TikTok est un véritable poison pour la jeunesse : les conclusions accablantes de la commission d'enquête

TikTok est un véritable poison pour la jeunesse : les conclusions accablantes de la commission d'enquête

La commission d'enquête parlementaire vient de rendre des conclusions accablantes sur les effets psychologiques de TikTok sur les plus jeunes. C'est pourquoi elle émet plusieurs recommandations, dont un couvre-feu numérique.

Depuis de nombreuses années maintenant, TikTok est dans le viseur de nombreux gouvernements, qui s'inquiètent de la quantité astronomique de données récupérées par la plateforme, de ses liens avec Pékin, mais aussi de son impact sur la santé des plus jeunes, notamment avec son côté addictif.

En France, le Sénat avait déjà conclu en 2023 que le réseau social était au cœur d'une stratégie d'influence de la part du gouvernement chinois, tout en soulignant la forte désinformation qu'il propageait et sa dangerosité sur les plus jeunes (voir notre article). Un enjeu de taille, étant donné qu'il compte près de 28 millions d'utilisateurs rien qu'en France !

Cette fois, les élus se sont intéressés aux risques psychologiques qui pèsent sur les jeunes utilisateurs. Pour cela, la commission d'enquête parlementaire a auditionné pas moins de 178 experts, acteurs et témoins pendant plus de 90 heures, et a recueilli plus de 30 000 réponses dans le cadre d'une consultation citoyenne. À l'issue de six mois de travaux, elle a remis ses conclusions le jeudi 11 septembre. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles sont accablantes. 

"Un des pires réseaux sociaux à l'assaut de notre jeunesse", "hors la loi", "multirécidiviste", "cancre", "océan de trash"… Les qualificatifs ne semblent pas assez forts pour retranscrire ce qu'a constaté la rapporteuse Laure Miller (Renaissance, Marne) et ses collègues. Dans son avant-propos, le président de la commission, Arthur Delaporte (Parti socialiste, Calvados), abonde : "Le verdict est sans appel : cette plateforme expose en toute connaissance de cause nos enfants, nos jeunes, à des contenus toxiques, dangereux, addictifs." C'est pourquoi il a annoncé saisir la justice pour "mise en danger".

TikTok : contenus trashs et exploitation des failles psychologiques

Comme le rapporte FranceInfo, la commission s'est particulièrement attardé sur le fameux algorithme de TikTok. Elle n'hésite pas à le qualifier de "piège algorithmique", car celui-ci "pousse ce qui retient notre attention et non pas ce qui nous plaît""Les contenus néfastes pullulent et bénéficient d'une diffusion très large", dénonce-t-elle. Elle accuse la plateforme de banaliser la violence en mettant en avant des vidéos racistes, sexistes, antisémites ou encore masculinistes. D'ailleurs, les auditions des influenceurs Alex Hitchens – qui s'était fait remarquer en quittant la commission, agacé par les questions de son président  –, AD Laurent et les frères Tanti ont confirmé "le cynisme et la dangerosité" de certains créateurs de contenu.

Concernant la santé mentale, les conclusions sont on ne peut plus limpides : les réseaux sociaux sont dangereux pour celle des plus jeunes. Comme le rapporte BFMTV, TikTok exploite les vulnérabilités psychologiques des moins de 18 ans, comme la "dépendance, la sédentarité ou le manque de sommeil", tout en renforçant des "dynamiques sociales délétères", notamment via les comparaisons sociales, qui sont destructrices pour l'estime de soi des plus jeunes. Les députés estiment d'ailleurs qu'il y a "un lien de corrélation clair" entre un trop grand usage des réseaux sociaux et une santé mentale en chute libre, particulièrement chez les jeunes filles. Notons que onze familles ont déjà assigné la plateforme chinoise en justice pour avoir recommandé des vidéos qui incitent au suicide, à l'automutilation ou aux troubles alimentaires à des mineurs.

Commission sur TikTok : vers une condamnation pénale ?

Selon une neurologue interrogée par les élus, "la motivation première de TikTok n'est pas le bien-être de ses utilisateurs, elle a pour finalité unique le profit". Face aux problématiques soulevées, l'entreprise a brillé par son absence de réponses claires lors des débats, pointe Laure Miller. En effet, le 12 juin dernier, plusieurs responsables de la modération du réseau social et des représentants de la plateforme ont été entendus par la commission d'enquête. Tous avaient été incapables de répondre ou avaient éludé la majorité des questions, finissant par admettre à demi-mot des "trous dans le système de modération". "Ces auditions ont cependant été éclairantes quant au déni entretenu par la plateforme sur l'ensemble des éléments problématiques mis en avant", relève la rapporteuse.

C'est pour toutes ces raisons que le président de la commission Arthur Delaporte a décidé de saisir la procureure de la République de Paris, comme le rapporte l'AFP. Pour lui, "le constat est sans appel : TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs". Le député croit "qu'il y a des infractions pénales" ainsi qu'un délit de "parjure" de la part des dirigeants de l'entreprise. 

Dans un courrier envoyé à la procureure, il soulève "une possible responsabilité de la plateforme dans la mise en danger de la vie d'autrui, par abstention aggravée et complicité active de mécaniques de diffusion de contenus dangereux, de harcèlement, et par l'absence de réaction dans des atteintes portées à la dignité des personnes." Il évoque également des manquements de la modération des vidéos, "tant par ses volumes que par ses délais et son efficacité". Autant de points qui nécessitent une intervention de la justice ainsi qu'une réponse législative.

TikTok : 43 recommandations pour endiguer le problème

Dans son rapport, la commission d'enquête a émis 43 recommandations pour légiférer sur le fonctionnement des réseaux sociaux, avec l'ambition de créer une "sensibilisation massive" et l'espoir de rapidement les concrétiser en "actes politiques" – mais, au vu du contexte politique actuel et de la récente chute du Gouvernement, il va certainement falloir être patient. Parmi ces mesures, on trouve un "couvre-feu numérique" qui s'étendrait sur le territoire national de 22 heures à 8 heures pour les internautes de 15 à 18 ans. Il s'agirait de bloquer tous les réseaux sociaux, mais pas les messageries instantanées. Une mesure déjà évoquée par Gabriel Attal en 2023, lorsqu'il était Premier ministre, afin de lutter contre le harcèlement scolaire (voir notre article).

L'autre mesure phare consiste à interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, tout simplement. Laure Miller voit là un "principe de précaution" destiné à protéger les plus jeunes des vidéos les plus "trashs". Ce n'est pas la première fois que cette idée est évoquée. En 2023, une loi fixant à 15 ans l'âge minimum pour s'inscrire seul sur un réseau social, sans l'autorisation des parents, avait été adoptée, mais sa mise en œuvre s'est révélée particulièrement difficile (voir notre article). Elle n'était finalement jamais vraiment entrée en application, car il reste des incertitudes juridiques à régler, notamment vis-à-vis du droit européen. Malheureusement, les mesures formulées par la commission risquent de se heurter au même problème. C'est pourquoi elle préconise de "maintenir la pression" sur l'Europe.

On notera que les mesures ne sont pas dirigées exclusivement contre TikTok, mais cherchent à endiguer l'usage excessif et néfaste de tous les réseaux sociaux. Il n'est pas question d'interdire uniquement le réseau social chinois. En parallèle, les députés recommandent également de créer un "délit de négligence numérique" pour sanctionner les "parents irresponsables" – autant dire que le spectre est large – et de durcir les mesures contre l'utilisation du smartphone à l'école – qui sont déjà compliquées à mettre en place. Ils proposent également de forcer TikTok à donner plus de contrôle à l'utilisateur sur l'algorithme de recommandation des contenus – notons que, depuis l'entrée en vigueur du DSA, il est possible de désactiver sa personnalisation pour adopter un défilement  par ordre chronologique (voir notre guide pratique).

TikTok : le réseau social continue de nier sa responsabilité

Sans grande surprise, la plateforme chinoise s'est dite "en désaccord avec ces conclusions". Celles-ci "pointent à tort TikTok sur des enjeux qui concernent l'ensemble du secteur. Nous avons pris des mesures de premier plan pour garantir que les comptes d'adolescents disposent par défaut de solides protections, avec plus de 50 fonctionnalités et paramètres spécifiquement conçus pour eux, afin de protéger notre communauté et notamment les plus jeunes", a indiqué le porte-parole à FranceInfo.

Il cite notamment la limitation à 60 minutes d'utilisation du réseau social pour les mineurs, la désactivation de la messagerie pour les moins de 16 ans et sa "coopération" avec la Commission européenne. "Nous continuons d'ajouter régulièrement de nouvelles fonctionnalités pour mieux protéger les adolescents", assure la plateforme. Mais beaucoup en doutent et les faits sont là.