DAS de l'iPhone 12 : pourquoi il ne faut pas avoir peur de l'alerte de l'ANFR

DAS de l'iPhone 12 : pourquoi il ne faut pas avoir peur de l'alerte de l'ANFR

À la surprise générale, l'ANFR a lancé une alerte pour signaler que l'iPhone 12 dépassait le seuil autorisé d'émission d'ondes, en demandant à Apple de retirer ce smartphone du marché. Le constructeur va faire une mise à jour pour respecter la norme.

L'iPhone était bien à la Une de nombreux médias français, ce mardi 12 septembre 2023. Malheureusement, pas comme l'espérait Apple. La firme à la pomme avait en effet choisi cette date pour présenter son nouveau smartphone vedette, l'iPhone 15, lors de sa traditionnelle conférence de rentrée (voir notre article). Mais, par un curieux hasard, c'est précisément ce jour que l''Agence nationale des fréquences (ANFR) a publié un bulletin d'alerte concernant un modèle plus ancien, l'iPhone 12, accusé de non-conformité avec la réglementation européenne. Plus précisément, lors de mesures effectuées dans le cadre de ses missions de surveillance du marché des équipements radioélectriques et du contrôle de l'exposition du public aux ondes électromagnétiques, l'ANFR a noté que le débit d'absorption spécifique (DAS) de l'iPhone 12 était supérieur au maximum autorisé. Et de demander immédiatement à Apple de retirer temporairement ce smartphone du marché et de "mettre en œuvre tous les moyens disponibles pour remédier rapidement à ce dysfonctionnement", sous peine d'un rappel généralisé de tous les exemplaires en circulation. 

Il n'en fallait pas plus pour mettre en ébullition journaux, radios et TV grand public qui ont massivement relayé l'information dans la soirée du mardi et la matinée du mercredi, en suscitant une inquiétude bien compréhensible. D'autant que dans un entretien avec Le Parisien, Jean-Noël Barrot, ministre chargé du Numérique et des Télécommunications, annonçait qu'il était "prêt à ordonner le rappel" de l'iPhone incriminé, rappelant que "la règle est la même pour tout le monde, y compris pour les géants du numérique", ajoutant un peu plus à la panique populaire. 

On imagine aisément la grimace qu'ont du faire les dirigeants d'Apple en apprenant cette nouvelle au moment même où les feux de l'actualité auraient dû être tous tournés vers le dernier prodige… Pire, avec le jeu classique des chaises musicales faisant qu'un nouveau modèle chasse un ancien, l'introduction de l'iPhone 15 a aussitôt signé la fin de l'iPhone 12, qui est sorti du catalogue ce mardi 12 septembre, laissant du même coup croire qu'Apple se plait aux desiderata du ministre et de l'ANFR. Une synchronicité qui n'a fait qu'entretenir la psychose naissante, certains s'imaginant que les iPhone sont tous dangereux pour la santé en raison du niveau des ondes qu'ils émettent. Pas vraiment le genre de publicité dont on rêve à Cupertino, surtout au lancement d'un nouveau modèle…

Alerte sur l'iPhone 12 : une histoire de DAS

Il convient donc de revenir un peu en détail sur l'information initiale avant que la rumeur ne la détourne en légende urbaine. Comme le rappelle l'ANFR dans son communiqué, le DAS d'un appareil (donnée qui s'exprime en W/kg) permet de quantifier l'énergie transportée par les ondes électromagnétiques qu'il génère et absorbée par le corps humain. Pour un téléphone, cette quantité n'est pas uniforme : elle varie selon la position de l'appareil par rapport au corps. Voilà pourquoi tous les organismes spécialisés distinguent trois valeurs représentatives : le DAS tête (quand le téléphone est près de la tête, collé à l'oreille), le DAS tronc (quand il est porté près du buste, dans une poche de veste ou de chemise, par exemple) et le DAS membre (quand il est près d'un membre, tenu en main ou glissé dans une poche de pantalon, par exemple).  

Même si la question de la nocivité des ondes électromagnétiques émises par les téléphones – comme par d'autres appareils, d'ailleurs – fait toujours l'objet de débats animés, les autorités se sont appuyées sur les recommandations précautionneuses des organismes de santé pour fixer des limites : ainsi, les smartphones commercialisés en Europe ne doivent pas dépasser 2 W/kg pour le DAS tête et le DAS tronc et 4 W/kg pour le DAS membre. Et c'est justement sur le DAS membre que l'iPhone 12 a été pris en défaut lors des mesures effectuées par l'ANFR, le smartphone d'Apple atteignant 5,7 W/kg au lieu des 4 W/kg autorisés par la norme européenne, soit 42 % de plus que la limite réglementaire.

Mais pour impressionnant qu'il soit de prime abord, ce résultat doit être relativisé. D'abord, parce qu'il ne s'agit que du DAS membre et pas des DAS tête et tronc, qui concernent des parties plus vitales du corps en raison de la proximité d'organes. Ensuite, parce que les mesures sont effectuées en laboratoire, dans des conditions extrêmes, volontairement loin des situations normales. "Les mesures en laboratoire ne reflètent pas ce qui se produit lors de l'usage habituel de l'appareil", rappelle d'ailleurs l'ANFR sur son site. En pratique, les niveaux normaux d'émissions d'ondes sont très sensiblement inférieurs aux valeurs maximales relevées lors des tests, qui ne sont atteintes que dans des conditions d'accès au réseau extrêmement dégradées : il y a ainsi peu de risques d'y être exposé en ville, par exemple, comme dans toutes les zones où la densité d'antennes est très élevée. Enfin, les limites imposées par les législateurs sont volontairement très inférieures aux seuils de dangerosité définis par les autorités sanitaires : 20 W/kg pour les DAQS tête et tronc et 40 W:/kg pour le DAS membre. Un facteur 10 de sécurité a effet été appliqué dès le départ selon le principe de précaution.

DAS de l'iPhone 12 : un dépassement sans danger

Il n'y a donc rien à craindre avec le DAS membre de  5,7 W/kg relevé sur l'iPhone 12. D'ailleurs, même le ministre reconnaît que le niveau d'ondes produit par l'iPhone 12 ne présente pas de risque particulier pour les utilisateurs. "La norme européenne est dix fois inférieure au niveau des émissions qui, selon les études scientifiques, peuvent entraîner des conséquences sur les utilisateurs. Et dans ce cas précis, l'iPhone 12 ne dépasse que très légèrement la norme", admet Noël Barrot. D'autant qu'Apple conteste la mesure effectuée par l'ANFR, en rappelant se conformer à la réglementation. "C'est lié à un protocole de test spécifique utilisé par les régulateurs français et non à un problème de sécurité. Depuis son lancement en 2020, l'iPhone 12 a été certifié et reconnu comme respectant toutes les réglementations et normes SAR applicables dans le monde entier", explique Apple. C'est d'ailleurs le cas pour les nouveaux modèles, qui restent loin des seuils officiels, comme la marque à la pomme l'indique sur son site qui mentionne des valeurs maximales de 0,98 W/kg (DAS tête et DAS tronc) et de 2,99 W/kg (DAS membre) pour l'iPhone 15, l'iPhone 15 Plus, l'iPhone 15 Pro  et l'iPhone 15 Pro Max. 

Pourquoi cette "affaire" sort-elle pile au moment de l'annonce de l'iPhone15 ? Mystère. Un malheureux hasard de calendrier. Il faut surtout se demander pourquoi cette mesure n'est publiée que maintenant, trois ans après la sortie de l'iPhone 12, qui a été lancé en 2023. L'explication vient de la manière dont les tests sont effectués. D'une part, ils sont confiés à des organismes certifiés, qui prennent du temps pour réaliser des mesures en laboratoire. De l'autre, la pandémie de Covid-19 a bousculé nombre d'organisations pendant des mois, ce qui a visiblement retardé certains  tests. Et ce d'autant que le calendrier de contrôles a été particulièrement chargé à cette période, notamment avec le déploiement de la 5G. Enfin, il convient de rappeler que le DAS d'un appareil peut évoluer avec des réglages logiciels, à l'occasion de mises à jour affectant certains paramètres. C'est d'ailleurs par cette voie que les constructeurs corrigent les modèles "hors des clous".

DAS de l'iPhone 12 : une mise à jour pour respecter la norme

Et c'est que qu'Apple a finalement décidé de faire au plus vite. "Nous publierons une mise à jour logicielle pour les utilisateurs français afin de tenir compte du protocole utilisé par les autorités françaises de régulation", a déclaré un porte-parole d'Apple. Une décision confirmée par Jean-Noël Barrot, comme le rapporte l'AFP : "Après discussions et comme demandé par l'ANFR,  Apple m'a assuré qu'il mettrait en place dans les prochains jours une mise à jour sur l'iPhone 12", a affirmé le ministre, en ajoutant que "l'ANFR se prépare à tester rapidement cette mise à jour qui permettrait à terme de rendre le modèle conforme."  Voilà qui devrait mettre fin à "l'affaire iPhone 12" et rassurer les nombreux utilisateurs de ce modèles qui s'inquiétaient pour leur santé ces derniers torus, suite aux remous provoqués par l'annonce surprise de l'agence.

Pour être complet, notons que l'ANFR rappelle régulièrement à l'ordre des fabricants pour ce genre de problème. L'agence, qui qualifie cette procédure de "tout à fait classique", rappelle que 43 mobiles de différentes marques (Samsung, Xiaomi, Huawei, Nokia, Motorola, Wiko, Logicom, etc.) ont déjà eu droit à ce type d'alerte et que seulement 6 appareils ont dû être retirés du circuit, suite à l'absence de mise à jour des marques. L'ANFR voulant être totalement transparente sur le sujet, il est d'ailleurs tout à fait possible de consulter les rapports de mesures effectuées par des labos accrédités sur son site et même d'accéder à des rapports complets, comme pour l'iPhone 13. Notons que l'agence n'y référence que 25 modèles de smartphones Apple dans diverses déclinaisons, que les derniers rapports datent de novembre 2021 et que l'iPhone 14 n'est pas encore mentionné, alors qu'il est sorti en 2022... Il est visiblement difficile, pour l'organisme public, de suivre la cadence de production infernale des constructeurs pour mener ces tests complexes.  Quoi qu'il en soit, et malgré ses réticences Apple aura été plutôt rapide à réagir, ne serait-ce que pour préserver sa précieuse image de marque.