Autorisations abusives de TikTok : le réseau social sait tout de vous !

Autorisations abusives de TikTok : le réseau social sait tout de vous !

TikTok continue d'inquiéter. Et ce n'est pas la commission d'enquête sénatoriale qui va nous rassurer ! Les réponses des deux représentants de la société, en plus d'être à côté de la plaque, confirment une collecte des données abusive…

TikTok récolte chaque seconde une quantité phénoménale de données personnelles de ses utilisateurs. Pour utiliser le réseau social, il faut accepter de lui faire confiance aveuglément. Et espérer qu'il n'exploite pas le potentiel de ces véritables mines d'or tout en assurant leur sécurité. Et quand les tensions politiques s'en mêlent, notamment pour savoir si oui ou non la plateforme entretient des liens avec le gouvernement chinois, les choses se compliquent ! Et c'est sans compter les études qui ont démontré que les réseaux sociaux avaient un lourd impact sur la santé mentale des plus jeunes. Sur ce point, TikTok est particulièrement connu pour son addictivité, avec ses courtes vidéos qui se "consomment" à la chaîne, et la dangerosité de ses "challenges" que relèvent certains utilisateurs.

Aussi, depuis le 8 juin, des représentants de TikTok sont entendus par la Commission d'enquête Influence du Sénat, dont le but est de s'assurer que le réseau social "n'est pas un instrument potentiel de désinformation ou de manipulation au profit de régimes non démocratiques, ni que son utilisation est sûre au regard de la nécessaire protection des données", pour reprendre les mots de Claude Malhuret sur le site du Sénat. Durant cette audition, Éric Garandeau, directeur des affaires publiques de TikTok, et Marlène Masure, directrice générale des opérations France, Benelux et Europe du Sud, ont tenu à défendre le réseau social sur plusieurs points. Et leurs réponses ne sont ni claires, ni convaincantes, ni rassurantes…

TikTok : quel est le lien de la plateforme avec la Chine ?

L'un des nerfs de la guerre a bien évidemment concerné les liens de TikTok avec le gouvernement chinois. En effet, même si ByteDance – son éditeur – dément fermement que les données puissent être collectées par les autorités chinoises, la firme est bel et bien membre de la Fédération chinoise des sociétés de l'Internet. Or, comme l'indiquent les statuts de cette organisation, chaque société adhérente s'engage à suivre "la voie de Xi Jinping" – l'actuel président de Chine – tout en acceptant d'être supervisée par l'administration chinoise du cyberespace – l'institution chinoise chargée de la surveillance et de la censure du Web. Et ce, même si Éric Garandeau affirme que l'entreprise n'est pas concernée par la juridiction chinoise, ByteDance se situant aux îles Caïmans. Le 23 mars, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, avait été auditionné par le Congrès américain et avait fini par avouer que des données personnelles étaient bel et bien consultées par certains employés en Chine – chose qu'il avait déjà révélée en novembre 2022 (voir notre article). Une fonction en particulier, qui permet aux employés de "pousser" une vidéo via un bouton pour la rendre virale, fait craindre qu'elle puisse être utilisée pour mettre en avant des messages politiques.

Une fois encore, TikTok a nié la chose, et Éric Garandeau a rétorqué que seul 0,0006 % des contenus mis en avant l'étaient par cette méthode, comme le rapporte Radio France. Il a également rappelé que la plateforme était interdite en Chine continentale et que la liberté d'expression – y compris politique – était totale sur le réseau social. Une réponse qui n'a pas vraiment convaincu les sénateurs, qui ont rappelé que les réseaux sociaux des GAFAM étaient également interdits, tout en soulevant que ByteDance possédait une application clone de TikTok – avec les mêmes algorithmes et pratiques –, baptisée Douyin, qui est quant à elle bien opérationnelle sur le continent.

Autorisations abusives TikTok : une collecte de données hallucinante

Autre problème pointé du doigt par la Commission : le nombre hallucinant d'autorisations demandées par TikTok pour fonctionner sur un smartphone. Pourtant, pour Marlène Masure, "quand on se rend sur les stores, Google Play ou Apple Store, vous avez la possibilité de voir quelles sont les données collectées par chaque plateforme. C'est intéressant de regarder parce que TikTok est l'une des plateformes qui collectent le moins de données. […] On a une transparence totale sur les données collectées", assure-t-elle, défendant également la "capacité, pour l'utilisateur, à être en contrôle d'une bonne partie de ses données".

Pourtant, l'organisation Exodus Privacy y a détecté cinq pisteurs obligatoires et quarante autorisations facultatives, donc certaines considérées comme potentiellement dangereuses. Cela inclut toutes les applications installées sur le téléphone, la géolocalisation de l'appareil via GPS et réseau, des informations détaillées sur le système d'exploitation de l'appareil, l'accès à l'agenda, ainsi que l'accès au presse-papier. Des demandes qui outrepassent largement celles d'un simple réseau social et qui ne sont absolument pas nécessaires pour faire fonctionner l'application. Plus préoccupant encore, seules seize de ces autorisations figureraient sur les conditions générales de la plateforme. Même si l'entreprise a répété à de maintes reprises que les internautes étaient en mesure de télécharger leurs données dès qu'ils le souhaitaient, elle a oublié de dire qu'il s'agissait d'un dispositif obligatoire en France et que les fichiers au format .JSON étaient souvent inexploitable par le grand public.

Addiction TikTok : des mesures jugées insuffisantes

Enfin se pose la question de l'addiction générée par le réseau social. En effet, selon le Sénat, les mineurs ont passé en moyenne 1h47 par jour dessus en 2022. Comme le rapporte BFMTV, le rapporteur de la commission d'enquête Claude Malhuret, qui est médecin, explique avoir "parlé avec des experts, des psychiatres, des psychologues, des familles, des associations : je peux vous le dire, ça ne va pas du tout". "La réalité, ce sont des mômes qui ne dorment plus, des vidéos qui défilent, c'est de l'addiction. […] On a parlé avec des familles qui ne savent absolument pas quoi faire", alerte-t-il.

Marlène Massure a tenu à rappeler les différentes mesures mises en place pour préserver les plus jeunes, comme la suppression des comptes utilisateur suspectés d'être âgé de moins de 13 ans, l'interdiction d'accéder à la messagerie instantanée avant 16 ans ou encore la limite de visionnage de soixante minutes par jour (voir notre article). Il s'agit d'une notification qui peut être désactivée et n'empêche nullement le mineur de rester sur l'application, même si la directrice générale des opérations France affirme que trois quarts des moins de 18 ans ne l'ont pas désactivée. Mais combien d'utilisateurs ferment réellement le réseau social lorsqu'ils la reçoivent ? Et ce n'est pas avec l'arrivée prochaine de Tako, un chatbot nourri à l'IA destiné à conseiller les utilisateurs dans le choix de vidéos à regarder, que les choses risquent de s'améliorer...

Le chatbot Tako © TikTok

Ce n'est pas la première fois que TikTok a des démêlés avec la justice. Le réseau social est déjà interdit en Inde et fait l'objet d'une interdiction d'utilisation chez les fonctionnaires aux États-Unis – l’État du Montana a carrément banni l'application, et le gouvernement de Joe Biden cherche à en faire de même sur tout le territoire. En France, les réseaux sociaux, les services de streaming et les jeux mobiles sont depuis fin mars officiellement interdits sur les smartphones professionnels des fonctionnaires français (voir notre article).