TNT UHD : France Télévisions passe la TV à l'ultra haute définition

TNT UHD : France Télévisions passe la TV à l'ultra haute définition

France Télévisions vient de lancer la TNT en ultra haute définition. France 2 et France 3 diffuseront des programmes en UHD pour les JO 2024, À terme, trois chaînes profiteront de ce nouveau standard de qualité.

[Mis à jour le 12 décembre 2023] On l'attendait depuis des années. Et elle arrive enfin ! Depuis le 11 décembre 2023, France Télévisions commence à diffuser des programmes en ultra haute définition (UHD) sur la TNT, la télévision numérique terrestre. Avec un objectif simple, mais symbolique : la retransmission d'événements sportifs en très haute qualité durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. C'est d'ailleurs à cette fin que l'Arcom – l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui remplace à la fois le CSA et l'Hadopi depuis le 1er janvier 2022 – a accordé fin octobre 2023 des autorisations de diffusion en UHD sur la TNT à France 2 et France 3. Un premier pas – tardif – qui inaugurera une évolution très attendue vers une nouvelle norme audiovisuelle, déjà disponible dans d'autres d'autres pays européens.

Pour l'heure, il ne s'agit que d'un test grandeur nature limité à Paris et sa petite couronne. Les habitants de cette zone privilégiée peuvent voir les premiers programmes UHD de France 2 et de France 3 sur les canaux 52 et 53, en faisnat simplement une recherche automatique sur leur TV à condition qu'il soit compatible UHD-4K, évidemment. Mais, comme le promet Jacques Donat-Bouillud, directeur du développement des réseaux de diffusion et distribution du groupe France Télévisions dans le message posté sur X (ext-Twitter), la diffusion UHD d ela TNT sera étendue à plusieurs grandes vielles de France dès le 23 janvier 2024.

TNT UHD : France Télévisions en pionnier

Rappelons que, même si beaucoup de téléspectateurs regardent aujourd'hui la télévision via leur connexion Internet, grâce à la box de leur opérateur, la TNT demeure la seule solution accessible à tous pour recevoir des chaînes TV presque partout sur le territoire : il suffit en effet de disposer d'une simple antenne "râteau" et d'un téléviseur compatible pour capter les ondes radio qui véhiculent des images et du son en numérique. Et ce, gratuitement, le Gouvernement ayant mis fin en 2022 à la fameuse "redevance télé" – de son vrai nom, contribution à l'audiovisuel public (voir notre article). 

Concrètement, c'est France 2 qui va ouvrir le bal de la TNT UHD courant décembre 2023. Mais attention : il ne s'agit encore que d'un test qui sera réservé à quelques privilégiés – plus précisément, autour de Paris, de Toulouse et de Rennes – avant un déploiement progressif au premier semestre 2024. La véritable diffusion de la TNT UHD ne commencera donc que plus tard dans l'année. Dans sa décision du 25 octobre 2023, l'Arcom précise que l'autorisation de diffusion est sans limite de temps pour France 2, alors qu'elle sera limitée à la période allant du 10 juillet au 10 septembre 2024 pour France 3, qui ne pourra ainsi assurer que les retransmissions des Jeux olympiques et paralympiques 2024. En principe, les deux chaînes UHD pourront être reçues gratuitement par environ 70 % de la population, à la fois en métropole et dans neuf collectivités d'Outre-mer, sur les canaux 52 et 53 en métropole et 22 et 23 en Outre-mer, les canaux 2 et 3 restant dédiés à la diffusion "normale", en haute définition. 

TNT : une lente évolution

Pour bien comprendre ce qui se trame, il convient de revenir sur les évolutions de la TNT. À son lancement, en 2005 en France métropolitaine, la télévision numérique terrestre diffusait en Mpeg-2, la norme d'encodage du DVD-video, avec une définition standard (SD, en 720 x 576 pixels au format 4:3), en mode entrelacé (i), conformément à la norme de télédiffusion DVB-T. En 2016, après de longues expérimentations, la TNT a connu une grande amélioration en passant massivement à la norme Mpeg-4 (AVC/H.264) qui apportait la haute définition (Full HD en 1920 x 1080 pixels au format 16:9), toujours en entrelacé. 

Cette fois, c'est une étape encore plus importante qui s'apprête à être franchie, avec le passage à l'ultra haute définition (UHD) reposant sur la norme internationale de diffusion numérique DVB-T2 et sur d'encodage vidéo HEVC/H.265 en progressif (p), comme l'a défini le Forum audiovisuel numérique (FAVN) dans les spécifications établies en 2018. Avec, à la clé, plusieurs avantages. 

TNT UHD : une image de bien meilleure qualité

En premier lieu, une bien meilleure qualité d'image. En effet, l'UHD correspond à une définition de 3840 x 2160 pixels, soit exactement quatre fois de points qu'en Full HD. À ce sujet, même si les constructeurs, les commerçants et de nombreux médias entretiennent la confusion, il faut bien distinguer l'UHD de la 4K, un standard conçu pour le cinéma et pas pour la télévision, qui exploite une définition de  4096 × 2160 pixels dans un format 17:9, un ratio qui autorise diverses déclinaisons, avec des images plus panoramiques. 

© Francesat

L'autre atout majeur de la TNT UHD, c'est le passage du mode entrelacé au mode progressif. Actuellement, pour des raisons à la fois historiques et techniques – notamment pour la compatibilité des équipements de toute la chaîne télévisuelle, de la captation à la diffusion –, le signal vidéo de la télévision numérique terrestre utilise deux "trames" par image : une trame contenant uniquement les lignes impaires, une autre uniquement les lignes paires. Ainsi, chaque image est formée par l'affichage successif de deux demi-images, avec le léger décalage temporel qui découle de cette technique héritée des écrans cathodiques, quand l'image était formée par le faisceau d'électrons qui balayait l'écran.

Bien entendu, étant de type numérique par nature, les écrans actuels – qu'ils soient de technologie LCD, Oled ou autre – affichent déjà tous des images en progressif. Mais c'est le téléviseur qui fait la transformation de l'entrelacé au numérique, avec des petites différences de qualité selon le traitement de chaque modèle, et des artefacts dans les mouvements rapides, notamment des saccades. La TNT UHD va enfin gommer ce problème héréditaire, en affichant 50 images pleines par seconde au lieu de 50 demi-images. Ce qui va nettement améliorer la fluidité de l'affichage, en particulier pour le sport et les scènes d'action.

TNT UHD : HDR en standard 

Ce n'est pas tout ! En plus de l'ultra haute définition et du progressif, la TNT UHD gère en standard le HDR (pour High Dynamic Range). Cette dénomination de plus en plus répandue désigne diverses techniques visant toutes à améliorer la dynamique des image, c'est-à-dire l'écart de luminosité entres les zones les plus sombres et les zones les plus claires. Avantages : on distingue mieux des détails dans les parties sombres, même quand il y a un élément très lumineux dans l'image  (soleil, éclairage, etc.), et on profite de davantage de nuances de couleurs, avec un rendu plus "propre" et des dégradés plus "progressifs".

Toutefois, comme il n'existe pas une technologie de HDR universelle mais plusieurs, les organismes qui ont défini les spécifications de la TNT UHD pour la France, à savoir l'Arcom et le Forum AudioVisuel Numérique (le FAVN, ex-HD Forum), ont opté pour le HDR 10. Comme l'explique Pascal Fayard, chef de projet et formateur chez Synoptic, spécialiste de la diffusion et de la fibre optique, ce standard n'est pas le meilleur du marché sur le plan purement technique : ainsi, il code les couleurs sur 10 bits quand le Dolby Vision en utilise 12, ce qui fait une énorme différence en termes de rendu. Mais il a l'immense avantage d'être libre, et donc gratuit, et compatible avec de nombreux téléviseurs – y compris via une simple mise à jour logicielle –, quand le Dolby Vision est soumis à une licence payante, comme toutes les technologies développées par la célèbre société américaine. 

TNT UHD : du son bien mieux géré

On le voit, en combinant une très haute définition, le mode progressif et le HDR, la TNT UHD va apporter une très nette amélioration de la qualité d'image sur les flux TV. Mais le son n'a pas été complètement oublié pour autant dans cette évolution prometteuse. De fait, l'audio va profite d'un encodage en Dolby AC-4, un format moderne et souple, qui offre une meilleure qualité sonore que le format AC-3 utilisé actuellement grâce à une compression plus efficace, qui gère jusqu'à 12 canaux séparés, et qui assure aussi la compatibilité avec le Dolby Atmos pour le rendu spatial – le fameux son "immersif" qui plait tant aux marchands… Surtout, ce codec autorise une bien meilleure gestion des volumes des différentes pistes, avec à la fois un système de compression dynamique automatique et intelligente, qui adapte les niveaux aux contenus et aux appareils et, surtout, la possibilité pour l'utilisateur de doser l'équilibre entre les dialogues et les autres pistes (musique et bruits), grâce à une séparation des canaux. De quoi en finir, en principe, avec les brusques écarts de volume et les voix masquées par les effets spéciaux tonitruants dans les films à sensations. Sans compter l'intégration de plusieurs langues dans le même flux, pour les programmes multilingues.

Certes, on peut regretter que la TNT UHD utilise un codec audio propriétaire – et donc soumis à licence payante auprès d'une entreprise privée – plutôt qu'un format libre, ouvert et gratuit, mais il semblerait qu'il n'y ait rien d'équivalent sur le plan technique dans le domaine public – et que les arguments de Dolby soient plus convaincants auprès des autorités idoines… Par ailleurs, pour assurer une compatibilité avec un maximum téléviseurs actuels, les données AC-4 seront doublonnées au format AC-3+, une évolution du codec AC3 – également développé par Dolby – déjà utilisée pour la TNT HD.  

TNT UHD : une compression optimale

L'un des avantages non négligeables des codecs sélectionnés pour l'image et le son (HEVC/H.265 pour la vidéo et AC-4 pour l'audio donc), c'est leur pouvoir de compression de données : à qualité égale, les données encodées dans ces formats occupent beaucoup moins de place qu'avec d'autres codecs. Et c'est particulièrement intéressant pour véhiculer des flux audio-vidéo sur des canaux hertziens dont la bande passante est limitée par essence. Ainsi, même si les tests menés actuellement par France Télévisions exploitent un débit moyen d'environ 15 Mbit/s par chaîne, les émissions futures devraient pouvoir se contenter d'environ 10 Mbit/s, soit le double du débit moyen utilisé pour la TNT HD actuelle.

Rappelons au passage que, quelle que soit la norme employée, le débit d'une chaîne numérique n'est pas constant : il évolue en permanence selon la complexité des contenus, mais aussi en fonction des autres chaînes diffusées sur le même multiplex. Ainsi sur le multiplex R1, qui regroupe cinq chaînes, le débit varie entre 2 et 10 Mbit/s pour France 2 et entre 1 et 7 Mbit/s pour franceinfo, comme on peut le voir si le site spécialisé DigitalBBitrate, qui fourmille d'informations très techniques sur la diffusion audiovisuelle en numérique. Que les amoureux de belles images se rassurent : 10 Mbit/s – et même 5 Mbit/s – suffisent pour avoir une bonne qualité en HEVC/H.265 ! 

TNT UHD : un déploiement progressif sur le territoire

En pratique, pour recevoir les chaînes UHD, il faudra bien sûr disposer d'un téléviseur compatible, à savoir un modèle UHD (ou 4K, puisque c'est l'appellation popularisée par les fabricants et les marchands), doté d'un récepteur TNT à la norme DVB-T2 et capable de décoder des flux HEVC, ce qui est le cas de de la plupart des TV commercialisés depuis 2017 – et de certains antérieurs. Mais il faudra également être dans une zone couverte par un émetteur mis à niveau. Car si tout est prêt du côté des chaînes, les émetteurs TV doivent être adaptés pour passer à la TNT UHD. Une évolution qui sera évidemment progressive, d'où l'échéancier étalé du déploiement de la TNT UHD. À noter que certaines antennes collectives devront également être révisées et adaptées, pour ne pas filtrer la fréquence utilisée par le multiplex R9 de la TNT UHD. Bien entendu, il faudra procéder régulièrement à une recherche de chaînes sur le téléviseur pour pouvoir récupérer France et France en UHD le moment venu. petit détail appréciable : une fois les nouvelles chaînes détectées, et si le TV est compatible, France 2 basculera automatiquement en UHD quand on sélectionnera la 2 sur la télécommande ! Pour France 3, il faudra le faire manuellement. 

Quoi qu'il en soit, vous pouvez dès à présent vérifier si votre téléviseur est compatible en examinant sa fiche technique. Et même déjà goûter à la TNT UHD si vous avez la chance d'être à proximité d'un des émetteurs diffusant les chaînes de test de France Télévisions, sur le multiplex R9 (fréquence 498 MHz) !

TNT UHD : un avenir encore flou 

Une fois les JO terminés, France 2 conservera son autorisation de diffusion, mais pas France 3, qui n'utilisera l'UHD que temporairement. Le multiplex réservé à la TNT UHD restera actif, et sa bande passante sera redistribuée pour accueillir trois chaînes au lieu de deux. En plus de France 2, on devrait ainsi voir deux acteurs passer à l'ultra haute définition courant 2024 : en toute logique, même si aucune autorisation officielle n'a encore été accordée, il s'agirait de TF1 et de M6, deux chaînes majeures qui sont équipées en conséquence et qui diffusent déjà des boucles UHD sur leurs déclinaisons 4K, via les box Internet. mais c'est déjà une autre histoire, et il faudra attendre les futures décisions et autorisations de l'Arcom pour voir comment la TNT UHD évoluera dans les prochaines années. 

Rappelons enfin que la TNT n'est pas le seul moyen de voir des contenus en UHD. Certaines plateformes de streaming comment Netflix ou YouTube diffusent déjà des vidéos en 4K. Et les fournisseurs d'accès à Internet proposent quelques chaînes UHD à travers leur box (voir liste complète sur le site Ultra-4K). Des opérateurs qui seront en principe tenus de diffuser également les chaînes de France télévisions en UHD lorsqu'elles seront disponibles. Et l'UHD est aussi sur le satellite, via FranceSat, à condition d'avoir un module de réception compatible sur le téléviseur. Mais avec une évolution aussi lente, et malgré la généralisation des TV et des décodeurs adaptés, il faudra sans doute encore un bon moment avant que l'ultra haute définition s'installe massivement dans les foyers.