Fact-checking et fake news : Google avance, Meta recule

Fact-checking et fake news : Google avance, Meta recule

Alors que la désinformation en ligne se multiplie, Google déploie plusieurs outils de vérification (fact-checking) afin de nous aider à repérer les fake news. Et Meta supprime CrowdTangle, son logiciel d'analyse de la désinformation sur ses réseaux sociaux.

Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux sont plébiscités par les internautes pour connaître en quelques secondes les informations en provenance du monde entier, que ce soit pour connaître la météo du lendemain ou essayer de comprendre les troubles politiques qui agitent le pays. Toutefois, face à la quantité de sources disponibles, on peut vite se retrouver perdu et avoir du mal à déterminer les données fiables et pertinentes. Et certains acteurs jouent là-dessus afin de propager des fake news et d'infléchir l'opinion publique, notamment lors des élections.

Face au fléau de la désinformation, les plateformes adoptent des attitudes radicalement différentes. Certains s'efforcent de mettre en place des outils permettant de détecter des informations ou des images trompeuses. C'est le chemin qu'emprunte Google, qui a annoncé dans un billet de blog publié le 2 avril le déploiement d'une série de fonctions pour son moteur de recherche permettant de "décoder rapidement les informations" apparaissant dans les résultats et de "comprendre le contexte des informations que l'on peut apercevoir en ligne". En revanche, d'autres n'en ont cure. C'est le cas de Meta, qui nous fait une Elon Musk en décidant de supprimer CrowdTangle, son logiciel considéré comme essentiel pour repérer et analyser la désinformation sur Facebook et Instagram, qui ne sera plus accessible à partir du 14 août prochain. Une décision vivement critiquée et incompréhensible, alors que les élections américaines approchent à grands pas.

Recherche Google : de nouveaux outils de fact-checking pour les internautes français

Google avait déployé l'année dernière plusieurs outils de fact-checking destinés à permettre aux internautes de juger, en quelques secondes, de la crédibilité d'un site, d'une information, ou d'une image apparaissant dans ses résultats de recherche. Ils n'avaient toutefois été déployés que pour les pays anglophones. Ils sont aujourd'hui accessibles dans plus de quarante langues, dont le français. Le premier outil prend la forme d'un module baptisé "À propos de ce résultat" , qui s'ouvre en cliquant sur les trois petits points à droite du résultat de recherche. Il est chargé de fournir à l'internaute des renseignements sur l'identité du site – les informations sont généralement issues de Wikipédia et de l'avis des utilisateurs – ainsi que sa date d'indexation sur Google. Lancé en 2021 en anglais et désormais présent sur le moteur de recherche français, il a pour but de permettre à l'utilisateur d'identifier plus facilement les sources de confiance et de comprendre l'origine des informations.

© Google

Le géant d'Internet en profite pour étendre la fonction "À propos de cette image", qui avait également été déployée l'année dernière en anglais, à d'autres langues, dont le français. Son principe est semblable à celui de "À propos de ce résultat" : en appuyant sur les trois points associés à une photo ou une illustration dans Google Images, ou sur "Plus d'informations sur cette page" dans l'outil "À propos de ce résultat" des résultats de recherche, les utilisateurs auront accès à son historique, ce qui permettra de déterminer si celle-ci ou une image similaire ont été publiées auparavant par d'autres sites, comment les autres sources utilisent et décrivent l'image, ainsi que ses métadonnées.

© Google

L'outil Fact Check Explorer quitte enfin sa phase bêta ! Principalement adressé aux journalistes, aux spécialistes du fact-checking et aux créateurs de contenu, il permet de consulter "des articles de fact-checking produits par des organisations indépendantes venant du monde entier" par le biais d'un moteur de recherche dédié, mais aussi de télécharger ou de copier le lien d'une image pour voir si elle a été utilisée dans une vérification des faits existante. Google précise qu'elle va davantage en avant des articles de fact-checking "publiés par des sources indépendantes, fiables et faisant autorité sur le web" au sein d'un encart dédié. "Si un article de fact-checking semble pertinent par rapport à votre requête, un aperçu de celui-ci pourrait apparaître dans vos résultats de recherche", ajoute Google. "Les résultats incluront des extraits pour que vous puissiez rapidement comprendre le contexte d'une affirmation".

CrowdTangle Meta : le logiciel contre la désinformation en ligne tire sa révérence

De son côté, Meta a annoncé dans un billet de blog qu'il allait mettre CrowdTangle, un logiciel considéré comme essentiel pour repérer et analyser la désinformation sur Facebook et Instagram, hors service le 14 août prochain. Pour rappel, il a été racheté par l'entreprise de Mark Zuckerberg en 2016 et permet aux chercheurs et aux journalistes de suivre la manière dont les contenus se propagent sur les réseaux sociaux, ce qui permet in fine de lutter contre la désinformation. Une décision incompréhensible, alors que pas moins de soixante-seize élections auront lieu dans le monde cette année. Lors des précédentes élections, le logiciel avait pourtant permis de suivre en temps réel la propagation de théories du complot, d'incitations à la violence ou de campagnes de manipulation pilotées de l'étranger. Par exemple, lors des élections en Louisiane de 2019, le logiciel avait permis de détecter de mauvais horaires d'ouverture des bureaux de vote qui circulaient sur les réseaux. De plus, CrowdTangle propose des tableaux de bord pour suivre ce que les principaux candidats publient sur leurs pages officielles et de campagne.

"En cette année où près de la moitié de la population mondiale est appelée à voter, la suppression de l'accès à CrowdTangle limitera considérablement la surveillance indépendante des dommages" causés par la désinformation, déplore Melanie Smith, directrice de recherche de l'Institute for Strategic Dialogue, auprès du Figaro. "Il s'agit d'une grave régression pour la transparence sur les réseaux sociaux". Étrangement, la décision de Meta survient après que de nombreux journalistes ont utilisé CrowdTangle pour rapporter des informations peu flatteuses pour l'entreprise, notamment au sujet de ses difficultés à modérer les contenus sur ses plateformes et sur l'abondance de jeux piratés présents sur son application de jeux vidéo...

Pour remplacer CrowdTangle, Meta a annoncé la création d'une nouvelle bibliothèque de contenus qui contiendra, selon le porte-parole du groupe, Andy Stone, "des données plus complètes que CrowdTangle" et qui sera mise à la disposition des universitaires et des organisations électorales à but non lucratif – mais pas à celle des médias à but lucratif... De nombreux experts contestent la remplaçante, à commencer par l'ancien directeur général de CrowdTangle Brandon Silverman, qui note que le nouveau programme est encore en cours de développement : "C'est une toute nouvelle technologie que Meta doit encore construire pour protéger l'intégrité des élections". De son côté, la fondation Mozilla a demandé dans une lettre ouverte à Meta que le service soit conservé au moins jusqu'en janvier 2025. "L'abandon de CrowdTangle alors que la bibliothèque de contenus est dépourvue d'une grande partie des fonctions de base de CrowdTangle porte atteinte au principe fondamental de transparence"  et constitue une "menace directe" pour l'intégrité des élections. Peine perdue...