Apple condamné à une amende record de 1,8 milliard d'euros
La Commission européenne a condamné Apple à verser une amende record de 1,8 milliard d'euros pour abus de position dominante, en mettant en avant son propre service de musique en ligne, Apple Music, aux dépens de la concurrence.
Alors que le Digital Markets Act (DMA) s'apprête à rentrer en vigueur et que plus d'une trentaine d'entreprises, Spotify et Deezer en tête, fustigent la "politique déloyale" d'Apple concernant les nouvelles règles européennes – la firme à la pomme irait même jusqu'à "tourner en dérision" le DMA –, la Commission européenne vient de rendre sa décision quant à l'affaire anti-trust visant Apple Music. Résultat des courses : le géant de la tech est condamné à une amende record de 1,8 milliard d'euros pour "abus de position dominante" sur le marché de la distribution des applications de streaming musical, par le biais de l'App Store, depuis des années. Une sentence bien plus lourde que ce qui était estimé, puisqu'il s'agit de la troisième amende la plus élevée infligée par la Commission européenne dans son histoire. Pire : c'est la première qui sanctionne Apple pour avoir enfreint les lois européennes. Le régulateur espère que le montant sera "suffisamment dissuasif" pour faire rentrer Apple dans les rangs. Une décision qui est loin de plaire à la firme de Tim Cook…
Amende Apple : des pratiques anti-steering illégales et déloyales
L'histoire débute en 2019, lorsque Spotify porte plainte contre Apple, lui reprochant d'abuser de sa position dominante pour mettre en avant sa propre solution de streaming, Apple Music, au sein de son écosystème, et ce, au détriment de la concurrence. Après enquête, la Commission européenne reconnaît qu'il s'agit bien d'une affaire antitrust, mais n'en dit pas plus. Ce n'est qu'en 2023 qu'elle annonce qu'une sanction sera prononcée à l'encontre d'Apple. Sanction qui tombera finalement ce 4 mars 2024.
Plusieurs choses sont reprochées à la Pomme. Celle-ci oblige les services tiers à passer par son propre outil de paiement intégré à l'App Store, sur lequel elle prend soin de prélever une commission. Toute application tierce a d'ailleurs interdiction de mettre en avant un lien pour proposer de payer ailleurs – vers une page de son propre site permettant de souscrire directement un abonnement par exemple. Cerise sur le gâteau : les services tiers ont interdiction d'expliquer pourquoi un prix est plus cher sur l'App Store – puisque la commission de 15 à 30 % est souvent répercutée auprès des consommateurs, qui paient donc plus cher un même service auquel ils auraient souscrit depuis le Web.
Pour la Commission européenne, ces pratiques dites "anti-steering" sont des conditions commerciales déloyales étant donné qu'elles ne sont "ni nécessaires ni proportionnées" pour la protection des intérêts commerciaux d'Apple. Le comportement de ce dernier affecte négativement les utilisateurs sur iOS, "qui ne peuvent décider de manière éclairée et efficace où et comment acheter des abonnements". Le régulateur européen estime que de nombreux utilisateurs ont payé des prix "nettement plus élevés pour les abonnements [à des services de streaming]" à cause de la commission prélevée par Apple. Il va même plus loin, estimant que ces pratiques ont entraîné un "préjudice moral" car les utilisateurs ont dû se lancer dans des "recherches fastidieuses" pour trouver de meilleures offres.
"Pendant une décennie, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d'applications de streaming musical par l'intermédiaire de l'App Store", a déclaré Margarethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne. "Elle l'a fait en empêchant les développeurs d'informer les consommateurs sur les autres services musicaux, moins chers, disponibles en dehors de l'écosystème Apple." Le montant de l'amende a été déterminé en prenant en compte la durée et la gravité de l'infraction ainsi que le chiffre d'affaires et la capitalisation boursière d'Apple – qui est quand même la société la plus valorisée au monde.
Amende Apple : la Pomme s'en prend à Spotify
La nouvelle a du mal à passer auprès d'Apple, pour qui "la décision a été rendue par la Commission malgré l'absence de preuves crédibles de préjudice causé aux consommateurs, et sans tenir compte des réalités d'un marché prospère, concurrentiel et en forte croissance". Dans son communiqué, la firme s'en prend directement à Spotify, qui est à l'origine de la plainte devant la Commission. Elle rappelle que "Spotify détient aujourd'hui 56 % des parts de marché en Europe sur le streaming musical — plus du double de son concurrent le plus proche — et ne verse rien à Apple au titre des services qui l'ont aidé à devenir l'une des marques les plus reconnues au monde. Une grande partie de son succès est due à l'App Store ainsi qu'à tous les outils et technologies qu'utilise Spotify pour développer, mettre à jour et partager son app avec les utilisateurs Apple du monde entier." Pour la Pomme, il s'agit tout simplement d'un chantage d'une application téléchargée 119 milliards de fois. "Mais la gratuité ne suffit pas à Spotify. Ils veulent aussi réécrire les règles de l'App Store – d'une manière qui les avantage encore plus", fustige-t-elle.
Avec l'entrée en vigueur du DMA le 6 mars prochain, des changements ont d'ores et déjà été annoncés au sein de l'App Store. Ainsi, Apple va autoriser les utilisateurs à installer des applications en dehors de l'App Store, sans avoir à payer la commission donc. Mais l'entreprise a pris soin de mettre en place quelques protections pour ne pas perdre son monopole. Ainsi, pour les développeurs qui choisiraient de distribuer leur app soit uniquement en dehors de l'App Store, soit en combinaison avec celui-ci, une taxe supplémentaire, nommée Core Technology Fee (CTF), leur sera apposée. Ainsi, si l'application dépasse le million d'installations, chaque téléchargement supplémentaire (mises à jour incluses) sera facturée 0,5 € à l'éditeur. Autant dire que le système n'est pas très avantageux pour les géants comme Spotify. Apple a bien entendu annoncé qu'il fera appel de la décision de la Commission européenne. On saura la suite de l'histoire dans quelques années !