Non, il n'y aura pas de loi pour limiter les data dans les forfaits mobile

L'information a généré de vives réactions sur les réseaux sociaux comme chez les opérateurs. Il serait question d'une tarification progressive des forfaits téléphoniques pour limiter les data. Mais il ne s'agit pas d'une future loi, juste d'une idée mal interprétée.
L'affaire agite les opérateurs et le public depuis quelques jours. Il serait question de limiter le volume de données disponibles dans les forfaits téléphoniques, ou, plus exactement, d'instaurer une tarification progressive. Une petite révolution dans le monde la téléphonie en France, où les forfaits sont de plus en plus généreux en data. Saut que tout est parti d'une remarque mal comprise de l'Ademe, l'agence de la transition écologique : et il n'est nullement question d'une loi à ce sujet. Explications.
Data des forfaits mobiles : des gigas à gogo
La bataille fait rage entre les opérateurs ! Depuis la rentrée 2024, les petits comme les grands se livrent une véritable guerre des prix avec des forfaits généreux proposés à des tarifs jamais vus. On assiste même à des baisses spectaculaires et, au final, on en a toujours plus pour moins cher. C'est bien simple, on peut s'offrir un forfait illimité avec 200 et même 300 Go de data pour moins de 15 euros par mois chez Réglo Mobile, You Price, NRJ Mobile, Cdiscount Mobile ou Auchan Télécom, entre autres. Chez les gros opérateurs, les datas s'envolent aussi. Chez Bouygues Telecom, il est possible de profiter de 300 Go pour 18,99 € par mois sans engagement avec forfait B&YOU, tandis que Free et Red by SFR proposent des forfaits mobiles 5G de 350 Go (!) par mois en France métropolitaine pour 19,99 € par mois.
Mais n'est-ce pas trop ? En réalité, cette surenchère des gigaoctets est avant tout un argument marketing. Qu'il s'agisse de 300 ou 350 Go, toutes ces data sont inutiles pour la majorité des utilisateurs, qui n'en utiliseront pas autant. L'Arcep a calculé que les Français consomment en moyenne 14 Go de données par mois. Bref, payer plus pour plus de gigas, c'est jeter de l'argent par les fenêtres. Pourtant, les opérateurs continuent d'alimenter cette escalade de data, puisqu'ils sont obligés de s'aligner les uns sur les autres. Or, depuis quelques jours, l'information court que l'Ademe, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, prévoirait de limiter la data sur les forfaits mobiles, par le biais d'une tarification progressive. Une rumeur qui a d'ailleurs hérissé les poils de Xavier Niel, le fondateur de Free et de Laurentino Lavezzi, directrice des affaires publiques d'Orange. Alors, qu'en est-il en réalité ?
Data des forfaits mobiles : une exception française
Le modèle de la France en matière de forfaits mobiles fait figure d'OVNI. Dans de nombreux pays, la tarification des données mobiles repose sur une facturation à l'usage, et les forfaits à 100 Go sont quasiment inexistants. En Europe de l'Ouest en 2023, le prix moyen d'un Go d'Internet mobile était de 2,08 $, tandis qu'il s'élevait à seulement 0,20 $ en France – et il a encore baissé depuis. À l'échelle mondiale, la France se classe à la neuvième place des pays où le Go est le moins cher.
Sur le papier, on ne peut que s'en réjouir pour notre pouvoir d'achat – les fins de mois sont suffisamment difficiles comme cela. Mais il y a tout de même un prix caché à cette générosité, et il est environnemental. D'après la dernière étude de l'Arcep et de l'Ademe, le numérique représentait 4,4 % de l'empreinte carbone nationale en 2022, dont 46 % provenaient de la consommation de données. Or, il est absolument primordial de réduire cet impact.
Tarification progressive des forfaits mobiles : vers un projet de loi ?
Effectivement, l'usage de la 4G et de la 5G génère un impact environnemental dix fois supérieur à celui du Wi-Fi. D'où ce qui avait amené à l'idée de mettre en place une facturation adaptée à la consommation pour inciter les usagers à privilégier le Wi-Fi, en réduisant ainsi à la fois leur empreinte carbone et leur facture. Le numéro 130 d'Aujourd'hui en France rapportait que l'Ademe prévoirait d'examiner cette piste en vue d'un projet de loi. "Si les forfaits deviennent plus granulaires, les consommateurs ajusteront leur usage", estime Renaud Kayanakis, expert en télécoms chez Sia Partners. "Mais aucun opérateur ne prendra l'initiative, car cela reviendrait à montrer à ses clients comment payer moins cher."
Mais l'Ademe dément cette volonté de projet de loi auprès de BFMTV. Premièrement, rappelons que l'agence ne peut déposer un projet de loi, seulement effectuer des observations et des recommandations. Et justement, elle précise qu'elle souhaitait seulement mettre en avant l'impact du numérique, en particulier les data center et les équipements électroniques, qui représentent 95 % de l'empreinte carbone en France, contre seulement 5 % pour la data des forfaits mobiles. L'occasion de faire des suggestions pour nous inviter à changer nos habitudes.
L'Ademe invite à préférer se connecter en Wi-Fi chez soi ou au travail, plutôt que de rester en 4G ou en 5G. Elle appelle également à augmenter la durée de vie des appareils électroniques et à éviter d'utiliser l'intelligence artificielle lorsque ce n'est pas utile, l'IA étant l'un des principaux vecteurs d'émissions carbone. Il n'est donc pas question de toucher au portefeuille des usagers pour le moment.