Apple se conforme au règlement européen : tout ce qui change
À l'approche de l'entrée en vigueur du DMA, Apple prépare la mise en conformité de ses services avec la législation européenne. Et certains changements auront des conséquences très concrètes sur les utilisateurs, en particulier sur iPhone.
Avec l'entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) le 7 mars prochain, les géants du numérique doivent se préparer à se soumettre à de nouvelles obligations, notamment en matière de sécurité des utilisateurs, mais aussi de concurrence. Un changement majeur et même historique pour les principaux acteurs du marché, qui ont tout intérêt à se plier aux nouvelles mesures. Parmi les firmes nommées la Commission européenne, on retrouve notamment six "contrôleurs d'accès" (gatekeepers) : Alphabet (la maison mère de Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp), Microsoft et ByteDance (le propriétaire de TikTok), dont quatre réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Facebook, LinkedIn) et trois systèmes d'exploitation (Android, iOS, Windows). Ils ont d'ores et déjà pris des dispositions pour respecter la législation européenne, à commencer par Google, qui va modifier six de ses services (voir notre article), de Meta, qui teste l'interopérabilité de WhatsApp avec les autres messageries et permet enfin de dissocier les comptes Facebook, Messenger et Instagram.
Comme ses concurrents, Apple doit lui aussi apporter de nombreux changements à plusieurs de ses services, notamment son système d'exploitation iOS, sa boutique d'applications App Store et son navigateur Web Safari. Dans un communiqué publié le 25 janvier 2024 sur son site Web, la firme de Cupertino fait une mise au point des mesures qu'elle va mettre en place dans iOS 17.4, qui devraient être déployées en mars et uniquement dans l'Union européenne. À noter que les changements apportés concernent tous les appareils utilisant le système d'exploitation d'Apple, à savoir l'iPhone et l'iPad.
DMA : des changements majeurs pour l'écosysème Apple
Pour se conformer à la législation européenne, Apple a dû travailler sur de nombreux points. L'un des changements majeurs mis en place par la firme de Cupertino est qu'elle va enfin autoriser d'autres magasins d'applications et d'autres systèmes de paiement sur iOS – comme c'est le cas sur Android. Auparavant, les utilisateurs ne pouvaient télécharger des applications et des jeux qu'en passant par l'App Store. Un moyen pour l'entreprise d'imposer de nombreuses règles et de toucher des commissions pouvant aller jusqu'à 30 % sur les biens et les services numériques. Désormais, les utilisateurs pourront télécharger des applications sur d'autres magasins et ils era possible de définir une boutique d'applications autre que l'App Store comme étant l'application par défaut de leur appareil. Microsoft compte d'ailleurs bien en profiter et avait déjà annoncé vouloir ouvrir sa propre boutique d'applications et de jeux mobiles (voir notre article). Toutefois, Apple s'arroge le droit de scanner les apps installées pour détecter d'éventuels malwares et affichera un message d'avertissements en cas d'installation d'a pps via des sources tierces. De plus, ces nouveaux magasins devront être approuvés par la société. De la liberté, mais pas trop donc.
Les boutiques tierces pourront désormais passer par un système de paiement alternatif afin d'échapper à la commission d'Apple. La société a prévu de mettre en place une taxe réduite de 17 % sur l'App Store (10 % pour les petits développeurs) et de 0 % sur les autres plateformes. Toutefois, pour les développeurs qui choisiraient de distribuer leur app soit uniquement en dehors de l'App Store, soit en combinaison avec celui-ci, une taxe supplémentaire, nommée Core Technology Fee (CTF), leur sera apposée. Ainsi, si l'application dépasse le million d'installations, chaque téléchargement supplémentaire (mises à jour incluses) sera facturée 0,5 € à l'éditeur. Un système qui a été particulièrement commenté et qui pourrait aller à l'encontre des règles européennes.
Grâce à ce changement concernant les boutiques, les applications de cloud gaming seront également proposées sur l'App Store. Ainsi, il sera possible d'accéder à des services tels que GeForce Now ou Xbox Game Pass Ultimate, qui pourront proposer une véritable application plutôt que d'obliger les joueurs à passer par un navigateur Web. Notons que ce changement s'appliquera partout dans le monde. Toutefois, Apple a prévenu que les jeux devront respecter les directives d'évaluation de l'App Store ainsi que la classification par âge de l'application hôte.
Parmi les nombreuses nouveautés, Apple a également dévoilé un changement concernant les systèmes de paiement. Prochainement, les développeurs de l'Espace économique européen pourront proposer des paiements NFC dans leurs applications tierces. Une nouveauté qui permettra aux utilisateurs de régler leurs achats directement avec leur appareil grâce à la technologie sans contact, et ce, sans forcément passer par Apple Pay, le service de paiement de la firme à la pomme, qui dispose pour le moment d'un monopole sur le paiement sans contact depuis un iPhone. Ainsi, les développeurs auront le choix entre les services de paiement et les achats in app d'Apple – avec lesquels ils devront s'acquitter de frais de traitement supplémentaires de 3 % – ou l'intégration d'un système de paiement tiers sans payer de frais supplémentaires à Apple.
DMA : Apple grince des dents
À partir du 7 mars prochain, Apple devra également ouvrir la concurrence à d'autres moteurs de navigation sur iOS. Jusqu'à présent, l'entreprise n'autorisait que les navigateurs Web qui passaient par son propre moteur de navigation, baptisé WebKit. Dans iOS 17.4, les utilisateurs pourront utiliser de véritables moteurs alternatifs, comme Chromium, utilisé par Chrome de Google et de nombreux autres navigateurs, ou encore Gecko, utilisé par Firefox de Mozilla. "Conformément aux exigences du DMA, Apple introduit également un nouvel écran de choix qui s'affichera lorsque les utilisateurs ouvriront Safari pour la première fois dans iOS 17.4 ou une version ultérieure. Cet écran invitera les utilisateurs européens à choisir un navigateur par défaut parmi une liste d'options", indique Apple dans son communiqué. Les détenteurs d'un iPhone pourront alors utiliser les moteurs de navigation suivants : Aloha, Brave, Google Chrome, DuckDuckGo, Ecosia, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, Onion Browser, Opera, Private Browser Deluxe, Qwant et Safari. Évidemment, cette liste pourra être amenée à changer dans les mois, voire dans les années à venir, au fur et à mesure des mises à jour du système.
Si Apple a accepté de réaliser de tels changements, c'est par obligation et non de gaieté de cœur. D'autant plus que la firme de Cupertino juge que les obligations du Digital Markets Act peuvent compromettre la sécurité et la confidentialité des utilisateurs. Selon la firme, les nouvelles mesures obligent les utilisateurs à s'exposer à de nouveaux risques. "Les nouvelles options de traitement des paiements et de téléchargement d'applications sur iOS ouvrent de nouvelles voies aux logiciels malveillants, à la fraude et aux escroqueries, aux contenus illicites et nuisibles, ainsi qu'à d'autres menaces pour la vie privée et la sécurité", affirme l'entreprise, précisant que les magasins d'applications et les moteurs de navigation alternatifs peuvent aussi représenter un danger pour les utilisateurs. "Les utilisateurs pourraient être contraints de partager leurs informations bancaires avec des tiers, créant davantage d'opportunités pour des acteurs malveillants de dérober des informations financières sensibles", prévient-elle. Impuissant face à la situation, Apple conclut en assurant que l'App Store et WebKit sont les outils les plus sûrs et optimisés pour ses appareils. Un constat réel, certes, mais à prendre avec des pincettes, car Apple a tout à gagner à inciter ses utilisateurs à passer par ses solutions. D'autant plus que, comme ses concurrents, l'App Store n'est pas irréprochable et a déjà été infectée par des applications vérolées ou trompeuses...