Administration numérique : l'État mise sur le logiciel libre

Administration numérique : l'État mise sur le logiciel libre

La ministre de la Transformation et de la Fonction publique vient de présenter la nouvelle stratégie du Gouvernement pour favoriser l'adoption et l'utilisation des logiciels libres et open source dans l'administration française.

À quelques mois de la prochaine élection présidentielle, et après les multiples polémiques autour du stockage des données de santé des Français par Microsoft, ou des appels d'offres du ministère de l'Éducation nationale, le Gouvernement s'est résolu à envoyer un signal – qui se veut fort – à destination du monde de l'open source et des logiciels libres. Une batterie de mesures – qui relève parfois du chapelet de bonnes intentions – a ainsi été dévoilée le mercredi 10 novembre 2021 par la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, à l'occasion du salon Open Source Experience. Ce plan d'action "logiciels libres et communs numériques" est destiné "à soutenir la transformation numérique de l'État" et du service public. Cette initiative poursuit officiellement trois objectifs : tout d'abord "mieux connaître et utiliser les logiciels libres et les communs numériques dans l'administration", ensuite, "développer et accompagner l'ouverture des codes sources du secteur public", enfin, "s'appuyer sur les logiciels libres et open source pour renforcer l'attractivité de l'État-employeur auprès des talents du numérique".

Certes, au niveau des usagers que nous sommes, il est encore difficile de mesurer les retombées concrètes de cette nouvelle stratégie. Mais pour l'État, et par extension pour les collectivités territoriales (pour lesquelles le gouvernement vient de débloquer une enveloppe de 30 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance, pour développer les logiciels libres), un recours plus prononcé aux solutions open-source pourrait être synonyme d'économies substantielles, permettrait d'améliorer l'accès à l'information et contribuerait aussi à renforcer la sacro-sainte souveraineté numérique du pays par rapport aux grands méchants que sont supposément les GAFAM.

"Faciliter", "accompagner", "animer", "valoriser", "attirer"... dans le plan d'action "logiciels libres et communs numériques", les verbes parlent d'eux-mêmes, l'heure n'est pas à l'injonction mais plutôt à la sensibilisation. En pratique, et d'un point de vue purement organisationnel, la nouvelle stratégie gouvernementale sera pilotée par un (nouveau) "pôle d'expertise logiciels libres", constitué au sein du département Etalab de la DINUM (Direction interministérielle du numérique). Pour "mieux connaître et utiliser les logiciels libres et les communs numériques dans l'administration", le gouvernement propose notamment de continuer à "référencer les logiciels libres et les communs numériques significativement utilisés par l'administration et de développer l'échange d'expertise interne" (dans le socle interministériel de logiciels libres - SILL).

Des codes sources partagés entre les services publics

Dans un registre connexe, un catalogue, baptisé GouvTech, a vocation à permettre aux éditeurs de logiciels présents en France de présenter aux services publics leurs solutions numériques dans des domaines aussi variés que la cryptographie, les télécommunications, la cybersécurité, l'IoT (Internet des objets), l'éducation ou la santé… L'État entend également"développer et accompagner l'ouverture et la libération des codes sources du secteur public". De quoi s'agit-il précisément ? D'aider les administrations publiques concernées à publier les codes sources des logiciels développés en interne en mettant à leur disposition tout un tas d'outils, à commencer (au-delà des incontournables GitHub et GitLab) par la plateforme code.gouv.fr qui référence les codes et bibliothèques publiés par les administrations et met en avant les codes sources susceptibles d'être fortement réutilisés.

Enfin, le Gouvernement souhaite "s'appuyer sur les logiciels libres et open source pour renforcer l'attractivité de l'État-employeur auprès des talents du numérique" en animant, plus encore qu'il ne le fait aujourd'hui, le réseau d'échange, d'information et d'expertise BlueHats – un réseau intégrant des agents publics mais aussi des citoyens ayant contribué à l'amélioration de certains logiciels libres – mais aussi en valorisant "les  agents et les chercheurs contribuant à des logiciels libres ou à des communs numériques" via l'organisation d'un événement annuel fédérateur de "sprint du libre et de l'open source". Au final, si elles ne brillent pas particulièrement par une ambition démesurée, les intentions du gouvernement en matière d'open-source et de logiciels libres semblent louables et marquent une nouvelle étape dans la transformation numérique de l'État et dans la dématérialisation à marche forcée des services publics. Une transformation numérique qui, si elle peut (parfois) impressionner d'un point de vue technologique, contribue aussi à fragiliser dangereusement, comme le soulignait récemment une enquête du journal Le Monde, de plus en plus d'usagers de la "start-up nation" dans laquelle nous vivons.