Harcèlement scolaire : bientôt un couvre-feu numérique pour les ados ?

Harcèlement scolaire : bientôt un couvre-feu numérique pour les ados ?

Suite à plusieurs drames récents, le Gouvernement étudie différentes mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire. Parmi elles, le couvre-feu numérique, qui interdirait aux jeunes accusés de cyberharcèlement d'utiliser Internet.

Ils s'appelaient Nicolas, Lindsay ou encore Marie... Après le suicide de plusieurs adolescents victimes au cours de ces derniers mois, la question du harcèlement scolaire et, avec lui, du cyberharcèlement appelle à des réponses concrètes de la part du Gouvernement. Car la peine est double pour les victimes. Avec l'ère du numérique, le harcèlement ne se limite plus seulement à l'enceinte de l'établissement scolaire, il les accompagne jusque chez elles, dans leur chambre, à chaque instant. Il n'y a aucun répit. Avec les téléphones portables et Internet, ce sont des tonnes de messages d'insultes qu'elles reçoivent par SMS et sur les réseaux sociaux, ces derniers renforçant un effet de groupe pour le moins dévastateur. Aussi, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a évoqué auprès du Parisien une série de mesures issues du "plan interministériel" contre le harcèlement scolaire qu' Élizabeth Borne doit dévoiler le 27 septembre prochain. Parmi elles se trouve le "couvre-feu numérique".

Couvre-feu numérique : une mesure préventive contre le cyberharcèlement

Avec le couvre-feu numérique, Gabriel Attal entend limiter l'accès des jeunes aux réseaux sociaux, lieu par excellence de cyberharcèlement. Il s'agirait d'interdire l'accès à Internet, le soir et la nuit entre 18 h et 8 h, par exemple, pour les adolescents soupçonnés de participer à du cyberharcèlement. Tous les jeunes ne seraient donc pas concernés, puisque cette mesure ne pourrait être prononcée que par un juge des enfants, au début d'une procédure judiciaire pour harcèlement – un peu comme les limitations de circulation, lorsque des mineurs n'ont pas le droit d'aller et venir dans la rue sans l'un de leurs parents.

Toutefois, ce sont les parents qui seraient chargés de surveiller à ce que leur enfant respecte bien l'interdiction prononcée, en encadrant son usage d'Internet et en l'empêchant de s'y connecter une fois une certaine heure passée. Autant dire qu'avec un peu d'imagination – et les adolescents n'en manquent pas –, il est facile d'enfreindre la directive, en demandant à un ami de prêter un smartphone de rechange par exemple. De plus, il n'y aurait aucune peine directe si le jeune incriminé venait à l'enfreindre, cela constituerait seulement une circonstance aggravante pour le juge des enfants dans la procédure pour harcèlement, et viendrait alourdir la sanction finale.

Notons qu'un tel couvre-feu viendrait s'ajouter aux mesures actuellement débattues à l'Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de sécurisation de l'espace numérique (SREN) (voir notre article). Avec ce texte, le Gouvernement prévoit d'imposer aux plateformes, en particulier aux réseaux sociaux, le bannissement pendant six mois – un an en cas de récidive – des comptes de personnes condamnées pour cyberharcèlement.

Cyberharcèlement : confiscation de smartphone et majorité numérique

Gabriel Attal entend prendre d'autres mesures contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement qui l'accompagne. Il compte notamment faciliter le contrôle de la majorité numérique, qui fixe à 15 ans l'âge minimal pour s'inscrire seul sur un réseau social, sans l'autorisation des parents (voir notre article). La mise en application de la loi pose toutefois problème, car aucun dispositif technique pour vérifier l'âge des internautes ne fait à ce jour l'unanimité. Pour l'instant, le ministre de l’Éducation nationale évoque ÉduConnect, la plateforme numérique de l'Éducation nationale qui accompagne tous les élèves dans leur scolarité et est déjà utilisée par les adolescents pour attester de son âge et recevoir leur Pass Culture.

Autre mesure évoquée : la confiscation des smartphones des auteurs présumés, en cas de cyberharcèlement grave donnant lieu à une saisine du juge des enfants. Là encore, cela viendrait s'ajouter au projet de loi SREN, défendu par le ministre délégué chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot, qui vise à bannir des réseaux sociaux les auteurs de harcèlement pendant six mois – douze mois en cas de récidive –, une fois la condamnation établie. Là encore, ces deux mesures semblent difficiles à mettre en place et à faire respecter. Enfin, Gabriel Attal désire créer des brigades anti-harcèlement dans chaque académie, sur le modèle des équipes "Valeurs de la République", qui interviennent dans les établissements scolaires au sujet du respect de la laïcité. De bonnes idées sur le papier, qui risquent de se heurter à la dure réalité d'Internet...