Claude, Albert… L'IA générative débarque dans les services publics

Claude, Albert… L'IA générative débarque dans les services publics

L'intelligence artificielle fait son entrée dans la fonction publique ! 1 000 agents volontaires vont expérimenter l'utilisation d'une IA générative afin d'apporter de meilleures réponses aux usagers. Le service public de l'avenir ?

La sortie de ChatGPT a créé un raz-de-marée sur Internet, mais aussi au sein des entreprises de la tech. Chacune a commencé à intégrer des IA génératives à ses services et à ses produits, se lançant dans une véritable course pour montrer qui a la plus grosse. Mais après avoir envahi le secteur privé, la voici qui débarque aussi dans le secteur public. En effet, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a donné le coup d'envoi, le jeudi 5 octobre, d'une expérimentation de l'intelligence artificielle dans la fonction publique. 1 000 agents volontaires – dans les Caisses d'Allocation familiales (CAF), l'Assurance Retraite, les préfectures, etc. – vont être équipés d'un outil utilisant l'IA – plus précisément de Claude, un robot conversationnel "éthique" développé la start-up américaine Anthropic (voir notre article) – pour les accompagner dans la rédaction des réponses en ligne aux usagers – bien évidement, ils les superviseront et les modifieront si besoin avant de les envoyer. Le Gouvernement espère ainsi que les agents pourront consacrer "plus de temps à l'humain".

IA : une expérimentation plus importante que prévue

Le Gouvernement avait déjà annoncé en mai dernier – bien discrètement à la vingtième page du document conclusif du septième comité intergouvernemental de la transformation publique – que l'utilisation d'IA génératives serait testée dans les services publics, comme l'avait remarqué BFMTV. Il autorisait ainsi le "lancement d'une expérimentation d'outils d'intelligence artificielle pour produire des réponses aux usagers plus complètes tout en pesant moins sur les agents sur la plateforme 'Services Publics +' et dans plusieurs France services" afin d'assurer la "qualité de service" et la "satisfaction des usagers", tout en pesant moins sur les agents de la fonction publique.

Cette expérimentation devait initialement débuter en septembre auprès d'un échantillon de 200 agents de maisons France services – des guichets de proximités implantés dans tout le pays qui rassemblent différents services de l'État, comme Pôle emploi, La Poste et les impôts – et devait durer six mois – il ne s'agissait donc pas d'une mise en place définitive. L'expérimentation prend donc des proportions bien plus importantes. Les employés devaient pouvoir utiliser ChatGPT, mais aussi Bloom, un modèle international open source développé par trois Français, et LLaMA, le modèle d'IA développé par Meta – là encore, les plans ont été modifiés, puisque Claude a finalement été choisi.

IA : une plus grande qualité de service et des agents soulagés

Concrètement, si l'on désire obtenir des informations – sur la marche à suivre pour toucher son indemnité chômage par exemple –, l'agent soumettra notre question à l'IA grâce à un bouton "Générer réponse (IA)", intégré à la plateforme Service-public.fr, afin d'obtenir rapidement une réponse plus claire ou plus complète que celle qu'il aurait donné en temps normal. Il devra ensuite évaluer la pertinence de cette réponse pour mieux la corriger derrière, et ainsi nous apporter la réponse la plus adaptée possible. Pour éviter toute collecte de données de la part des entreprises et toute fuite éventuelle, les agents ne devront poser que des questions générales sans jamais renseigner d'informations personnelles ou confidentielles. Le Gouvernement promet que les données seront totalement anonymisée et que la confidentialité sera complètement préservée pour l'usager. Tout est supervisé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Un travail est également en cours afin de développer un nouveau modèle souverain en interne, à partir d'un modèle open source, pour le moment baptisé Albert. Les fonctionnaires français seront également plus nombreux à travailler et à être formés sur le sujet de l'intelligence artificielle générative.

Le Gouvernement se veut rassurant, promettant que l'IA ne va pas remplacer les agents, qui devront toujours vérifier et adapter les réponses fournies. Une crainte légitime étant donné que le développement stupéfiant de cette technologie s'annonce comme une véritable révolution pour le monde du travail et risque de rendre certains métiers obsolètes, en particulier dans le tertiaire (voir notre article). Le Japon a d'ailleurs entamé une démarche similaire puisque le pays, pour pallier la pénurie de main d'œuvre dans ses administrations, a expérimenté lui aussi l'IA générative à la mairie de Yokosuka, au sud de Tokyo, pendant une durée de quatre semaines, avant d'adopter officiellement l'utilisation de ChatGPT pour ses employés dans les opérations de back-office. L'objectif est de permettre aux agents de gagner du temps en résumant des réunions ou en corrigeant des communications, afin de pouvoir se consacrer à d'autres tâches.

Cette nouvelle intervient alors que les gouvernements, y compris en France, affichent une certaine défiance envers l'IA, notamment dans la collecte des données, qui pourrait entrainer de l'ingérence de la part de pays étrangers. La mairie et la métropole de Montpellier ont par exemple reçu l'ordre, en mars dernier, de ne plus utiliser ChatGPT "par précaution" et "à titre conservatoire" , comme le rapportait le Midi Libre. Dans la même optique, les services de streaming et les jeux mobiles ont été officiellement interdits sur les smartphones professionnels des fonctionnaires français (voir notre article). La CNIL a d'ailleurs mis en place fin janvier un service de l'intelligence artificielle (SIA) destiné à encadrer l'utilisation de cette technologie et à répondre aux problèmes qu'elle soulève.

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