Spam CPF : la loi pour interdire le démarchage adoptée

Spam CPF : la loi pour interdire le démarchage adoptée

Le Sénat a adopté une loi visant à interdire tout démarchage concernant le compte personnel de formation (CPF), pratique désormais passible d'une amende allant jusqu'à 375 000 €. Un pas en avant pour limiter les fraudes, mais qui pourrait ne pas être suffisant…

Les Français devraient bientôt être moins harcelés au téléphone, par SMS ou encore par e-mail par des inconnus les invitant à solder leur compte personnel de formation (CPF). En effet, ce type de démarchage va enfin devenir hors-la-loi. Le 8 décembre, le Sénat a adopté à l'unanimité et définitivement une proposition de loi déjà votée à l'Assemblée nationale à cet effet. "Je veux dire ici toute la détermination du gouvernement à empêcher tout détournement du droit fondamental d'accès à la formation", a affirmé devant les sénateurs la ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, comme le rapporte 20 Minutes. Cette loi "nous donnera des leviers efficaces pour mieux prévenir, lutter et sanctionner les abus et les fraudes au CPF", puisqu'elle permettra "d'interdire le démarchage abusif et de sanctionner plus efficacement ceux qui le pratiquent y compris sur les réseaux sociaux en ligne".

Comme le texte est identique à celui voté par l'Assemblée nationale, il est donc définitivement adopté. L'écologiste Mélanie Vogel a essayé de le modifier en étendant l'interdiction du "démarchage commercial non consenti à l'ensemble des domaines de prospection commerciale, pas seulement le CPF", mais les élus ont été appelés à ne pas faire de modification afin de ne pas retarder son entrée en vigueur, qui devrait se faire début 2023. Par la suite, Carole Grandjean souhaite "compléter cette action de régulation du CPF, en faisant en sorte qu'il soit mieux ciblé vers les besoins réels de l'économie, c'est-à-dire vers les métiers en tension autant que les métiers d'avenir". Un beau pas en avant salué par l'UFC-Que Choisir, qui en pointe néanmoins les limites.

Spam CPF : un business très lucratif pour les escrocs

Le compte personnel de formation (CPF) est un dispositif de financement public qui donne accès aux Français à des formations disponibles via la plateforme "Mon Compte Formation". Il a vu le jour en janvier 2019 afin de garantir à toute personne active d'acquérir des droits à la formation en euros – et non plus en heures. Chaque année, le compte est alimenté à hauteur de 500 euros pour les salariés et de 800 euros pour ceux qui sont les moins qualifiés ou qui sont en situation de handicap. Bien évidemment, les personnes mal intentionnées ont très vite su en tirer parti et en faire un business très lucratif. De nombreuses entreprises peu sérieuses profitent du faible contrôle exercé sur les formations éligibles au CPF pour proposer leurs services, sans que la personne puisse savoir s'il s'agit d'une formation sérieuse ou bidon. Certains n'hésitent pas à se livrer à des pratiques commerciales et abusives afin de forcer la main, invoquant le caractère obligatoire d'une formation, l'expiration des droits, et ce afin d'inscrire la personne contre son grès, de détourner son argent via des formations fictives, voire de lui subtiliser son identité ! Un fléau qui a représenté à lui seul une fraude de plus de 43 millions d'euros en 2021, contre "seulement" 7,8 millions l'année précédente. Il était donc temps d'agir...

Spam CPF : une loi pour mettre fin au démarchage

Pour lutter contre cette nuisance, l'Assemblée nationale avait voté, le 6 octobre, une proposition de loi déposée par le député MoDem et Indépendant Bruno Fuchs visant à interdire "toute prospection commerciale des titulaires d'un compte personnel de formation" afin de protéger les données personnelles et les crédits de formation des travailleurs. Un texte qui a obtenu l'unanimité dès sa première lecture – fait suffisamment rare pour être souligné –, avec les 73 voix des députés présents ce jour-là. Elle avait opté pour un texte court – trois articles – allant à l'essentiel . Le premier article vise à interdire toute forme de démarchage concernant le CPF dès lors qu'il a pour but de collecter des données à caractère personnel ou de conclure des contrats pour des formations éligibles au dispositif. Le seul cas où la personne peut être contactée, c'est lorsqu'une formation est déjà en cours. Sinon, c'est le créditeur du CPF qui doit aller vers les organismes. Les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCF) seront habilités à débusquer et constater les manquements potentiels, qui seront punis d'une amende administrative pouvant aller jusqu'à 75 000 euros pour une personne physique, et 375 000 euros pour une personne morale.

L'article 2 autorise le partage d'informations entre la Caisse des dépôts et consignations, l'institution France compétences et les autres services de l'État chargés de la concurrence, de la répression des fraudes et des contrôles de la formation professionnelle (DGCCRF, DREETS, etc.), afin de favoriser leur collaboration et, ainsi, d'éviter les fraudes, de mener des contrôles et de prononcer des sanctions. Un troisième et dernier article est venu s'ajouter aux deux précédents et prévoit que les organismes de formation devront passer par une procédure de référencement sur le portail "Mon Compte Formation". De plus, les sous-traitants d'une entreprise de formation seront eux aussi soumis aux mêmes exigences que l'entreprise qui a été agréée au CPF, afin d'éviter que certains "louent leurs certifications auprès d'opérateurs peu scrupuleux", selon Bruno Fuchs.

Si cette proposition de loi est très bien accueillie, certains en pointent tout de même les limites. C'est le cas de l'UFC-Que Choisir, qui émet quelques réserves. Si elle salue le pas en avant effectué par le Parlement, elle ne pense cependant pas que, concrètement, cela changera grand-chose. Dans les faits, les entreprises et les escrocs pourront toujours continuer leurs démarchages, simplement ils ne pourront plus mentionner explicitement le CPF. De plus, la réaction, en plus d'être limitée, arrive comme "à chaque fois tardivement, après que des milliers de victimes se sont fait avoir". C'est pourquoi l'association de consommateurs plébiscite une interdiction totale du démarchage téléphonique, quel qu'il soit. Pour rappel, l'État français a déjà interdit le démarchage dans le domaine de la rénovation énergétique et encadré celui sur les assurances. En tout cas, si vous recevez un appel concernant votre compte formation, raccrochez, car jamais la Caisse des dépôts, le ministère du Travail ou Pôle emploi ne vous contacteront par téléphone au sujet du CPF. En cas de problème, signalez l'escroquerie.

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