Indice de réparabilité : tout ce qu'il faut savoir sur le dispositif de notation
Alors que le Gouvernement prévoyait de transformer l'indice de réparabilité en un indice de durabilité françajs, l'idée a finalement été mise de côté, et le projet a été arrêté. Un moyen d'éviter un doublon avec l'Europe !
De nombreux consommateurs sont contraints de se séparer de leurs appareils électroniques à contrecœur. Un smartphone dont les mises à jour ont été arrêtées, un lave-linge qu'il est impossible de démonter pour changer la pièce usée, un ordinateur portable qui coûte moins cher à racheter qu'à réparer... Toutes ces situations sont les conséquences de l'obsolescence programmée, une pratique de plus en plus répandue chez les constructeurs. Pour s'en rendre compte, il suffit de se pencher sur le rapport de l'association Halte à l'obsolescence programmée (HOP) publié en 2019 sur les lave-linge. On constate une forte diminution de la durée de vie des appareils, qui est passée de dix ans en 2010 à sept ans en 2018. Le rapport souligne en particulier" l'inaccessibilité [...] et le prix exorbitant de certaines pièces essentielles au bon fonctionnement de l'appareil et même des pièces d'usure (cartes électroniques, roulements et charbons moteur). Pour un certain nombre de marques (LG, Samsung,…), se pose la question de l'intentionnalité de l'irréparabilité."
Le problème, c'est que ce n'est pas uniquement une question de sous, car cette pratique entretenue par certains constructeurs – qui poussent clairement à la (sur)consommation – a un énorme impact sur l'environnement. En effet, la production d'un appareil est la phase la plus polluante de son existence, à cause de l'extraction des matières premières. Par conséquent, plus un équipement va être utilisé longtemps, plus son impact environnemental sera faible. Mais alors que le Gouvernement souhaitait le voir évoluer en un indice de durabilité, aux critères plus complets, l'Union européenne leur à ordonner de ne rien faire, un tel indice étant déjà en cours de création à l'échelle européenne (voir notre article). L'indice de réparabilité va donc continuer d'exister pendant un certain temps !
Qu'est-ce que l'indice de réparabilité ?
L'indice de réparabilité d'un produit est un système de notation élaboré par le Gouvernement afin de lutter contre l'obsolescence – programmée ou non – des appareils électriques et électroniques pour le grand public. Il se présente sous la forme d'une note comprise entre 1 et 10 calculée selon plusieurs critères. Elle est accompagnée d'un code couleur allant du rouge au vert afin de faciliter la lecture de l'indice. Ainsi, plus l score est faible, plus la couleur tend vers le rouge et moins l'appareil est réparable. À l'inverse, plus le score est élevé, plus la couleur tend vers le vert, et plus l'équipement est réparable. En gros, l'indice de réparabilité est le gage de sa durée de vie – et non, ce n'est pas parce qu'un appareil a besoin d'être réparé qu'il sera ensuite moins efficace !
L'objectif de ce système de notation est double. Tout d'abord, il s'agit d'inciter les consommateurs à choisir des produits plus facilement réparables, et donc avec une meilleure durée de vie – ce qui, au passage devrait leur permettre de faire de sérieuses économies. C'est aussi un moyen de leur rappeler et même de les encourager à réparer leurs appareils – eux-mêmes ou via un service dédié – car, face à une panne, " seuls 36 % des Français en moyenne le réparent, alors qu'ils sont 54 % en moyenne à le remplacer ", indique un rapport de l'Ademe (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Le ministère de l'Écologie se fixe pour objectif d'arriver à 60 % de réparation d'ici cinq ans. De cette façon, le consommateur devient un levier de poids qui va à son tour inciter les fabricants à privilégier l'écoconception – ce qui avait déjà bien marché avec l'étiquette énergie – en améliorant leur façon de produire leurs appareils afin de bénéficier d'un nouvel argument marketing. Au final, cela permettra de freiner la production de déchets électriques et électroniques.
Comment est calculé l'indice de réparabilité ?
L'indice de réparabilité de chaque appareil est calculé selon cinq critères :
- Disponibilité de la documentation : le producteur s'engage à rendre disponible gratuitement, durant un nombre important d'années, des documents techniques auprès des réparateurs et des consommateurs. Plus la durée de cette disponibilité est longue, plus le constructeur marque des points. Pour un smartphone ou un ordinateur portable, la documentation doit rester accessible au moins 5 ans – 7 pour les scores élevés. Pour les téléviseurs, la durée minimale est de 7 ans pour avoir au moins un point, et de 11 ans pour obtenir le score maximum.
- Démontabilité et accès, outils, fixations : il s'agit de la facilité de démontage du produit – accessibilité à des composants, remplacement des pièces, etc. –, du type d'outils nécessaires – des accessoires que l'on trouve dans sa caisse à outils ou qu'il faut acheter spécifiquement ? – et les caractéristiques des fixations.
- Disponibilité des pièces détachées : il s'agit de l'engagement du producteur sur la durée de disponibilité des pièces détachées et sur le délai de leur livraison.
- Prix des pièces détachées : il s'agit du rapport entre le prix de vente des pièces détachées et le prix du produit. Les pièces de change doivent être à un prix accessible, afin qu'il soit plus rentable de réparer l'appareil que d'en acheter un neuf.
- Critères spécifiques : le score est déterminé par des sous-critères propres à la catégorie de produits concernée. Par exemple, les smartphones et les ordinateurs portables sont évalués sur les informations de leurs mises à jour, les machines à laver, les lave-vaisselle et les aspirateurs robots doivent disposer d'un compteur d'usage. Pour les aspirateurs et les nettoyeurs haute pression, le consommateur doit pouvoir accéder à une assistance sans frais. Est aussi pris en compte la possibilité de réinitialiser le logiciel.
Toutefois, bien que des critères précis fournis par le gouvernement encadre l'indice de réparabilité, les produits sont notés par les constructeurs eux-mêmes. Il faut donc rester très vigilent sur ce que vont afficher les fabricants, afin que l'indice reste crédible. Depuis le 1er janvier 2022, tout manque ou fraude est sanctionné par une amende allant jusqu'à 15 000 euros – une somme qui n'est finalement pas très dissuasive pour les gros constructeurs...
Quels appareils sont concernés par l'indice de réparabilité ?
Depuis janvier 2021, l'indice de réparabilité est obligatoire pour les smartphones, les ordinateurs, les téléviseurs, les lave-linge à hublot et les tondeuses à gazon. Le 4 novembre 2022, quatre autres produits se sont ajoutés à cette liste : les lave-linge top – ceux qui se remplissent par le dessus –, les lave-vaisselle, les aspirateurs – robots, filaires et sans fil – et les nettoyeurs haute pression proposés dans le commerce.
L'indice de réparabilité d'un produit doit obligatoirement être affiché sur l'emballage ou à côté du prix affiché lors d'un achat en magasin. Pour la vente en ligne, il doit être affiché sur toutes les pages permettant l'achat du produit concerné, à proximité du prix et avec une taille de caractère équivalente à celle du prix, de manière à être lisible sur l'écran. Bien entendus, les vendeurs peuvent afficher l'indice sur toute autre forme de support de communication, comme des tracts ou des affiches de promotion par exemple. À noter que lors de l'achat, le consommateur a le droit d'exiger de voir la grille de notation complète ayant servi à calculer l'indice de réparabilité, et ce afin de prendre connaissance de chaque critère évalué et choisir l'appareil en parfaite connaissance de ses points forts et de ses points faibles.
L'indice de réparabilité est-il fiable ?
Si l'indice de réparabilité est une excellente initiative, il souffre toutefois de quelques problèmes. En effet, certains biais le faussent, notamment au niveau de la documentation. Il est tout à fait possible d'avoir des notices très détaillées et faciles d'accès de nombreuses années après la sortie du produit – et donc obtenir de nombreux points pour ce critère –, mais de devoir acheter des outils et des pièces détachées très chères pour un appareil difficilement démontable. Par conséquent, la note finale n'est pas très représentative. C'est notamment le cas pour Apple, dont l'indice de réparabilité de ses produits oscille en moyenne entre 4,5 et 6. Autre problème : un produit réparable ne veut pas dire durable. Si une pièce d'une machine casse tous les ans, il faut la changer tous les ans et, finalement, ce n'est pas une consommation écoresponsable. L'appareil qui pollue le moins est l'appareil qui ne tombe jamais en panne. C'est pourquoi le Gouvernement voulait passer à un indice de durabilité d'ici à 2024 via la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi AGEC), en intégrant de nouveaux critères comme la robustesse ou la fiabilité des produits.
Mais encore faudrait-il que tout le monde joue le jeu pour que cela fonctionne ! L'association HOP pointe régulièrement l'absence d'affichage dans certains magasins physiques et appelle les autorités de contrôle du marché à la sanctionner, ainsi que le manque de fiabilité du calcul de l'indice, comme le rapportait Reporterre. Pour l'ONG, l'allongement de la durée de vie des appareils électroniques est "un enjeu essentiel" et cet indice est un réel moyen d'inciter les fabricants à l'écoconception de leurs produits. De son côté, l'Union européenne travaille elle aussi sur un indice de réparabilité à échelle européenne car plus le marché de consommateurs sera grand, plus les fabricants auront intérêt à améliorer la conception de leurs appareils. Reste à espérer que tout soit mis en place assez rapidement, car le temps joue contre nous...