DVB-I : la France va tester la télévision numérique de demain

DVB-I : la France va tester la télévision numérique de demain

La France s'apprête à expérimenter le DVB-I, une norme qui vise à unifier les chaînes traditionnelles et les flux Internet dans une même interface. Reste à savoir si cette promesse séduira les téléspectateurs et les industriels.

Depuis l'invention de la télévision numérique, les standards techniques se sont multipliés pour s'adapter aux différents canaux de diffusion disponibles. Plusieurs technologies cohabitent, exploitant autant de normes : la TNT, la télévision numérique terrestre, qui repose sur la norme DVB-T (T pour Terrestrial) et qui passe par des ondes hertziennes et des antennes "râteau" classiques ; la télévision par satellite repose sur le DVB-S (S pour Satellite) qui exploite également des ondes hertziennes mais avec des antennes paraboliques ; et la télévision par Internet, aussi connue sous le nom d'IPTV, qui repose sur le protocole TV sur IP et qui circule aussi bien en filaire, sur l'ADSL et la fibre optique, que via les ondes électromagnétiques des réseaux de téléphonie mobile, en 4G ou en 5G. 

Et si chacun présente des avantages, en plus des apports ''naturels" du numérique en termes de qualité d'image – notamment pour la définition et la stabilité liée au mode d'affichage dit "progressif" des écrans plats –, ces différents modes de diffusion concourent aussi à semer une certaine confusion chez les téléspectateurs, en entraînant des complications dans leur utilisation. C'est précisément ce que veut simplifier une nouvelle norme, le DVB-I, que la France s'apprête à tester. 

DVB-I : une norme pour unifier les canaux de diffusion 

Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire (le I de DVB-I désignant Internet), il ne s'agit pas d'un nouveau mode de diffusion via Internet. C'est un nouveau protocole qui vise avant tout à simplifier l'utilisation des technologies existantes en les rassemblant dans une interface unifiée pour donner un accès unique à toutes les chaînes et à tous les services de télévision, quels que soient les réseaux et les modes de diffusion utilisés. En clair, un système qui présente de façon totalement transparente toutes les chaînes disponibles sur un téléviseur.

En pratique, le DVB-I fonctionne grâce à une "liste de services" (Services List) fournie par des serveurs en ligne et contenant l'ensemble des chaînes disponibles, qu'elles proviennent de la TNT, du satellite ou d'Internet. Quand un téléspectateur allume son téléviseur – il doit être compatible DVB-I –, l'appareil interroge la liste et choisit la meilleure source pour chaque chaîne. Par exemple, si une chaîne existe à la fois en Full HD sur la TNT et en 4K via Internet, peut privilégier automatiquement la source la plus qualitative. L'utilisateur n'a pas besoin de paramétrer quoi que ce soit : il zappe comme d'habitude, sans même savoir d'où provient la chaîne qu'il a sélectionnée. .

Le grand atout de cette norme réside dans le basculement transparent. Si la réception TNT faiblit à cause de la météo ou d'une zone mal couverte, le système peut basculer instantanément sur le flux internet de la même chaîne. À l'inverse, si la connexion IP ralentit, le téléviseur peut s'appuyer sur le signal hertzien pour maintenir la diffusion. Dans les deux cas, l'utilisateur ne perçoit qu'une continuité de service. C'est une différence majeure avec la télévision par IP proposée aujourd'hui par les opérateurs, où une coupure réseau entraîne aussitôt une interruption du visionnage.

L'autre atout du DVB-I, c'est la simplicité. De fait, aujourd'hui, les téléspectateurs naviguent constamment entre plusieurs mondes, entre la TNT, le satellite – quand ils en disposent – et la télévision par Internet associée à leur box ou à leur connexion. Résultat, ils doivent jongler en permanence avec des télécommandes, des boîtiers, des menus et des applications avec des interfaces multiples, sans parler des plateformes qui nécessitent un abonnement payant. Le DVB-I vise justement mettre de l'ordre dans ce capharnaüm, en regroupant les chaînes classiques diffusée en mode "linéaire", les flux en streaming avec les services associés et les contenus interactifs dans une même interface simple et unique. C'est la "brique" qui vise à tout unifier.    

Il faut insister : le DVB-I n'a pas vocation à remplacer la TNT. Au contraire, il est conçu la compléter en l'intégrant dans un système unifié avec les autres modes de diffusion. Dans la plupart des cas, l'antenne restera même la source prioritaire. Elle présente deux avantages évidents : la fiabilité d'un signal hertzien et l'absence d'impact sur la bande passante de la connexion Internet, souvent partagée par de nombreuses personnes pour des services divers. Pour les foyers qui ne reçoivent pas correctement la TNT, la diffusion en IP d'une chaîne pourra toutefois prendre le relais. De cette manière, DVB-I combine le meilleur des deux mondes : la robustesse du hertzien et la souplesse de l'Internet.

DVB-I : un projet international très ambitieux

Derrière le projet DVB-I, il y a le consortium international DVB (pour Digital Video Broadcasting, ou Diffusion vidéo numérique en français), l'organisme à l'origine de toutes les normes de diffusion numérique depuis les années 1990 (les déclinaisons du DVB-T et du DVB-S). Validées par l'Institut européen des normes de télécommunications (ETSI), les spécifications techniques du DVB-I ont été élaborées progressivement 2018, et elles sont détaillées sur un site dédié, DVB-I, qui regroupe toutes les informations associées. Elles définissent notamment la manière dont les comment les flux numériques doivent être encodés, découverts, présentés de façon à pouvoir se combiner quelle que soit leur provenance (TNT, satellite ou Internet). Elles détaillent également les métadonnées associées permettant en plus de proposer un guide des programmes enrichi, personnalisé, capable de mêler chaînes linéaires et contenus à la demande.

Au-delà des aspects techniques, le DVB-I ouvre la voie à une télévision plus qualitative. Là où la TNT peine encore à offrir plus que de la Full HD, faute de fréquences et de bande passante disponibles, le protocole permet de proposer du 4K, voire davantage, par le biais des flux internet. Les diffuseurs pourront même combiner les deux sources pour offrir un service hybride, en garantissant ainsi stabilité et qualité. Un atout pour les événements sportifs et les grands spectacles populaires qui attirent les téléspectateurs. 

On le voit, la promesse du DVB-I est à la fois ambitieuse et séduisante. Et, comme d'autres pays européens déjà engagés dans l'aventure, la France se prépare à cette grande évolution en menant prochainement des tests grandeur nature. L'expérimentation sera coordonnée par le Forum Audiovisuel Numérique (FAVN), en lien avec les diffuseurs, les opérateurs et les fabricants de téléviseurs. L'objectif est de vérifier que la norme fonctionne correctement dans les conditions réelles d'utilisation, que les équipements de marques différentes se comprennent, et que l'interface respecte les règles fixées par Bruxelles.

La directive européenne sur les services de médias audiovisuels impose en effet de mettre en avant les chaînes publiques et les services d'intérêt général. Ce qui se joue ici dépasse donc la technique : il s'agit aussi de questions de visibilité et de régulation. il ne suffit pas uniquement de diffuser, il faut aussi hiérarchiser et organiser ce qui s'affiche à l'écran.

DVB-I : de nombreux obstacles à franchir

Ce chantier, technique et politique, sera mis en avant lors du salon IBC 2025, le grand rendez-vous de l'industrie audiovisuelle qui se tient du 12 au 15 septembre à Amsterdam. Le calendrier précis des tests en France reste flou, mais le mouvement est enclenché. À l'international, plusieurs pays européens ont déjà franchi le pas. L'Allemagne, l'Italie, l'Irlande ou encore l'Espagne testent des déploiements pilotes, souvent en partenariat avec des grands diffuseurs comme Mediaset ou la RAI.

Ces expérimentations ont montré que la norme est prête techniquement, mais qu'elle suppose encore un effort d'adoption de la part des fabricants. Car à ce jour, aucun téléviseur du marché n'intègre nativement le DVB-I. Certains modèles connectés pourraient recevoir une mise à jour de leur logiciel interne pour s'adapter, mais il est plus probable que de nouvelles gammes soient conçues dès l'origine pour prendre en charge cette norme : une manière bien connue de relancer le marché et les ventes en faisant miroiter de nouvelles merveilles…

 

En outre, malgré ses promesses d'unification, tout n'est pas parfait avec le DVB-I. Car les grandes absentes de cette révolution annoncée restent les plateformes de streaming : pour l'heure, Netflix, Amazon Prime Video et autre Disney+ ne sont effet pas intégrées dans les fameuses listes de services du DVB-I. De fait, elles conservent leur univers séparé, accessible via des applications dédiées et les abonnements associés. La promesse d'une interface vraiment universelle reste donc limitée, au moins dans un premier temps. En outre, contrairement à la TNT diffusée gratuitement par voie hertzienne, l'usage du DVB-I exige une connexion internet et souvent un forfait haut débit, payant évidemment. Ceux qui vivent dans des zones mal desservies ou qui ne souhaitent pas multiplier les abonnements risquent d'y voir une contrainte plutôt qu'un progrès, surtout s'il faut en plus changer de téléviseur pour en profiter.

La France va donc entrer dans une phase d'expérimentation qui dira si cette norme est prête à changer le quotidien des téléspectateurs. L'histoire de la télévision montre que les grandes révolutions se font rarement en un jour. le DVB-I se présente comme un pont entre la télévision de papa et les usages connectés modernes. Un standard de convergence, pensé pour simplifier la vie des téléspectateurs, mais qui devra encore convaincre industriels et public avant de s'imposer. Il faudra sans doute attendre encore de longues années avant d epouvoir en profiter sur nos téléviseurs.