Fortnite, Minecraft, Roblox : l'UFC-Que Choisir accuse des éditeurs de pratiques commerciales trompeuses
Une vingtaine d'associations, dont l'UFC-Que Choisir, ont porté plainte contre 7 éditeurs de jeux vidéo en raison de pratiques commerciales trompeuses. En cause : le système de monnaie virtuelle de jeux comme Fortnite, Minecraft ou Diablo IV.
De nos jours, les monnaies virtuelles sont assez courantes dans les jeux vidéo – on peut même dire qu'elles sont monnaie courante ! C'est bien simple, elles concernent 42 % des jeux les plus joués sur PC et 81 % des jeux mobiles les plus populaires. Elles permettent de convertir son argent en une monnaie virtuelle qui ne peut être dépensée que dans le jeu, afin d'acheter divers objets, des équipements ou des costumes (skins) – c'est ce qu'on appelle des microtransactions. C'est par exemple le cas de Roblox, où des packs permettant de gagner des personnages, des vêtements numériques ainsi que des objets peuvent être achetés via une monnaie virtuelle appelée le Robux, qui peut elle-même être achetée avec de vrais euros.
Mais ce système n'est pas exempt de dérives. Aussi, dans un communiqué diffusé le 12 septembre 2024, une vingtaine d'associations de consommateurs européennes, dont UFC-Que Choisir et l'Association nationale de consommateurs et usagers (CLCV), ont décidé de porter plainte auprès de la Commission européenne et du réseau des autorités de protection des consommateurs – la Commission européenne et de la répression des fraudes (DGCCRF) en France – contre sept éditeurs les plus populaires (Fortnite, EA Sports FC 24, Minecraft, Clash of Clans, Roblox) pour "pratiques commerciales trompeuses". Elles reprochent notamment l'utilisation de monnaies virtuelles qui pousseraient les joueurs à dépenser "toujours plus".
Monnaie virtuelle : des pratiques commerciales trompeuses
Les sept éditeurs sont accusés de dissimuler le véritable prix des objets disponibles dans leurs boutiques virtuelles, en empêchant les joueurs de "calculer précisément combien leur dépense en monnaie virtuelle leur a véritablement coûté". En effet, les jetons et autres pièces virtuelles sont généralement proposés en pack et le taux de change varie selon le nombre de pièces.
L'UFC-Que Choisir a regardé combien coûtent plusieurs objets repérés dans différents jeux populaires, afin de les comparer avec les prix des packs de monnaie virtuelle. À chaque fois, il est nécessaire de payer plus que le tarif réel de l'objet. Par exemple, le jeu Clash of Clans propose six packs de "Gemmes" différents à l'achat. Le moins cher contient 80 gemmes pour 1,19 €, et le plus cher 14 000 pour 119,99 €. Autrement dit, 10 gemmes coûtent entre 9 et 15 centimes d'euros. Difficile dans ces conditions de calculer précisément ce que l'on paye pour l'objet au final.
De plus, il est très rare qu'un seul pack suffise à acheter l'objet convoité, ce qui augmente de fait son prix. Dans Clash of Clans, il est possible d'acheter un "Bouclier de protection 1 semaine" pour 250 gemmes. Au mieux, il faudra donc en acheter 320, soit une hausse de 28 % du tarif. Dans Fortnite, il faut acheter un pack de 1 000 V-bucks pour obtenir la "carapace de héros" affichée à 400 V-bucks. C'est donc 2,5 fois le prix affiché. Selon les jeux, la hausse du tarif peut monter à 150 % !
Si la somme restante de monnaie virtuelle n'est pas perdue, elle sera souvent insuffisante pour se procurer un nouvel objet. De ce fait, ce mécanisme incite au rachat d'autres packs afin de faire l'appoint et ainsi obtenir d'autres objets plus tard. "Il faudra donc recharger le portefeuille de monnaie virtuelle, pouvant ainsi créer un véritable cercle vicieux", constate l'UFC-Que Choisir. Ce système est vraiment problématique, surtout que certains jeux visent une communauté particulièrement jeune, et donc vulnérable.
Monnaie virtuelle : 7 gros éditeurs de jeu vidéo dans le viseur
Marie-Amandine Stévenin, présidente de l'UFC-Que Choisir, estime que "les consommateurs ne devraient pas avoir à jouer aux devinettes pour savoir combien ils dépensent dans un jeu vidéo. Les monnaies virtuelles, en dissimulant le coût réel des achats, piègent les consommateurs dans un système opaque qui les pousse à dépenser toujours plus. Il est temps que les autorités protègent les droits des joueurs en obligeant les éditeurs de jeux à respecter les règles sur la transparence des prix".
"La situation est urgente" pour Jean-Yves Mano, président de l'Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV), "d'autant que les plus jeunes joueurs, qui n'ont pas de conscience financière suffisamment développée, constituent une cible de choix pour ces éditeurs".
En conséquence, l'UFC-Que Choisir, la CLCV et leurs équivalents européens portent plainte contre ces sept éditeurs de jeux vidéo :
- Activision Blizzard (Diablo IV)
- Electronic Arts (EA Sports FC 24)
- Epic Games (Fortnite)
- Mojang Studios (Minecraft)
- Roblox Corporation (Roblox)
- Supercell (Clash of Clans)
- Ubisoft (Tom Clancy's Rainbow Six Siege)
Le collectif d'associations exige des autorités européennes et nationales qu'elles fassent cesser les pratiques commerciales dénoncées en sanctionnant ces éditeurs, et qu'elles imposent une meilleure information des consommateurs, en exprimant notamment "en monnaie réelle" le prix des objets vendus à l'intérieur des jeux. Plus généralement, l'idée est de faire interdire les monnaies virtuelles payantes "qui dévoient, à dessein, le caractère ludique des jeux vidéo".
Monnaie virtuelle : les jeunes joueurs comme premières victimes
Ce n'est pas la première fois que des jeux de ce type sont épinglés. En 2022, Epic Games avait écopé d'une amende record de 520 millions de dollars à cause d'un manque de protection des données personnelles de joueurs mineurs et de pratiques commerciales douteuses dans Fortnite (voir notre article). En effet, le système d'achat dans le jeu incitait fortement les plus jeunes, à l'aide de dark patterns, à acheter des items dans le jeu à l'aide d'un simple clic de la souris ou d'une pression du doigt, et ce sans l'accord de leurs parents.
Même chose du côté de Roblox, à qui on a plusieurs fois reproché l'exposition de joueurs mineurs à des contenus adultes, son modèle économique qui, basé sur la création communautaire, entraîne le travail non-encadré d'enfants, et ses systèmes de jeu poussant à l'achat. Des enfants se sont ainsi retrouvés avec des factures de plusieurs milliers d''euros (voir notre article) ! Et c'est sans compter que de tels systèmes font des plus jeunes joueurs la cible idéale pour les cybercriminels, qui visent la carte bancaire des parents...