Indice de durabilité : un nouveau repère pour acheter durable

Indice de durabilité : un nouveau repère pour acheter durable

Obligatoire sur de nombreux produits comme les smartphones et les ordinateurs portables, l'indice de réparabilité va évoluer en un indice de durabilité, aux critères plus complets. Mais son usage sera restreint et temporaire….

Pour encourager une production et une consommation plus écoresponsables, le Gouvernement français a mis en place il y a quelques années un indice de réparabilité pour les appareils électriques et électroniques pour le grand public. Il s'agit d'un système de notation destiné à lutter contre l'obsolescence – programmée ou non – de ces appareils, présenté sous la forme d'une note comprise entre 1 et 10, calculée selon plusieurs critères, comme la disponibilité de la documentation technique, la facilité du démontage, ou encore la disponibilité et le prix des pièces de rechange. Le but est d'inciter les consommateurs à choisir des produits ayant une meilleure durée de vie et à réparer leurs appareils. De cette façon, ils deviennent un levier de poids qui va à son tour inciter les fabricants à privilégier l'écoconception en améliorant leur façon de produire leurs appareils, afin de bénéficier d'un nouvel argument marketing. Au final, cela doit permettre de freiner la production de déchets électriques et électroniques.

Mais, le 1er janvier 2024, l'indice de réparabilité devait évoluer en un indice de durabilité – qui, comme son prédécesseur, devait être affiché par tous les vendeurs sur les appareils électriques et électroniques à destination des consommateurs français –,  un dispositif intégrant de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité des produits. En clair, il est censé être plus complet que son prédécesseur et prendre en compte la capacité d'un appareil à ne pas tomber en panne. Finalement, après de nombreux obstacles et rebondissements – provenant notamment de la Commission européenne –, le décret et les arrêtés nécessaires à l'entrée en vigueur de l'indice ont enfin été publiés au Journal officiel le 7 avril 2024. La nouvelle notation entrera en vigueur en janvier 2025 pour les téléviseurs et en avril 2025 pour les lave-linge, via la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC). Une seconde vague d'appareils devrait avoir lieu un jour, notamment les aspirateurs, les tondeuses à gazon électriques, les lave-vaisselle et les nettoyeurs haute pression.

Indice de durabilité : de nouveaux paramètres pris en compte

Sans grande surprise, l'indice de durabilité, sous forme de note sur 10, reprendra le code couleur traditionnel déjà employé par l'indice de réparabilité, allant du rouge au vert afin de faciliter la lecture de l'indice. Plus le score sera faible, plus la couleur tendra vers le rouge et moins l'appareil sera bon pour l'environnement. À l'inverse, plus le score sera élevé, plus la couleur tendra vers le vert, et plus l'équipement sera durable.

Petit point noir cependant : au lancement de l'indice de durabilité, seuls les téléviseurs et les lave-linges devaient concernés – initialement, les smartphones devaient l'être aussi. Il devra obligatoirement être affiché sur l'emballage ou à côté du prix affiché lors d'un achat en magasin. Pour la vente en ligne, il devra être affiché sur toutes les pages permettant l'achat du produit concerné, à proximité du prix et avec une taille de police équivalente, de manière à être lisible sur l'écran. Après, libre à chaque fabricant de l'apposer ailleurs, comme argument marketing.

© Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Indice de durabilité : comment est-il calculé ?

Le nouvel indice de durabilité est calculé en fonction de trois critères. Bien évidemment, il y a la réparabilité du produit, qui compte pour 45 points, mais aussi la fiabilité de celui-ci, qui compte pour 45 points. Ce volet évalue sa résistance à la poussière et à l'eau – attention, il ne garantit pas l'étanchéité de l'appareil ! – et prend en compte le suivi des mises à jour de sécurité. Enfin, l'indice comprend un facteur d'amélioration qui compte pour 10 points, mais pourra sauter pour "les catégories d'équipements qui ne prennent pas en compte la famille de critères d'amélioration". Ensuite, la note sur 100 est ramenée à 10. L'idée est de ne pas uniquement prendre en compte la facilité avec laquelle un smartphone peut être réparé, mais aussi d'inclure sa capacité à durer dans le temps.

Dans ces trois grandes catégories se trouvent de nombreux sous-critères spécifiques à chaque type d'appareil. Pour les téléviseurs par exemple, une dalle démontable en moins de sept étapes rapportera trois points, auxquels se rajouteront deux points s'il suffit d'un outil courant et non propriétaire pour la démonter. Si les fixations des modules Wi-Fi et Bluetooth sont amovibles et réutilisables, ils gagnera deux points de plus. Du côté des lave-linges, un appareil qui ne subirait un test de fiabilité que de 1 400 cycles ne gagnerait aucun point, alors que si le test en comporte plus de 3 400, il obtiendra six points. S'il possède un indicateur visible qui informe le consommateur que c'est le moment de procéder au détartrage de la machine, il gagnera un point, voire trois points si l'entretien est automatique. Des critères comme ça, l'indice en compte des centaines !

© Commission européenne

Indice de durabilité : est-il vraiment fiable ?

Il y a toutefois un petit hic : si l'indice de durabilité se veut plus complet que l'indice de réparabilité, certains critères essentiels sont mal représentés dans la note finale. Regardons le volet consacré à la réparabilité par exemple. Une partie des critères concerne le fait de réparer soi-même l'appareil. Or, il s'agit d'une pratique relativement rare dans le grand public, de par la connaissance technique qu'elle nécessite. Sont également évaluées la documentation et la facilité avec laquelle le consommateur peut démonter son appareil. Autant de points d'attention qui ne sont pas pertinents si l'on souhaite faire réparer son appareil chez un réparateur certifié, chez son opérateur ou chez le fabricant. Par exemple, les iPhone – même s'ils ne sont pas concernés pour le moment – obtiennent un score correct de par les notices très détaillées et faciles d'accès de nombreuses années après la sortie du produit, mais les appareils difficilement démontables avec des pièces détachées chères.

Aussi, avant de passer à la caisse, le plus simple reste donc de scruter plusieurs éléments communiqués par les fabricants ou les revendeurs. Par exemple, pour la réparabilité d'un smartphone, on peut se fier aux notes données par la société iFixit, le spécialiste des réparations. Pour savoir si un smartphone est étanche à l'eau et à la poussière, il suffit d'examiner sa fiche technique pour voir s'il y a une certification IP. Enfin, pour les mises à jour, mieux vaut consulter directement le site du constructeur, qui indique souvent jusqu'à quand un appareil recevra des mises à jour.

Reste que, pour l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP), cet indice est une "révolution". "En tant que consommateurs et consommatrices, on ne veut pas seulement savoir si un produit pourra être réparé, mais surtout s'il va fonctionner longtemps sans pannes ! Cette transparence sur la durabilité d'un produit lève désormais un tabou ancré chez les industriels", explique Laetitia Vasseur, directrice générale de l'association. 

Indice de durabilité : la question épineuse de la Commission européenne

Originellement prévue pour janvier 2024, l'arrivée de l'indice de durabilité a pris du retard en raison de différents avec la Commission européenne. En effet, cette dernière avait retoqué le dispositif en novembre dernier, au plus grand plaisir des industriels. Comme le futur indice de durabilité concerne potentiellement des vendeurs européens, la France a été obligée d'alerter la Commission européenne de son arrivée en août 2023. Or, comme le rapportait L'Informé, celle-ci avait refusé le décret d'application et les cinq arrêtés sectoriels, avec interdiction de publication au Journal officiel jusqu'en février. 

La raison ? Son incompatibilité avec le droit européen, étant donné qu'un indice de durabilité à l'échelle de l'Union européenne doit être mis en place d'ici 2025. Des indices de réparabilité français et européens feraient donc un doublon et auraient pu créer de la confusion au niveau de l'affichage – d'autant plus que, selon les industriels, certains critères exigés par l'indice français étaient différents de l'indice européen. Aussi, dans un courrier adressé à la Commission européenne, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires annonçait prendre "note" de l'avis critique rendu à l'automne dernier, et abandonnait son projet. Ce qui avait grandement réjoui les industriels, l'Alliance française des industriels du numérique – qui représente plusieurs constructeurs dont Apple, Google et Xiaomi – et la Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication ayant trouvé que la France allait trop loin dans son encadrement. Nous allons donc avoir en 2025 un indice de durabilité, mais limité et temporaire.