TikTok Lite : vous ne pouvez plus gagner de l'argent en regardant des vidéos
Gagner de l'argent en regardant de vidéos : c'est ce que proposait TikTok avec une nouvelle version de son appli qui récompense le temps d'écran en bons d'achat. Mais face à la pression de l'UE, la fonction a été définitivement supprimée.
Vous aussi vous avez l'habitude, dès que vous avez un moment, de vous divertir en regardant des vidéos sur TikTok ? En même temps, l’algorithme de la plateforme fait parfaitement son travail en proposant un flux personnalisé qui correspond parfaitement à vos envies. Résultat : vous passez plusieurs heures par jour à faire défiler les contenus, et ce, sans même vous en apercevoir. ByteDance, l'entreprise derrière le réseau social chinois, avait décidé de pousser le concept plus loin . Imaginez gagner de l'argent en vous connectant sur TikTok, en y faisant défiler des vidéos ou en les "likant". C'est ce que proposait TikTok Lite, la nouvelle application mise en ligne en toute discrétion à la fin du mois de mars en France et en Espagne par le géant chinois.
Mais la Commission européenne vient de mettre un clap de fin définitif à cette fonction de "récompense", comme l'a annoncé, ce lundi 5 août, Thierry Breton sur X. "Nous avons obtenu le retrait définitif du programme de récompenses #TiktokLite qui aurait pu avoir des conséquences très addictives", s'est félicité le commissaire européen au Numérique. "Le temps de cerveau disponible des jeunes Européens n'est pas une monnaie d'échange pour les réseaux sociaux", pointant les "conséquences très addictives" qu'aurait pu avoir un tel système de récompenses.
The available brain time of young Europeans is not a currency for social mediaand it never will be
— Thierry Breton (@ThierryBreton) August 5, 2024
We have obtained the permanent withdrawal of #TikTokLite rewardsprogram, which could have had very addictive consequences.
The #DSA effect in full swing pic.twitter.com/GS8i0shLVK
TikTok Lite : rémunérer votre temps de cerveau disponible
Présentée comme une version moins gourmande en données et en espace de stockage du réseau social original – de même qu'il existe une appli Facebook Lite –, TikTok Lite propose une interface presque identique à celle de sa grande sœur, avec son flux de vidéos à faire défiler de façon ininterrompue. À une exception près. En effet, on y trouvait un onglet "Récompenses" ainsi qu'un système de pièces virtuelles à accumuler – un peu comme dans certains jeux mobiles – : 300 jetons pour l'inscription, 4 500 supplémentaires si vous vous connectiez quotidiennement pendant dix jours, 4 200 pièces lorsque vous regardez 25 minutes de vidéo, 150 jetons si vous suiviez trois créateurs ou que vous likez trois vidéos… Le tout avec des paliers de récompense et une jauge omniprésente à l'écran, qui se remplissait au fil du temps de visionnage.
Ces pièces étaient ensuite échangeables contre des bons d'achat ou des chèques-cadeaux sur différents sites – seulement sur Amazon et PayPal au départ –, mais aussi pour récompenser les créateurs de contenu du réseau social, par le biais de cadeaux virtuels. Autant dire que vous allier devoir beaucoup scroller avant de pouvoir vous payer quelque chose, car10 000 pièces étaient équivalentes à seulement un euro…
TikTok Lite : l'entreprise forcée de faire marche arrière
Il n'est donc guère étonnant que TikTok Lite ait immédiatement suscité de nombreuses inquiétudes, de par le message dangereux qu'il envoyait et le risque renforcé d'addiction qu'il présentait. D'autant plus que mettre en place une incitation financière à la surconsommation de contenus semblait aller complètement à l'encontre des recommandations de prudence vis-à-vis du temps d'écran et des comportements addictifs liés aux réseaux sociaux, notamment chez les plus jeunes. ByteDance avait beau assurer que le système de rémunération était réservé aux plus de 18 ans et qu'il avait mis en place des moyens de vérification – un selfie avec une pièce d'identité, un selfie vidéo ou une autorisation de carte bancaire était nécessaire pour convertir les pièces en bons d'achat –, nous savions tous à quel point ces restrictions sont faciles à contourner…
Aussi, la Commission européenne avait ouvert lundi 22 avril une enquête à propos de la nouvelle application, menaçant de suspendre dès le jeudi 25 avril la fonction qui récompense le temps passé sur la plateforme. Elle avait estimé que le mécanisme posait "des risques graves pour la santé mentale des utilisateurs". D'ailleurs, ByteDance n'avait pas communiqué à Bruxelles, avant son lancement, une évaluation des risques, conformément à ses obligations dans le cadre de la nouvelle législation sur les services numériques (DSA).
Face à la pression, le réseau avait annoncé suspendre "volontairement" la fonction, de façon temporaire. Dans un communiqué publié le 24 avril, le réseau social avait déclaré : "TikTok cherche toujours à s'engager de manière constructive avec la Commission européenne et les autres régulateurs. Nous suspendons donc volontairement les fonctions de récompense dans TikTok Lite pendant que nous répondons aux préoccupations qu'elles ont soulevées".
Visiblement, la réponse n'a pas été satisfaisante. En France, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a salué cette décision, résultat, selon elle, d'une "collaboration fructueuse" entre la Commission européenne et ses partenaires. "Ce retrait définitif d'une fonctionnalité, qui induisait un risque accru de dépendance, notamment pour les mineurs, témoigne de la capacité de la Commission européenne et des régulateurs nationaux à exiger des acteurs numériques un comportement plus responsable, y compris par la modification des fonctionnalités de leurs services", indique-t-elle dans son communiqué. Une réelle victoire, qui montre le succès du règlement sur les services numériques.