Crush : pourquoi cette appli de rencontre pour ados pose problème

Crush : pourquoi cette appli de rencontre pour ados pose problème

Destinée aux 10-21 ans, l'application Crush propose aux jeunes de découvrir qui a un "coup de cœur" pour eux grâce à des sondages interactifs. Une appli promue par une célèbre influenceuse sans prendre en compte les risques qu'elle implique…

Les adolescents raffolent des réseaux sociaux, que ce soit pour garder contact avec leurs amis, partager leurs passions, suivre leurs idoles, rencontrer de nouvelles personnes ou tout simplement s'amuser. Mais si les parents connaissent généralement les dangers de Facebook, TikTok, Instagram ou encore Snapchat, certains réseaux leur sont plus osbcurs. Cette fois, tous les projecteurs sont braqués sur Crush – un mot qui signifie "coup de cœur" et désigne quelqu'un pour qui on ressent une attirance –, une application mobile avec une flamme violette pour logo et un concept simple : "Trouver qui crush sur toi en secret"

L'application aurait pu passer inaperçue au sein du Play Store et de l'App Store, mais l'influenceuse Ophenya, 24 ans, dont la communauté est en grande majorité constituée de mineurs, a fait une série de vidéos et de lives sur TikTok – où elle compte presque cinq millions d'abonnés – pour promouvoir cette appli au côté du fondateur, Marc Allain. Outre le fait que celle que l'on surnomme "la Cupidon des cœurs" n'ait fait apparaître à aucun moment la mention "collaboration commerciale", qui est pourtant obligatoire depuis que la loi influenceur a été votée (voir notre article), le concept même de l'application a immédiatement soulevé un véritable tollé. Sur le papier, elle aide les jeunes collégiens et lycéens à trouver qui dans sa classe ou dans son établissement a un faible pour l'autre – ah, les papillons des premiers émois ! – en répondant à des sondages anonymes. Sauf que cette appli de "rencontres" met en relation des utilisateurs de 10 à 21 ans, faisant craindre des risques importants de pédophilie…

Crush : une application de rencontres pour les 10-21 ans

Outre le fait que l'âge minimal pour aller sur les réseaux sociaux est censé être de 13 ans – donc dès le départ, l'application n'est pas en règle –, le concept est problématique en raison de la fourchette d'âge : certains utilisateurs sont tout juste en CM2, tandis que d'autres sont déjà bien insérés dans la vie active ! La différence d'âge et de maturité est tout simplement énorme ! "Ce genre d'application de rencontres qui fait cohabiter enfants et adultes laisse place à un réel risque de pédocriminalité", a alerté Neila Moore, fondatrice de la Team Moor, un collectif qui chasse les prédateurs sexuels en lignes, sur Le Parisien.

Sans compter que l'application n'offre pas véritablement de protection. Tout d'abord, il n'y a aucune vérification d'âge, il suffit de remplir le champ avec le nombre que l'on veut. Ensuite, il faut synchroniser ses contacts, activer sa géolocalisation et renseigner son établissement scolaire, sans, bien évidemment, aucune vérification d'identité. Cerise sur le gâteau : l'application est payante ! L'utilisateur peut répondre à un sondage (avec qui aimes-tu faire du sport, quelle est la personne pour qui tu écrirais des chansons, qui admires-tu en secret…) en sélectionnant le nom d'une personne. La personne sélectionnée reçoit alors une flamme violette. Pour découvrir qui le lui a envoyée – et a donc un coup de cœur sur elle – et pouvoir répondre à plus de sondages, il faut passer à la caisse. Pour la modique somme de 3,99 € par semaine (!), le mode "Divinité" offre deux révélations de noms – en plus de la première gratuite –, une alerte crush secret et une apparition plus fréquente dans le sondage des autres. Une somme plutôt importante pour de jeunes adolescents…

Crush devient Friendzy : une appli contre le harcèlement scolaire ?

Le créateur de Crush a tenu à se justifier auprès de plusieurs médias et à expliquer le principe de l'application. "Mon objectif avec Crush, c'est de lutter contre le harcèlement scolaire en incitant les jeunes d'un même établissement à se faire des compliments via des sondages positifs", a-t-il assuré sur Le Figaro"Je n'ai jamais pensé l'application comme une application de rencontres, mais comme une application de lutte contre le harcèlement scolaire. L'objectif était de permettre aux adolescents d'envoyer des compliments à leurs amis ou aux personnes plus isolées dans leurs classes. Mais il fallait rendre l'application plus sexy pour que les élèves aient envie de s'y rendre", justifie-t-il au Parisien. Il insiste d'ailleurs sur le fait qu'il est impossible de rentrer en contact avec un autre utilisateur en envoyant un message direct, ce qui garantirait la sécurité de l'application. "Même, au pire des cas, si Michel, 45 ans, arrive sur l'application, le pire qu'il puisse faire c'est de répondre à des sondages anonymes sur des gens qu'il ne connaît pas uniquement avec leur prénom". Reste que l'utilisateur dévoile de très nombreuses informations personnelles : son âge, sa localisation, son établissement, son niveau d'étude, ses comptes sur les réseaux sociaux… Une mine d'informations non négligeable pour toute personne mal intentionnée qui la téléchargerait. Plus de 8 000 personnes ont déjà signé une pétition pour faire bannir l'application du Play Store et de l'App Store.

À la suite de cette polémique, Marc Allain a tenté de corriger ces erreurs et a modifié son application. Crush a depuis été rebaptisé Friendzy et la couleur de son arrière-plan est passée du violet au bleu, puis au jaune. La tranche d'âge des utilisateurs a également été passée à 13-25 ans. Une approche plus prudente de la part du développeur, qui a cette fois mis l'accent sur la convivialité et le divertissement et s'est éloigné de l'aspect "application de rencontres", en essayant de gommer toute dimension de séduction. "Réponds à des sondages anonymes sur tes potes, reçois des flammes chaque fois que quelqu'un te choisit, fais marrer tes potes !" peut-on lire en description. De plus, la géolocalisation et l'option payante semblent avoir été désactivées pour l'instant.

Les craintes liées à l'application ne viennent pas de nulle part. Tel qu'il est initialement présenté, Crush n'est pas sans rappeler le site Rencontre Ados, qui propose aux 13-25 ans (!) d'entrer en contact avec d'autres adolescents et qui, en réalité, accueille essentiellement des délinquants sexuels et des pédophiles, à la recherche de jeunes proies sans défense (voir notre article). Sans compter que de nombreuses plateformes, en apparence inoffensives, sont en réalité de véritables nids de prédateurs, à l'image de Discord et des plateformes comme Omegle, Bigo ou Coco (voir notre article).