Les députés doublent finalement la taxe GAFAM : quels impacts pour les utilisateurs ?

Les députés doublent finalement la taxe GAFAM : quels impacts pour les utilisateurs ?

Par peur des représailles de Trump, les députés vont finalement faire passer la taxe GAFAM de 3 à 6 % seulement. Une hausse qui risque tout de même de se répercuter sur la facture des utilisateurs, mais qui a peu de chances d'être effective.

Les députés ont voté, dans la soirée du mardi 28 octobre, le doublement du taux de la taxe sur les services numériques, plus connue sous le nom de "taxe GAFA" (ou GAFAM, pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, les géants du numérique, tous américains), passant de 3 à 6 % – bien loin des 15 % adoptés initialement par la commission des finances le 23 octobre dernier. Un rétropédalage qui s'explique par la peur des représailles de Donald Trump. Pour les députés à l'origine de l'amendement, "le doublement du taux constitue une réponse proportionnée aux tarifs douaniers décidés par les États-Unis à l'encontre de produits français, en réaction à la taxe actuelle".

Toutefois, la mesure risque fort de se répercuter sur la facture finale des utilisateurs, comme cela avait été le cas à l'époque. Les parlementaires ont également adopté une taxe surprise sur les bénéfices des multinationales, ainsi qu'une obligation de rembourser les crédits impôts recherche en cas de délocalisation. Reste à voir si ces mesures survivront aux prochaines étapes de constitution du budget 2026, un processus qui s'annonce compliqué et mouvementé au vu du contexte politique actuel…

Taxe GAFAM : une hausse répercutée sur les utilisateurs

Pour comprendre ce qui se joue, il est important de revenir aux origines mêmes de la taxe GAFAM. Instaurée en 2019, elle s'applique donc à hauteur de 3 % sur les recettes générées en France par les activités publicitaires et les plateformes d'intermédiation des grandes entreprises de la tech. Pour être concernées par cette taxe, ces dernières doivent posséder un chiffre d'affaires mondial supérieur à 750 millions d'euros, et à 25 millions en France. Finalement, moins de 30 entreprises sont réellement concernées, et la grande majorité sont américaines – notamment les fameuses GAFAM.

Avec le temps, cette taxation a généré de plus en plus d'argent pour les finances publiques, pour atteindre près de 750 millions d'euros en 2024. Et autant dire que, déjà à l'époque, Donald Trump n'avait pas vraiment apprécié la chose. Lors de son premier mandat, il avait immédiatement mis en place des mesures de rétorsion sur les importations de biens français aux États-Unis. Et les entreprises touchées, elles, avaient immédiatement reporté la taxe sur leurs utilisateurs.

Mais peu après son investiture, Donald Trump a déclenché une véritable guerre commerciale en décidant d'imposer d'importants droits de douane à presque l'ensemble des pays du globe, dont l'Europe. La Commission européenne et Washington se sont finalement entendus sur un accord qui a été jugé défavorable au Vieux Continent, ce dernier étant, entre autres, assujetti à des droits de douane de 15 %. De nombreuses voix se sont alors élevées pour réclamer une riposte. Et celle-ci pourrait bien venir de la France.

Taxe GAFAM : un taux initialement augmenté à 15 %

La taxe GAFAM est revenue au cœur des discussions avec l'établissement du projet de loi de finances 2026. Le député Jean-René Cazeneuve du groupe Renaissance a déposé un amendement visant à relever la taxe à 15 %, ainsi qu'à augmenter le seuil de taxation au niveau mondial à deux milliards d'euros de chiffre d'affaires mondial pour éviter de frapper des acteurs français comme Leboncoin. De quoi, selon lui, ramener "plusieurs milliards d'euros" dans les caisses de l'État, qui en a plus que besoin. Ce serait également un signal politique fort pour Washington.

Pour Denis Masséglia, un autre député Renaissance et auteur d'un amendement similaire, il s'agit de s'inscrire dans une "stratégie de réciprocité" face aux tarifs douaniers américains. Aussi, le mercredi 22 octobre 2025, dans le cadre de l'élaboration du budget 2026, les députés de l'Assemblée nationale ont adopté en première lecture par la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire l'amendement, avec notamment un large soutien de la gauche. Une mesure présentée comme un "acte de souveraineté fiscale" et un message adressé à Washington.

Malheureusement, après trois jours et nuits de délibérations, les députés de la commission des finances ont massivement rejeté la partie recettes du projet de budget pour 2026. La gauche, l'extrême droite et LR se sont opposés à ce texte, tandis que les députés Modem, Horizons et Liot se sont abstenus. Finalement, seuls les députés Renaissance l'ont voté. 

Taxe GAFAM : un texte à l'avenir incertain

Après son rejet en commission, cette partie "recettes" du budget 2026 a de nouveau été examinée par l'ensemble des députés dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Toutefois, il ne s'agissait pas de la version amendée en commission – donc sur laquelle figure la taxe GAFAM à 15 % –, mais du texte initial du Gouvernement. Un retour à la case départ en somme ! Mais les députés macronistes à l'origine de l'amendement ont toutefois fait marchine arrière, soutenant cette fois un taux à "seulement" 6 %, de peur de "rouvrir une guerre commerciale entre la France et les États-Unis".

Avant le vote, le nouveau ministre de l'Économie, Roland Lescure, a appelé les parlementaires à la retenue. "Si on introduit une taxe disproportionnée, on aura des représailles disproportionnées", a-t-il argumenté, citant l'exemple du Canada qui, après qu'une publicité ait déplu à Donald Trump, s'est vu affublé d'une nouvelle taxe de 10 % le week-end dernier. "On ne peut pas se laisser manger mais il faut rappeler les faits". Ce revirement n'a pas manqué de susciter un tollé du côté de la gauche et de l'extrême droite, qui ont dénoncé un recul face aux pressions américaines. La députée Cyrielle Chatelain (Nouveau Front populaire Les Écologistes) a regretté "la pression faite par des instances étrangères". "Cela veut dire qu'on ne peut plus légiférer sur la question des GAFAM sous les menaces de Trump. Ce n'est pas possible. Nous devons avoir notre indépendance", a-t-elle insisté. Le texte a toutefois été adoptée avec 296 voix pour, et 58 contre.

En parallèle, les parlementaires ont également adopté un "impôt universel" sur les multinationales, afin de mieux lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscales en garantissant un taux d'imposition de la part des bénéfices mondiaux imposés en France de 25 %, ainsi qu'un remboursement du crédit impôt recherche et une interdiction de le percevoir durant trois ans en cas de délocalisation. Mais l'adoption de tous ces textes n'est pas encore garantie, puisqu'ils doivent encore passer entre les mains du Sénat. Sans compter que la version finale du budget 2026 devra également être adoptée. Et ça, au vu des tensions politiques et de la composition de l'Assemblée nationale, c'est loin d'être gagné...