Les antivirus Norton et Avira minent de la cryptomonnaie
Norton et Avira ont décidé d'intégrer des logiciels de minage de cryptomonnaie Ethereum dans leurs solutions de sécurité. Une pratique discutable qui leur attire les foudres des utilisateurs.
C'est l'histoire d'une – fausse ? – bonne idée qui pourrait bien tourner au fiasco et altérer durablement l'image de marque de deux des principaux acteurs de la sécurité informatique. À commencer par NortonLifeLock, anciennement connu sous le nom de Symantec. L'éditeur, qui vient de racheter l'un de ses concurrents Avast, pour 8,1 milliards de dollars, a décidé de diversifier ses activités en proposant aux utilisateurs de sa suite de sécurité "tout-en-un" grand public Norton 360, d'activer, s'ils le souhaitent, Norton Crypto (NCrypt.exe). Ce programme de minage, (en l'espèce d'opérations de création de nouvelles unités de compte de la très populaire cryptomonnaie Ethereum), mobilise les ressources disponibles du processeur et de la carte graphique du PC sur lequel il est installé. Sur les réseaux sociaux, assourdissante caisse de résonance de la relation client, cette initiative a suscité une bronca de la part des clients de Norton 360 qui dénoncent une dangereuse dérive, des pratiques abusives et un marché de dupes.
Norton Crypto : une fausse bonne idée
Pourtant au départ, et aussi surprenant que cela puisse paraître, chez NortonLifeLock le déploiement de cette fonction semblait aller de soi. Partant du principe qu'il peut être très risqué pour un particulier, peu familier de cet univers, de s'adonner au minage de cryptomonnaies, l'éditeur, capitalisant sur la relation de confiance qu'il pouvait avoir avec ses utilisateurs, a souhaité les convaincre qu'il leur serait plus facile (et plus sûr) de miner des cryptomonnaies, et donc de gagner potentiellement de l'argent, avec lui. En pratique, voici comment cela marche: "Norton Crypto permet aux clients d'exploiter Ethereum, une cryptomonnaie populaire, de manière plus sûre pendant le temps d'inactivité de leur PC", explique l'éditeur. Cette pratique rappelle, pour les férus d'informatique, l'initiative SETI@Home, un projet de calcul distribué utilisant le temps d'inactivité des ordinateurs branchés sur Internet pour tenter de détecter des signes de vie intelligente non terrestre, comprenez extra-terrestre. Mais dans le cas de Norton Crypto, la finalité est tout autre. "Les utilisateurs qui décident d'activer Norton Crypto fonctionneront au sein d'un pool de mineurs Norton Crypto, offrant une plus grande efficacité et permettant à tous les utilisateurs de partager les récompenses. Une fois gagnés, ils peuvent suivre leurs gains dans leur Norton Crypto Wallet, qui est stocké dans le cloud afin qu'il ne puisse pas être perdu en raison d'une panne de disque dur", poursuit l'éditeur.
Minage de cryptomonnaie : une activité non rentable
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possible sauf que… Sauf qu'avant de s'engager dans cette voie, les utilisateurs de la solution Norton 360, seraient certainement très avisés de se renseigner sur ce que pourrait concrètement leur rapporter une telle pratique. Car s'ils le faisaient, ils pourraient assez facilement se rendre compte qu'en 2022, le minage de cryptomonnaie n'est plus, loin s'en faut, une activité lucrative pour un particulier qui ne dispose que d'un simple ordinateur personnel, quelle que soit par ailleurs la puissance du processeur de la machine ou de sa carte graphique. Pire, considéré comme étant, à raison, extrêmement énergivore, le minage de cryptomonnaie peut très vite faire grimper la facture d'électricité d'un foyer. Pour rappel, et à une toute autre échelle, certains pays voient aujourd'hui leur alimentation en électricité compromise à cause de la présence (clandestine ou non) sur leur territoire de fermes de minage (des lieux qui regroupent des ordinateurs et des serveurs) de cryptomonnaie. Enfin, pour ces nouveaux crypto-aventuriers que cible Norton, il ne faut non plus oublier, que dans un pays comme la France, les gains liés aux activités de minage n'échappent pas à la fiscalité et relèvent en l'espèce des bénéfices non-commerciaux.
Norton Crypto : les utilisateurs furieux
Au final, le grand gagnant du déploiement de Norton Crypto pourrait être, sans surprise, NortonLifeLock. Car si l'initiative Norton Crypto vise à massifier, certains diraient à "démocratiser", le minage de cryptomonnaie Ethereum, il ne faut pas oublier, comme le précise l'éditeur, que "les frais d'extraction sont actuellement de 15% de la crypto allouée au mineur", c'est-à-dire que Norton impose et prélève 15% de commissions sur les cryptomonnaies récupérées par le minage. Enfin, pour pouvoir profiter pleinement de leur cryptomonnaie Ethereum ils pourront la transférer depuis leur portefeuille Norton Crypto vers un compte ouvert sur Coinbase, une plate-forme d'échange qui permet d'acheter et de vendre des cryptomonnaies. Mais attention, il faudra là aussi s'acquitter de frais de transaction. Au-delà des petits calculs liés à la supposée rentabilité financière du projet, en ligne, la réaction des internautes est aujourd'hui très vive. Beaucoup dénoncent une fonctionnalité malsaine, aux effets potentiellement dévastateurs pour l'environnement (surtout si l'on considère le nombre d'utilisateurs de Norton 360 dans le monde), un mélange des genres inapproprié. Beaucoup d'internautes qui s'expriment dans les forums et sur les réseaux sociaux ont le sentiment de se voir imposer un programme qu'ils jugent très compliqué à désinstaller, et qu'ils n'ont surtout pas du tout demandé. Et l'image de marque, sur laquelle comptait bien capitaliser Norton, pourrait s'en trouver, de fait, durablement altérée.
Avira Crypto : la même stratégie que Norton
Signe des temps, au moment où "l'affaire" Norton Crypto éclatait, on apprenait qu'un autre acteur majeur de la sécurité, en l'occurence Avira, allait suivre la même voie, en intégrant un logiciel de minage d'Ethereum dans sa solution antivirus. Baptisé simplement et logiquement Avira Crypto, ce nouvel outil propose des fonctions similaires à celles de Norton, avec des modalités et des arguments équivalents. Aucun hasard dans cette apparente coïncidence : comme Avast désormais, Avira appartient à NortonLifeLock, qui fait ainsi aujourd'hui figure de géant incontournable de la sécurité informatique, avec une vaste panoplie de solutions (antivirus, VPN, etc.) sur ordinateur et mobile, souvent installées en standard sur des appareils grâce à des accords commerciaux. Disponible pour Avira Free Security, la version gratuite de l'antivirus d'Avira, Avira Crypto est gratuit, mais son utilisation, qui reste heureusement optionnelle, est soumise elle aussi à des frais, comme Norton Crypto. Pour le moment toutefois, cette fonction n'est proposée qu'aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Mais tout laisse à penser qu'Avira proposera son logiciel de minage dans d'autres pays comme la France. Et qu'Avast va suivre le même chemin. Reste à savoir si ce nouvel outil viendra alimenter la polémique engendrée par la curieuse stratégie de NortonLifeLock, qui pourrait rapidement entraîner les utilisateurs vers d'autres solutions de sécurité.