Fraudes, augmentation des prix : le bonus réparation semble être un échec

Fraudes, augmentation des prix : le bonus réparation semble être un échec

Malgré tous les efforts du Gouvernement, le bonus réparation peine à convaincre. La faute à un système trop complexe, des prix du secteur non régulés et des fraudes, qui freinent son adoption.

Pour lutter contre la pollution électronique, le Gouvernement a mis en place depuis plusieurs années un bonus réparation. Pour rappel, cette prime a pour but d'inciter les consommateurs à faire réparer leurs appareils électriques ou électroniques en panne plutôt qu'à en acheter de nouveaux pour les remplacer, comme c'est trop souvent le cas (voir notre article) – car leur renouvellement perpétuel a un coût non négligeable, à la fois en matière de ressources utilisées et en déchets. Son montant est prélevé directement sur la facture, sans nécessiter la moindre formalité. Pour en profiter, il faut s'adresser à un réparateur agréé, reconnaissable par le label QualiRépar. D'abord limitée à une poignée d'appareils, elle s'est depuis étendue à de larges gammes de produits.

Si l'initiative a été plutôt bien accueillie par les consommateurs, elle n'a cependant pas eu le succès escompté, du moins en ce qui concerne les appareils high-tech. L'association UFC-Que Choisir a dressé un bilan pour ce secteur, et il est loin d'être réussi. La faute à un secteur non régularisé, une offre peu lisible et des démarches trop complexes.

Bonus réparation : une mesure qui peine à convaincre

D'après les conclusions fournies par Consommation, logement, cadre de vie (CLCV), le bonus réparation n'a pas réellement entraîné une augmentation de la réparation, si l'on excepte la hausse début 2024. Un comble ! Ainsi, seulement 19 % de l'enveloppe allouée au fonds réparation a été utilisée l'an passé, malgré que le Gouvernement ait décidé de doubler son montant pour certains produits. Une situation qui s'explique par plusieurs facteurs.

© Ecosystem

En premier lieu, les utilisateurs français n'ont tout simplement pas l'habitude d'opter pour la solution de la réparation en cas de défaillance de l'appareil. Selon l'Ademe, 72 % des Français ont préféré racheter un produit neuf suite à une panne ou une casse en 2024. Cela s'explique en partie parce que l'électronique (neuf) n'a jamais été aussi abordable grâce aux nombreuses promotions proposées par les grandes enseignes de l'high-tech. Selon l'UFC-Que Choisir, les prix de l'électroménager ont baissé entre 50 et 70 % en 25 ans.

Au contraire, les prix des réparations n'ont cessé d'augmenter. Depuis l'entrée en vigueur du fameux bonus en 2022, les tarifs ont globalement grimpé entre 10 et 20 %. Cette hausse est même de 30 % pour les aspirateurs, et de 60 % pour les frigos et les congélateurs. Depuis que le remplacement des écrans est pris en charge, la facture est passée de 88 à 122 € au lieu de 88 €. Et ce serait une conséquence directe de la loi. 

Bonus réparation : hausse des prix et démarches trop complexes

Ces hausses sont dues au système des seuils de déclenchement. En effet, le bonus réparation s'applique uniquement sur certains appareils lorsque la facture dépasse un seuil précis. Pour une imprimante, il faut par exemple en avoir pour 150 € de réparation pour obtenir 50 € de bonus. Le même barème s'applique aux ordinateurs portables, aux écrans de PC ou encore aux scanners. Problème : certains réparateurs n'hésitent pas à gonfler artificiellement la facture pour atteindre ce seuil et permettre aux clients de bénéficier de l'aide. On aboutit alors à un étrange paradoxe : le dispositif censé faciliter la réparation finit par dissuader une partie des ménages, surtout les plus modestes, d'y recourir.

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Et ce n'est pas la complexité de la procédure qui va arranger les choses ! Pour bénéficier de la prime à la réparation, il faut obligatoirement passer par un professionnel labellisé QualiRépar, et ces derniers ne courent pas les rues, car ils doivent payer des frais d'adhésion et se plier à de lourdes exigences pour obtenir cette précieuse distinction. Par exemple, pour l'électroménager, il faut payer un droit de 200 € tout en répondant à un cahier des charges long de 31 pages – et encore, le Gouvernement a réduit ces frais depuis l'entrée en vigueur de la prime !

Il faut ajouter à cela une procédure assez compliquée pour obtenir le versement du fameux bonus, étant donné que la somme est facturée directement aux professionnels, en étant déduite de la facture du client. Ces derniers doivent prendre une photo de chaque produit avant et après réparation, détailler les modifications apportées, faire une facture numérique et l'envoyer sur une plateforme dédiée. Les artisans perdent alors beaucoup de temps en administratif… Il y a également le problème des fraudes et des abus, car certains professionnels labellisés refusent d'appliquer le bonus réparation à leurs clients, alors que c'est pourtant obligatoire, ou au contraire éditent de fausses factures pour empocher le pactole.

L'UFC-Que-Choisir fournit quelques pistes de réflexion pour rendre le bonus réparation plus attrayant. En premier lieu, l'association encourage fortement à réguler les prix en évitant les excès tarifaires et en renforçant la transparence des coûts pour les consommateurs. Elle suggère également d'étendre et de simplifier le réseau de réparateurs agréés, afin de faciliter l'accès à la prime et de réduire les disparités territoriales. Enfin, les services publics doivent augmenter la communication autour du dispositif.