Apple, Meta, Google suspects : l'UE mène l'enquête pour non-respect du DMA

Apple, Meta, Google suspects : l'UE mène l'enquête pour non-respect du DMA

La Commission européenne lance plusieurs enquêtes sur Meta, Apple et Google pour voir s'ils respectent bien le DMA. Les dernières mesures mises en place par ces géants du numérique pour s'y conformer laissent pour l'instant dubitatif…

Il n'aura pas fallu attendre longtemps ! Seulement deux semaines après l'entrée en vigueur du Digital Market Act (DMA), plusieurs grands contrôleurs d'accès se font déjà épingler par la Commission européenne. Pour rappel, le DMA a pour but de mieux encadrer les entreprises du numérique, notamment les GAFAM, et leurs activités dans l'Union européenne, afin de prévenir les abus dus à leur position dominante. Il doit permettre de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles, d'éviter que ces entreprises ne favorisent leurs propres services au détriment de ceux d'autres acteurs du marché, de favoriser l'innovation et de mieux protéger les utilisateurs et les consommateurs. La nouvelle législation a d'ailleurs entraîné tout un tas de changements du côté des services des grandes entreprises du numérique (voir notre article). Reste que la Commission européenne semble bien décidée à se faire respecter ! Celle-ci a décidé de lancer une série de cinq enquêtes sur Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), Apple et Alphabet (Google) pour non-respect des règles du DMA.

"Depuis des mois, nous discutons avec les grands contrôleurs d'accès pour les aider à s'adapter, et nous pouvons déjà observer des changements sur le marché. Mais nous ne sommes pas convaincus que les solutions proposées par Alphabet, Apple et Meta respectent leurs obligations en faveur d'un espace numérique plus équitable et plus ouvert pour les citoyens et les entreprises de l'Union européenne", explique Thierry Breton, commissaire au marché intérieur. "Si notre enquête devait conclure à un manque de conformité totale avec le DMA, les grands contrôleurs d'accès pourraient se voir infliger de lourdes amendes."

Non-respect du DMA : des amendes qui risquent d'être salées

Tout d'abord, Google est soupçonné d'avoir exploité le monopole de son moteur de recherche pour favoriser ses propres services (comme Google Shopping, Flights et Hotels). Un problème qui lui avait déjà valu une amende de 2,4 milliards d'euros en 2017, mais les solutions proposées n'ont jamais été jugées concluantes. Avec l'entrée en vigueur du DMA, Google s'est efforcé de laisser plus de place à la concurrence, en proposant davantage de liens vers des sites de comparaison et en ajoutant des raccourcis pour que l'on puisse affiner notre recherche à la place de son outil de comparaison intégré aux résultats (voir notre article). Reste à voir si ce sera suffisant.

Alphabet est également, avec Apple cette fois, visé pour des restrictions dans son magasin d'applications. La pomme a d'ailleurs été condamnée début mars à une amende de 1,8 milliard d'euros pour abus de position dominante, en mettant en avant son propre service de musique en ligne, Apple Music, aux dépens de la concurrence. De plus, leurs mesures dites "anti steering", soit des conditions commerciales déloyales, pourraient empêcher les développeurs de communiquer librement avec leurs utilisateurs sur des offres plus intéressantes en ligne — donc en dehors de l'application et du système de paiement intégré des deux entreprises, qui sont soupçonnées de continuer d'imposer des restrictions et des limitations aux développeurs.

Mais Bruxelles n'en a pas fini avec Apple et compte bien enquêter sur la possibilité de désinstaller facilement des applications, de modifier les applis et les services par défaut dans iOS, et de sélectionner un autre navigateur et un autre moteur de recherche par défaut. "La Commission est préoccupée par le fait que les mesures d'Apple, y compris la conception de l'écran de choix du navigateur Web, pourraient empêcher les utilisateurs d'exercer véritablement leur choix de services au sein de l'écosystème Apple", explique la Commission européenne. Se pose également la question de la structure tarifaire et des conditions que l'entreprise a mises en place pour les boutiques alternatives. En effet, avec le DMA, Apple autorise maintenant les utilisateurs à installer des applications en dehors de l'App Store, sans avoir à payer la commission donc. Mais la firme a pris soin de mettre en place quelques protections pour ne pas perdre son monopole. Ainsi, pour les développeurs qui choisiraient de distribuer leur app soit uniquement en dehors de l'App Store, soit en combinaison avec celui-ci, une taxe supplémentaire, nommée Core Technology Fee (CTF), leur sera apposée. Ainsi, si l'application dépasse le million d'installations, chaque téléchargement supplémentaire (mises à jour incluses) sera facturé 0,5 € à l'éditeur. Autant dire que le système n'est pas très avantageux pour services ayant un déjà un nombre élevé d'utilisateurs...

Enfin, la Commission européenne a ouvert une enquête sur Meta et son abonnement payant si décrié. Pour rappel, l'entreprise propose désormais aux utilisateurs un abonnement payant pour s'affranchir de la publicité et de la collecte de données (voir notre article). Ils peuvent choisir de débourser 9,99 €/mois pour ne pas être "traqués" sur la version Web des réseaux sociaux de Meta, ou 12,99 €/mois sur les applications mobiles Android et iOS. Cet abonnement unique lie les comptes Facebook, Instagram ou tout autre identifiant inscrit dans l'espace "Comptes" de Meta. Autant dire qu'à ce tarif, la majorité des utilisateurs doit sans doute préférer rester sur la version gratuite de ces plateformes... L'uFC-Que Choisir et d'autres associations ont d'ailleurs porté plainte auprès de la CNIL à ce sujet.

L'exécutif européen espère conclure ces procédures dans un délai maximum de douze mois. Le nouveau règlement prévoit des amendes pouvant s'élever jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires annuel mondial du groupe concerné et jusqu'à 20 % en cas de récidive ! La Commission européenne pourra également prononcer des astreintes allant jusqu'à 5 % de son chiffre d'affaires quotidien mondial total. Cela représente pour les GAFAM des dizaines de milliards d'euros ! Dans le cas où la firme commettrait au moins trois violations sur huit ans, la Commission pourra ouvrir une enquête de marché et, si besoin, "imposer des mesures correctives comportementales ou structurelles". Ainsi, elle pourra lui interdire de racheter d'autres entreprises sur une période donnée ou l'obliger à céder une activité (vente d'unités, d'actifs, de droits de propriété intellectuelle ou de marques). Cette fois, c'est sûr, on ne rigole plus !