Omegle, Bigo, Coco… Ces réseaux trash qui fascinent les ados

Omegle, Bigo, Coco… Ces réseaux trash qui fascinent les ados

Images pornographiques, pédocriminalité, meurtres en direct... Les réseaux sociaux trash comme Omegle, Bigo et Coco attirent de plus en plus de jeunes. Des plateformes dangereuses qui échappent pourtant à toute surveillance…

Les adolescents raffolent des réseaux sociaux, que ce soit pour garder contact avec leurs amis, partager leurs passions, suivre leurs idoles ou tout simplement s'amuser. Mais si les parents connaissent généralement Facebook, TikTok, Instagram ou encore Snapchat, certains réseaux échappent à leur vigilance ainsi qu'à celle des autorités. C'est notamment le cas d'Omegle, de Coco.gg et de Bigo Live. Et ce manque de surveillance et d'encadrement ouvre la porte à de nombreux dangers auxquels sont exposés les mineurs – déjà que les réseaux sociaux "connus" entrainent de nombreuses dérives... Ces plateformes mettent en contact des inconnus afin qu'ils échangent entre eux. S'il s'agit d'un excellent moyen pour les adolescents de chercher de la compagnie, c'est également un véritable terrain de chasse pour les délinquants sexuels et les pédophiles. Images pornographiques, mauvaises rencontres, crimes en direct : le danger peut survenir en quelques clics. Et, à l'instar des sites pornographiques – que 2 millions d'enfants regardent chaque mois en France –, les plateformes comme Omegle ou Coco.gg se contentent d'afficher une fenêtre de contrôle de l'âge "J'ai 18 ans ou plus" sur laquelle il suffit de cliquer pour y entrer. Le Parisien a rassemblé de nombreux témoignages d'adolescents qui se sont retrouvés, malgré eux, exposés à des contenus pour adultes, à des échanges problématiques, voire à des homicides. Pas étonnant que ces plateformes aient régulièrement des démêlées avec la justice !

Omegle, Bigo, Coco : des discussions avec de parfaits inconnus

Pour ceux qui ne connaissent pas, Omegle est un chat visuel ou textuel en ligne qui met en relation deux personnes dans le monde de façon aléatoire. Ils utilisent la webcam pour se voir, et le micro ou le chat pour communiquer. L'objectif est de faire se rencontrer de nouvelles personnes issues du monde entier. Le problème, c'est que n'importe quel mineur peut entamer une discussion avec un autre utilisateur. Aucun contrôle d'âge n'est effectué par la plateforme, à l'exception d'une case à cocher qui atteste qu'il a plus de 18 ans. Et encore, il y a peu de temps, la case certifiait seulement qu'il avait plus de 13 ans ou qu'il avait l'autorisation de ses parents. Bref, rien qui ne laisse imaginer ce qu'on peut en réalité y trouver. La popularité d'Omegle a littéralement explosé avec les confinements successifs. De plus, de célèbres Youtubeurs, comme Squeezie, s'y rendent pour leurs vidéos et invitent leur communauté à s'y rendre pour participer. Par conséquent, les adolescents s'y connectent dans le but de tomber sur leurs idoles et de pouvoir leur parler, un peu comme une sorte de roue de la Fortune.

Dans le même genre, il y a Coco.gg, qui est régulièrement au cœur d'affaires judiciaires et de faits divers. Il s'agit d'un chat anonyme entre deux personnes où, là encore, aucune vérification d'identité n'est effectuée. On peut discuter avec les autres utilisateurs soit dans des salons publics, soit dans des "room privées", soit par message privé. La plateforme se présente comme un réseau social permettant de faire et de multiplier les rencontres, de développer un réseau de connaissances, et même de retrouver des amis. Là encore, il est possible d'activer sa webcam pour s'envoyer des photos ou discuter en live, toujours en public ou en privé. Il est également possible de partager d'autres fichiers, comme des vidéos ou de la musique, et de discuter via son micro dans des salons vocaux. Quant à Bigo Live, il s'agit d'un réseau social de streaming en direct qui permet de partager des vidéos live et de créer des communautés de fans, avec une IA qui encourage les interactions. Vous sentez venir le problème ?

Omegle, Bigo, Coco : des plateformes en roue libre

Toutes ces plateformes ont en commun de mettre en relation de parfaits inconnus sans aucun contrôle d'âge, si ce n'est ce simple bouton pour certifier que l'on est majeur. Or, on sait très bien que ces mises en garde ne sont pas écoutées. Selon l'enquête Génération numérique "les pratiques numériques des jeunes de 11 à 18 ans" publiée par la CNIL en mars 2021, 44 % des 11-18 ans ont déjà menti sur leur âge sur les réseaux sociaux. De plus, ces plateformes ne sont pas modérées – ou alors très faiblement –, alors qu'elles génèrent des millions de passages chaque jour. 

Sur Omegle, le contrôle des contenus vidéo n'est pas effectué par des modérateurs, mais par un simple logiciel de reconnaissance d'image. Celui-ci est censé être capable de repérer des contenus violents et sexuels afin de bannir l'utilisateur qui les diffuse sur la plateforme. Dans les faits, c'est loin d'être suffisant, en témoignent les nombreux scandales à propos de la présence de pornographie et de pédocriminalité. Parmi les témoignages dans Le Parisien, une jeune femme, qui avait 15 ans à l'époque des faits, explique avoir été confrontée sans le vouloir à des images pornographiques sur Omegle, alors qu'elle parcourait la plateforme avec une de ses amies. "Elle ne m'avait pas prévenue du contenu. Être confrontée à autant de pénis si jeune, c'est choquant", raconte-t-elle. "Ça m'a un peu traumatisée". Ses parents n'étaient absolument pas au courant qu'elle fréquentait cette plateforme. Une enquête du magazine Kool Mag avait fait beaucoup de bruit fin 2022. Des journalistes ont testé la plateforme durant tout un mercredi après-midi. Ils y ont croisé de nombreux jeunes – parfois de 9 ans ! –, mais ils sont aussi tombés sur "des dizaines d'hommes qui se masturbent, qui s'exhibent, certains déguisés en femmes portant des sous-vêtements féminins". Même si les jeunes utilisateurs peuvent changer d'interlocuteur en un clic – c'est le principe même de la plateforme –, c'est trop tard, l'image est déjà imprimée dans le cerveau...

Coco.gg, également appelé Cocoland, est au cœur de nombreuses affaires judiciaires, impliquant parfois la prostitution de mineurs. Par exemple, en 2019, Ouest France rapportait qu'un Brestois était parvenu à télécharger 3 000 images et 160 vidéos d'enfants sur le site de chat entre 2013 et 2016. Pour ce faire, il se connectait quotidiennement sur le site, allant même jusqu'à y rester 8 heures par jour quand il ne travaillait pas. De même, Le Parisien relatait en 2019 que deux hommes avaient été condamnés pour corruption de mineurs – il s'agissait en réalité d'une cyberpatrouille composée de gendarmes, qui se faisait passer pour une adolescente de 13 ans. De son côté, Bigo Live diffuse parfois en direct des contenus très violents. En 2021, l'influenceur Keneff Leauva, fils de l'actrice Firmine Richard, a poignardé à mort un autre internaute et diffusé l'homicide en direct, devant 500 spectateurs. On trouve également des vidéos qui ont été diffusées sur la plateforme sur les grands sites pornographiques, comme Pornhub, où elles sont désormais hébergées.

Réseaux trash : la nécessité d'encadrer les plateformes

Face à ces dangers et à l'impuissance des parents, il est plus que jamais nécessaire d'encadrer ces plateformes. Pourtant, selon l'article 227-24 du Code pénal, modifié en décembre 2021, celles-ci sont condamnables "si l'accès d'un mineur [au contenu pornographique] résulte d'une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé d'au moins dix-huit ans." Début mars, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un projet de loi visant à instaurer une majorité numérique à 15 ans et à renforcer les filtres d'entrée sur les plateformes et réseaux sociaux (voir notre article). Pour faire appliquer cette limite d'âge, le projet de loi doit permettre d'instaurer l'obligation pour les réseaux sociaux "de mettre en place une solution technique de vérification de l'âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l'autorité parentale" pour les moins de 15 ans. Les solutions envisagées pourraient bien être les mêmes que celles qui seront mises en place pour faire respecter la limite d'âge d'accès aux sites pornographiques, que le Gouvernement est en train de mettre en place (voir notre article). Reste à voir si les plateformes joueront le jeu...

Il est extrêmement important de faire de la prévention, auprès des jeunes comme des parents. Pour cela, le Gouvernement a mis en place une nouvelle plateforme, jeprotegemonenfant.gouv.fr, afin d'aider les parents à accompagner leurs enfants dans l'usage des écrans et du numérique. Il est primordial d'instaurer un cadre préventif et de dialogue autour des potentiels dangers d'Internet, aussi bien du côté des comportements (cyberharcèlement, revenge porn, cyberattaques, addictions aux écrans, pédophilie...) que des contenus consommés par les plus jeunes (fake news, pornographie, violences, challenges dangereux à reproduire, contenus sensibles, etc.).

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