Taxe Windows : une pétition contre l'obsolescence programmée de Windows 10
Alors que la fin forcée de Windows 10 approche, une coalition de 22 associations, dont HOP et l'UFC-Que Choisir, lance une pétition pour forcer Microsoft à faire marche arrière et empêcher ce type d'obsolescence programmée.
Le couperet semblait inévitable. Après dix années de service, Windows 10 va cesser de recevoir des mises à jour de sécurité à partir du 14 octobre 2025. Une échéance qui menace la sécurité de centaines de millions d'ordinateurs – entre 200 et 400 millions selon les estimations – encore actifs dans le monde, qui deviendront obsolètes à brève échéance.
Face à cet immense gâchis et à cette marche forcée – Microsoft pousse au passage à Windows 11 et à l'achat de nouveaux PC –, l'association Halte à l'Obsolescence Programmée (HOP) a créé une coalition de 22 organisations nationales, parmi lesquelles l'UFC-Que Choisir, La Fresque du numérique, Telecoop, Green IT ou encore Emmaüs Connect, afin de lutter contre ce qu'elle qualifie de "scandale environnemental" et d'"aberration économique", et cela passe par une pétition baptisée "Non à la taxe Windows !". Le but est d'obliger Microsoft à faire marche arrière et à maintenir les mises à jour de sécurité gratuites pour Windows 10 jusqu'en 2030.
Windows 10 : une prise en otage des utilisateurs, forcés de payer
Depuis un moment maintenant, et encore plus avec la date butoir du 14 octobre, Microsoft pousse ses utilisateurs vers Windows 11 à grands renforts de campagnes publicitaires. Mais il y a un petit problème : beaucoup de PC ne peuvent tout simplement pas faire tourner Windows 11. En effet, pour que le dernier système d'exploitation puisse fonctionner sur un ordinateur, celui-ci doit posséder un module de sécurité matériel TPM 2.0, qui n'est pas présent sur certains appareils, y compris ceux récents. Selon HOP, 22 % des ordinateurs en France tournent sous Windows 10 et sont incompatibles avec Windows 11. Ce qui signifie que leurs utilisateurs se retrouvent face à un choix cornélien : payer pour l'extension des mises à jour de sécurité de Windows 10 – 26 € la première année, tarif qui double à chaque année qui passe – et ainsi obtenir un sursis, acheter du matériel neuf, ou prendre le risque de naviguer sans filet de sécurité. Notons que Microsoft propose un sursis gratuit d'un an, mais sous certaines conditions (voir notre article).
Reste qu'aucune de ces alternatives n'est pleinement satisfaisante pour l'utilisateur, qui est contraint de sortir son portefeuille. La fin de Windows 10 représente donc une manne financière importante pour l'entreprise – on comprend mieux pourquoi HOP qualifie cette pratique de "taxe Windows". Or, de nombreuses personnes n'ont pas les moyens de payer un prix aussi élevé ou d'utiliser les autres solutions proposées par la firme de Redmond – la synchronisation cloud ou les points Microsoft Rewards. Et encore, c'est si elles en ont connaissance ! De même, beaucoup sont ceux possédant une machine vieillissante ou reconditionnée qui ne sont pas en situation de racheter un ordinateur.
Windows 10 : un coût économique et écologique considérable
HOP pointe du doigt une stratégie commerciale qu'elle juge déloyale. Laetitia Vasseur, déléguée générale de HOP, explique à BFMTV que cette façon de faire revient à forcer la main des utilisateurs. "On subordonne le fait d'avoir éventuellement des mises à jour de sécurité à un paiement. C'est intolérable", réagit-elle, d'autant plus qu'en parallèle, Microsoft réalise des "milliards de bénéfices chaque année. Près de 87 milliards d'euros en 2025". Et cette politique a de lourdes conséquences, autant d'un point de vue économique qu'écologique et social.
En effet, HOP estime que le coût mondial de la fin de Windows 10 pour les utilisateurs pourrait s'élever à 10,4 milliards d'euros. De plus, le remplacement des ordinateurs tournant sous l'ancien système d'exploitation par des appareils compatibles avec Windows 11 pourrait générer par moins de 70 millions de tonnes de gaz à effet de serre ou l'équivalent de "32 000 tours Eiffel en matières premières extraites" – la fabrication d'un appareil électronique est la phase la plus polluante de son existence. Or, "le fait que Microsoft propose déjà une extension de support payante prouve que c'est techniquement réalisable. Il est juste aberrant de la rendre payante." Sans compter que, étant donné qu'elle n'est renouvelable que pour trois ans, "elle n'offre qu'un sursis et aucune sécurité réelle au consommateur".
La pétition – que vous pouvez signer ici – fait suite à un courrier adressé à Microsoft par HOP en juin dernier, mais qui est resté sans réponse. Mais la coalition menée par HOP demande bien plus qu'un simple maintien gratuit des mises à jour jusqu'en 2030. Elle réclame "une loi pour la mise à disposition non payante et sans contrepartie des mises à jour logicielles de sécurité pendant au moins 15 ans pour tous les ordinateurs" ainsi que "l'obligation d'informer les utilisateurs sur les solutions relatives au passage à un système d'exploitation libre" – laissant ainsi une ouverture vers les alternatives open source qui pourraient prolonger la vie des machines abandonnées par Windows.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, la pétition "Non à la taxe Windows !" a déjà collecté plus de 1 100 signatures, soit 12 % de l'objectif, qui est de 10 000 signatures. Grâce à elle, les associations espèrent mettre la pression sur Microsoft pour qu'il revienne sur sa décision puis, par la suite, engager un plaidoyer politique pour faire adopter une loi qui encadrerait le secteur à ce sujet. Mais ce n'est franchement pas gagné, entre l'instabilité du Gouvernement et la législation européenne qui vient souvent se heurter à celle de la France – quitte à l'annuler.
Windows 10 : quelles suites après la pétition ?
Mais cette pétition a-t-elle une chance de fonctionner, si elle atteint le nombre de signatures fixé ? Il faut garder en tête que ce n'est pas parce qu'une pétition est populaire qu'elle permet de changer les choses. Certaines récoltent des milliers, voire des millions de signatures, mais ce n'est pas pour autant qu'elles ont un effet concret. Comme le rappelle Vie publique, "une pétition n'a pas de valeur juridique. Elle reflète l'opinion d'une personne ou d'un groupe de personnes". Autrement dit, elle peut "alerter l'opinion, les médias, interpeller les pouvoirs publics et permettre d'ouvrir le débat", mais n'a aucune contrainte juridique.
Toutes les plateformes de pétition ne se valent pas, car certaines sont plus "officielles" que d'autres. Par exemple, celles sur Change.org, Avaaz et Mesopinions.com permettent d'interpeller le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui conseille le gouvernement et le Parlement. On peut également citer les plateformes lancées par l'Assemblée nationale, qui s'est récemment illustrée avec la pétition contre la loi Duplomb. Mais, dans tous les cas, elles n'induisent pas obligatoirement un changement.
Après, celle de la HOP est un peu à part. Certes, l'association héberge sa pétition sur son site mais, comme l'explique Laetitia Vasseur à BFMTV, il y a deux raisons à cela. La première est que "nous voulions envoyer un signal fort sur l’obsolescence de ces appareils, avec toutes les organisations qui font partie de la coalition." La seconde est que "nous sommes toujours en lien avec le Cese, et que le plaidoyer fait vraiment partie de la stratégie de cette pétition." Or, HOP est un "professionnel du plaidoyer", pour reprendre les mots de la déléguée générale de l'association.
La pétition n'est que le début d'une longue lutte contre Microsoft, qui commence par la sensibilisation du grand public à cette problématique et se conclura par un processus législatif. Il s'agit d'un moyen de faire entendre la voix des utilisateurs à la firme de Redmond, voix qui rejoindront celles provenant de mouvements identiques dans d'autres pays d'Europe et aux États-Unis. En clair, le succès de cette pétition va permettre de faciliter le travail de plaidoyer des équipes de HOP.


