Le Gouvernement veut livrer les données de santé des Français à l'intelligence artificielle
Dans un projet de loi, le Gouvernement propose de réduire drastiquement la protection des données personnelles, en laissant les acteurs de l'IA accéder (presque) librement aux données médicales des Français.
L'intelligence artificielle est désormais le nouvel horizon économique et social du Gouvernement français. Fasciné par ses promesses, l'exécutif veut faire de la France un « leader mondial » dans ce domaine, coûte que coûte. C'est dans cette optique qu'il prépare un projet de loi visant à « faciliter », comprendre ouvrir aux quatre vents, l'accès aux données de santé des citoyens par les développeurs d'outils d'intelligence artificielle.
Cette idée provient d'un rapport de la « Commission IA » de mars 2024, dans lequel un aréopage d'enthousiastes de l'IA formule vingt-cinq propositions destinées à faire de la France un « leader mondial » dans ce domaine. Parmi les recommandations avancées, le « groupe d'experts » propose ni plus ni moins que d'offrir aux développeurs d'IA un accès quasi-total aux données de santé des citoyens, en s'affranchissant des barrières juridiques qui protègent actuellement ces informations ultra-sensibles.
En page 10 du rapport, on peut en effet lire : « il est essentiel de faciliter l'accès aux données à caractère personnel pour permettre leur utilisation dans des innovations thérapeutiques, notamment en supprimant certaines procédures d'autorisation préalable d'accès aux données de santé et en réduisant les délais de réponse de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) Cela suppose de réformer le mandat de la Cnil, pour y ajouter un objectif d'innovation ».
Cette volonté est d'ailleurs réaffirmée dans le tableau de synthèse des recommandations du rapport, aux articles 10 (« Faciliter la circulation des données et le partage de pratiques pour tirer les bénéfices de l'IA dans les soins ») et 15 (« Transformer notre approche de la donnée personnelle pour mieux innover »). Derrière ces éléments de langage marketing qui ne trompent personne, l'ambition est claire : abattre toutes les digues légales qui empêchent les « acteurs de l'IA » d'utiliser les données de santé des citoyens pour entraîner leurs logiciels.
On pourrait arguer que ceci n'est que l'un des innombrables rapports produits chaque année par les diverses commissions Théodule et autres cabinets de conseil extérieurs, dont les PowerPoint colorés sont rangés au fond d'un tiroir sitôt l'attention médiatique passée. Cependant celui-ci semble bien avoir produit quelques effets dans la tête des dirigeants politiques français, et être promis à un avenir législatif bien concret, comme le rapporte Le Monde dans un article du 22 septembre 2024.
Dans son papier dédié à Clara Chappaz, la nouvelle secrétaire d’État en charge de l'intelligence artificielle et du numérique, le journal rappelle que deux propositions du rapport de la Commission IA de mars 2024 ont fait l'objet d'une inscription dans le projet de loi de simplification de l'économie. Et dans le lot, se trouve la suppression des autorisations préalables à l'utilisation des données de santé pour l'entraînement de logiciels d'IA. Si le vote de ces nouvelles règles a été mis en suspens par la dissolution surprise de l'Assemblée Nationale en juin dernier, le dossier se trouve bien sur le bureau de Mme Chappaz, et devrait donc bientôt se remettre en marche vers son adoption législative.