Le Sénat vote une loi sur les contenus terroristes en ligne
Le Sénat vient de voter une loi qui oblige les éditeurs et les hébergeurs à retirer les contenus terroristes en ligne dans l'heure suivant une injonction. Une adaptation de la législature européenne qui ne doit pas nuire à la liberté d'expression.
Ce mardi 26 juillet 2022, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire sur des propositions de lois visant notamment à contraindre les éditeurs et les hébergeurs – y compris ceux situés dans un autre État membre – à retirer les contenus terroristes diffusés en ligne dans l'heure suivant une injonction. Elle reprend en partie la loi Avia, qui avait été rejetée par le Conseil constitutionnel en juillet 2020, tout en la délestant des articles qui mettaient en péril la liberté d'expression. Cette proposition de loi vise avant tout à adapter le droit français au nouveau règlement européen du 29 avril 2021 contre la diffusion des contenus à caractère terroriste en ligne. Ce texte est en vigueur depuis le 7 juin dernier dans toute l'Union européenne.
Une injonction de retrait transfrontalière
Le règlement européen s'applique à tous les fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus – comme Amazon, Google et Microsoft – qui proposent des services au sein de l'Union européenne, et ce, quels que soient les pays où ils sont établis, dans la mesure où ils diffusent des informations au public européen. Grâce à cette loi, ils peuvent désormais faire l'objet d'une injonction transfrontalière visant à faire retirer les contenus terroristes diffusés en ligne dans l'heure qui suit. Bien sûr, cette injonction doit être effectuée selon un processus établi et par une autorité que chaque État doit désigner. En France, il s'agit de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC). Sont considérés comme terroristes des images, contenus audio ou vidéo qui incitent à la commission d'actes terroristes, donnent des instructions pratiques sur la manière de commettre des actes de terrorisme, et sollicitent la participation à des groupes terroristes. Le but est d'empêcher les terroristes de diffuser leur propagande, d'apprendre à fabriquer des explosifs, de diffuser leurs actes en direct et d'inciter des personnes solitaires à commettre ce genre d'actes.
Si injonction il y a, elle doit être transmise à l'autorité compétente du pays dans lequel se trouve l'établissement principal du fournisseur. Cette autorité effectue alors, dans un délai limité, un examen approfondi de l'injonction. Si le contenu n'est pas retiré, l'OCLCTIC peut faire bloquer, grâce aux fournisseurs d'accès Internet, les adresses électroniques qui permettent l'accès aux contenus illicites, puis de les notifier auprès des moteurs de recherche afin qu'elles ne soient plus répertoriées. Quant au fournisseur de services d'hébergement, il s'expose à un an d'emprisonnement et à une amande de 250 000 euros pouvant aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires de la plateforme numérique visée. Si ce fournisseur n'informe pas les autorités de la présence d'un contenu terroriste sur leur plateforme, il encourt trois ans d'emprisonnement et 250 000 euros d'amende.
Renforcer les pouvoirs et les procédures
La proposition de loi charge également l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l'Arcom) de s'occuper des demandes de retrait de contenus provenant d'un autre État membre de l'Union européenne, en menant un examen approfondi. De plus, elle améliore les procédures de recours pour les fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus. Ils ont maintenant la possibilité de saisir, sous 48 heures, le président du tribunal administratif pour demander l'annulation d'une injonction de retrait. Le juge administratif a alors d'un mois pour statuer. Enfin, la proposition de loi rappelle que "le recours au référé-liberté demeurera possible dans les conditions de droit commun pour les fournisseurs de services d'hébergement et les fournisseurs de contenus."
Cette nouvelle proposition de loi est adoptée suite à la conclusion de la commission mixte paritaire. Au Sénat, elle a été adoptée par la majorité, bien que le groupe CRCE (à majorité communiste) ait voté contre et que le groupe des écologistes se soit abstenu. Tous deux ont exprimé leur inquiétude quant aux possibles atteintes à la liberté d'expression. De même, les membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de l'Assemblée nationale n'ont pas été, d'une manière générale, favorables à cette proposition de loi, doutant de son applicabilité et de la trop grande responsabilité des fournisseurs de services quant à décider par eux-même de ce qui relève du contenu terroriste.