Canal+ contre l'IPTV pirate : les VPN devront bloquer le streaming illégal de sport
La justice française vient de contraindre plusieurs services VPN à bloquer l'accès aux retransmissions sportives piratées. Une première qui pourrait transformer en profondeur l'usage de ces outils par des millions d'internautes.
La guerre contre l'IPTV pirate connaît un tournant majeur en France. Dans une décision rendue publique le 18 juillet 2025, le tribunal judiciaire de Paris a donné raison à Canal+ face à plusieurs fournisseurs de réseaux privés virtuels. NordVPN, Proton, Surfshark, ExpressVPN et Cyberghost devront désormais empêcher leurs utilisateurs situés en France d'accéder aux retransmissions sportives diffusées illégalement. L'affaire remonte au Grand Prix d'Australie de Formule 1, en mars dernier. Canal+, détenteur exclusif des droits de diffusion, avait constaté que plusieurs sites pirates rediffusaient les courses en direct, en contournant les mesures de blocage existantes grâce aux VPN.
Pour la chaîne cryptée, il ne s'agissait plus seulement de poursuivre les plateformes illégales, souvent hébergées hors d'Europe ou changeant d'adresse en permanence, mais de s'attaquer aux outils permettant à ces sites de rester accessibles malgré les blocages. En saisissant la justice dans une procédure accélérée, Canal+ a obtenu que les fournisseurs de VPN prennent une part active dans cette lutte. Le tribunal leur a ordonné d'agir dans un délai de trois jours, en bloquant les noms de domaine et sous-domaines utilisés pour la diffusion illégale, " par tout moyen efficace ", jusqu'au 7 décembre 2025, date de la fin du championnat de F1.
Canal+ contre l'IPTV pirate : une nouvelle victoire
Cette décision s'inscrit dans une série d'offensives juridiques coordonnées. En mai et juin derniers, deux jugements similaires avaient déjà contraint des VPN à bloquer l'accès à des flux pirates de matchs de football, de rugby et de courses MotoGP. Mais le cas du Grand Prix d'Australie marque une nouvelle étape, tant par la célérité de la procédure que par l'ampleur de la décision. Les VPN, longtemps présentés comme des outils de confidentialité ou d'accès libre à l'information, sont désormais appelés à jouer un rôle actif dans le filtrage de contenus, à la demande des ayants droit.
La riposte des fournisseurs de VPN n'a pas convaincu le tribunal. Ces entreprises, souvent basées à l'étranger, ont fait valoir l'absence de compétence territoriale du juge français, l'inapplicabilité du droit national à leur activité, voire une incompatibilité avec les principes européens de liberté d'accès à Internet. Tous ces arguments ont été écartés. Le juge s'est appuyé sur l'article L333-10 du Code du sport, renforcé par la loi du 25 octobre 2021, qui permet aux détenteurs de droits de demander des mesures dynamiques de blocage contre les retransmissions illégales, y compris en cours de compétition.
En filigrane, c'est toute la chaîne d'accès aux contenus qui est mobilisée. Fournisseurs d'accès à Internet, moteurs de recherche, résolveurs DNS et maintenant VPN : les décisions récentes montrent que la responsabilité est progressivement élargie à tous les intermédiaires techniques. Cette orientation réjouit les ayants droit, mais interroge sur le plan des libertés numériques. Les défenseurs du chiffrement et de l'anonymat en ligne redoutent une dérive vers un Internet sous contrôle, où les outils destinés à protéger la vie privée deviennent des instruments de filtrage.
Canal+ contre l'IPTV pirate : un exemple pour les autres fournisseurs ?
Le succès de l'IPTV pirate ne se dément pas en France. On estime à plusieurs millions le nombre d'utilisateurs qui ont recours à des abonnements illégaux pour accéder à des chaînes payantes, parfois pour quelques euros par mois. Ce phénomène, facilité par les VPN et certaines applications mobiles, pèse lourdement sur les revenus des diffuseurs. Face à cette concurrence sauvage, les groupes audiovisuels se tournent de plus en plus vers les tribunaux, avec un soutien politique croissant. La plateforme anti-piratage Arcom (ex-Hadopi) a d'ailleurs salué cette série de décisions comme une étape structurante dans la lutte contre le piratage sportif.
Canal+, dont la stratégie offensive en matière de défense des droits est désormais bien établie, pourrait inspirer d'autres acteurs du secteur. Amazon, beIN Sports ou encore RMC Sport pourraient à leur tour lancer des procédures similaires, notamment lors de grands événements comme les Jeux Olympiques ou la Ligue des champions. Le paysage juridique évolue vite, et les VPN, hier perçus comme neutres, se retrouvent de plus en plus exposés à des injonctions qui les forcent à choisir leur position.
Cette décision marque donc une nouvelle phase, plus radicale, dans la lutte contre le piratage en ligne. Pour les internautes, elle pose une question simple : les VPN resteront-ils de simples outils de confidentialité, ou devront-ils désormais se plier aux impératifs des chaînes de télévision et des autorités judiciaires ? Le débat ne fait que commencer.