impossible d'y retirer les offres ADSL sans transition.

Fin de l'ADSL : des prix qui risquent de s'envoler durant la transition

Mais ce n'est pas la seule source de discorde entre Xavier Niel et les autorités de régulation. En effet, le sénateur LR de l'Ain Patrick Chaize l'a interrogé sur sa politique tarifaire agressive et si elle était tenable, étant donné que Free est le seul opérateur à n'avoir officiellement pas augmenté les tarifs de ses forfaits et abonnements pour compenser la hausse des coûts de l'énergie – il a en revanche discrètement augmenté le prix de l'option Booster proposée sur son forfait à 2 € (voir notre article). "Là je marche sur la Lune ! Vous êtes en train de me dire 'augmentez vos prix' ?", a halluciné le patron du groupe Iliad, avant de répondre avec véhémence que les tarifs extrêmement bas de Free faisaient partie de ses atouts et de souligner que Free était le seul opérateur à ne pas augmenter ses tarifs lorsque ses clients passent à la fibre, contrairement à Orange, qui propose l'ADSL 10 euros moins cher que la fibre – de quoi décourager plus d'un de faire la transition.

Alors, véritable colère comme un coup de com ? Il est bon de souligner qu'en s'opposant aux autres opérateurs et en défendant une politique tarifaire agressive, Xavier Niel attire l'attention médiatique sur lui et met en avant l'atout principal de Free : des tarifs attractifs pour les consommateurs. Reste que cet entretien met en lumière les tensions entre les opérateurs télécoms en France et la difficulté à trouver un équilibre entre des tarifs compétitifs pour les consommateurs et la rentabilité des opérations. Du côté d'Orange, l'augmentation du tarif du dégroupage pousserait ses concurrents à réduire plus vite leur parc d'abonnés ADSL pour accélérer le passage à la fibre. Et il compte visiblement aller plus loin puisqu'il a présenté à la mi-février son plan stratégique "Lead the future", où il indiquait vouloir augmenter de 2 euros le tarif de dégroupage dans les prochaines années. Les prix des abonnements ADSL risqueraient donc de sacrément grimper...

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