Fin d'Omegle : le service de rencontres par webcam ferme ses portes

Fin d'Omegle : le service de rencontres par webcam ferme ses portes

Clap de fin pour le service anonyme qui mettait en relation des inconnus ! Connu pour être le terrain de chasse de pédophiles, Omegle faisait face à de nombreux scandales et au durcissement de la législation en matière de sécurité en ligne.

Omegle, la plateforme qui met en contact depuis 2009 des inconnus afin qu'ils échangent entre eux, a définitivement fermé ses portes le 8 novembre 2023, après plus de quatorze ans de bons et loyaux services. Une décision qui fait suite à une surveillance accrue de la part des organismes de réglementation de la sécurité en ligne, le site étant au cœur de nombreuses polémiques impliquant des pédophiles et autres prédateurs sexuels en tous genres. Dans un long message publié sur le site, son fondateur Leif K-Brooks explique les raisons qui l'ont conduit à prendre cette décision. Il indique notamment qu'Omegle n'était "plus viable, ni financièrement ni psychologiquement", et que la lutte pour empêcher son utilisation abusive était "tout simplement trop lourde". Une fermeture qui intervient alors que les législateurs du monde entier introduisent des réglementations strictes en matière de sécurité en ligne – dont le DSA –, avec des mesures visant à prévenir l'exploitation sexuelle des enfants.

Omegle : un terrain de chasse pour les pédophiles et les prédateurs sexuels

Pour ceux qui ne connaissent pas, Omegle est un chat visuel ou textuel en ligne qui met en relation deux personnes dans le monde de façon aléatoire. Ils utilisent la webcam pour se voir, et le micro ou le chat pour communiquer. L'objectif est de faire se rencontrer de nouvelles personnes issues du monde entier. La popularité d'Omegle a littéralement explosé avec les confinements successifs. De plus, de célèbres Youtubeurs, comme Squeezie, s'y rendent pour leurs vidéos et invitent leur communauté à l'y rejoindre pour participer. C'est même le fonds de commerce de certains créateurs de contenu, comme La Vie en Chauve, qui publiait régulièrement des résumés de ses rencontres sur la plateforme. Par conséquent, les adolescents s'y connectent dans le but de tomber sur leurs idoles et de pouvoir leur parler, un peu comme une sorte de roue de la Fortune.

Le problème, c'est que n'importe quel mineur peut entamer une discussion avec un autre utilisateur. Aucun contrôle d'âge n'est effectué par la plateforme, à l'exception d'une case à cocher qui atteste qu'il a plus de 18 ans. Rien qui ne laisse imaginer ce qu'on peut en réalité y trouver. Car s'il s'agissait d'un excellent moyen pour les adolescents de chercher de la compagnie, c'était également un véritable terrain de chasse pour les délinquants sexuels et les pédophiles (voir notre article). Images pornographiques, mauvaises rencontres, crimes en direct... Le danger peut survenir en quelques clics, en témoignent les scandales à répétition et les plaintes déposées par des victimes d'abus sexuels en ligne. En avril 2022, le secrétaire d’État français chargé de l'Enfance et des Familles, Adrien Taquet, avait de son côté annoncé saisir la justice contre le site pour "exposition des mineurs à la pornographie et à la pédocriminalité".

Fin d'Omegle : une page d'Internet se tourne

Leif K-Brooks est tout à fait conscient des dérives qu'ont pu entraîner sa plateforme. "Au fil des ans, les gens ont utilisé Omegle pour explorer des cultures étrangères, obtenir des conseils et aider à atténuer les sentiments de solitude et d'isolement. J'ai même entendu des histoires d'âmes sœurs qui se sont rencontrées sur Omegle et se sont mariées", raconte-t-il dans son message, avant d'ajouter qu'"il ne peut y avoir de bilan honnête d'Omegle sans reconnaître que certaines personnes l'ont utilisée à mauvais escient, y compris pour commettre des crimes d'une atrocité sans nom". "Je crois à la responsabilité d'être 'un bon Samaritain', et à la nécessité d'intégrer des mesures raisonnables pour combattre le crime et les usages malveillants. C'est exactement ce que nous avons fait à Omegle. En plus des fonctions basiques d'anonymisation, il y avait un grand enjeu de modération en coulisses, avec de l'intelligence artificielle et une formidable équipe de modérateurs humains. Omegle jouait dans la cour des grands pour la modération, et je suis fier de ce que nous avons accompli", explique-t-il.

Étant donné les mesures prises par Omegle en matière de modération, il ne comprend pas les différentes attaques à l'encontre de la plateforme. En témoigne le passage – lunaire ! – où il compare les différentes demandes de fermeture du site à une société qui "obligerait les femmes à s'habiller modestement afin de prévenir les viols. [...] Si la société prive les femmes de leurs droits à l'autonomie corporelle et à l'expression de soi sur la base des actes des violeurs [...] ; alors la société fait pratiquement le travail des violeurs à leur place." Il poursuit sa métaphore en imaginant "la fermeture de Central Park parce que la criminalité s'y produit - ou peut-être de manière plus provocante, la destruction de l'univers parce qu'il contient le mal". Avant de conclure : "Du fond du cœur, je remercie tous ceux qui ont utilisé Omegle à des fins positives et tous ceux qui ont contribué au succès du site de quelque manière que ce soit. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu continuer à me battre pour vous".