A-t-on le droit de mettre un traceur GPS dans le sac de son enfant ? La justice a tranché
De plus en plus de parents placent un traceur GPS dans le cartable de leur enfant pour toujours savoir où il se trouve. Mais est-ce vraiment légal ? La justice vient de trancher, dans une première décision qui pourrait faire jurisprudence.
Être parent, c'est vivre dans l'angoisse permanente qu'il arrive quelque chose à son enfant. Une mauvaise rencontre alors qu'il rentre de l'école, un instant d'inattention dans un centre commercial bondé, une envie soudaine d'aller se balader sans prévenir papa ou maman… Un accident est vite arrivé ! Aussi, beaucoup de parents aimeraient bien pouvoir garder un œil sur eux à tout moment. Pour cela, un nombre croissant d'entre eux a opté pour la solution du traceur GPS glissé au fond du cartable, afin de toujours savoir où se trouve leur petit chérubin. Une méthode qui fait débat au sein des professionnels de l'éducation et de l'enfance. Mais est-ce légal ? Le tribunal de Toulon a justement tranché à ce sujet, comme le rapporte TF1.
Traceur GPS à l'école : le tribunal autorise la surveillance
Dans le cas examiné, un père d'élève du Var, inquiet en raison de précédents incidents où son fils de six ans s'était retrouvé isolé après un trajet en bus, avait discrètement inséré une balise de géolocalisation – et plus précisément une AirTag – dans le sac de son enfant avant une classe découverte de plusieurs jours. Lorsqu'un enseignant a détecté cet appareil – certains modèles émettent un signal pour prévenir de leur présence –, l'école l'a alors confisqué et a modifié par la suite son règlement intérieur afin d'interdire les dispositifs de géolocalisation en s'appuyant sur la loi de 2018 sur les téléphones portables, estimant que les dispositifs entraient dans la même catégorie d'objets connectés interdits dans les établissements scolaires. Le conseil d'école a ensuite voté cette interdiction sans concertation préalable avec les familles.
Furieux, le père a saisi le tribunal administratif de Toulon pour suspendre cette mesure. En juillet 2025, la juge a finalement donné raison au parent. Elle a estimé que l'interdiction générale portait une "atteinte grave et illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant, tenant à être protégé par les moyens que les titulaires de l'autorité parentale estimeront appropriés" et a suspendu la délibération interdisant les traceurs.
La décision du tribunal de Toulon repose notamment sur la distinction juridique entre les dispositifs électroniques "actifs" – comme un téléphone ou tout équipement de communication – et les balises passives de géolocalisation. Selon l'avocat du père, la loi de 2018 sur l'interdiction des téléphones à l'école ne s'applique pas à des traceurs sans fonction de communication. "Le Code de l'éducation n'interdit pas les dispositifs électroniques passifs. La loi encadre les appareils de communication, pas les balises de localisation", a ainsi rappelé Me Olivier Ferri. Malgré cette décision, l'établissement n'a pas modifié son règlement à la rentrée. Le père a donc engagé une nouvelle procédure "pour abus de pouvoir".
Traceur GPS à l'école : une question qui est loin d'être tranchée
Ce jugement ne tranche toutefois pas encore le fond de l'affaire. Car, si l'ordonnance du tribunal autorise dans ce cas précis l'usage d'une balise GPS dans le sac de l'enfant, elle ne constitue pas pour autant un feu vert généralisé. D'ailleurs, l'académie de Nice a "pris acte" de l'ordonnance, tout en déconseillant l'usage de tels dispositifs pendant le temps scolaire. "Géolocaliser un élève revient de fait à suivre les déplacements de toute une classe", prévient-elle, soulignant des risques en matière de sécurité et de protection des données. La CNIL elle-même formule des réserves, estimant que les traceurs GPS pouvaient "habituer le mineur à une surveillance constante" et ainsi "banaliser la perte de vie privée". Elle incite les parents à informer les enfants de la présence d'un traceur, à limiter son usage et à veiller à préserver leur autonomie.
La technologie de traçage GPS et Bluetooth suscite de nombreuses interrogations sur le plan juridique, mais aussi éthique. Apple insiste bien sur le fait que son AirTag est conçu pour suivre des objets, non des personnes, y compris les enfants. "Vous ne devez pas les utiliser pour suivre des personnes (…) Dans de nombreux pays et régions, suivre des personnes sans leur accord à l'aide de ces produits constitue un délit", indique l'entreprise sur une page de support. D'autant plus que le cadre légal autour du consentement des mineurs reste flou. Et ce flou juridique se complique encore plus dans les familles recomposées ou séparées, ou de nombreuses dérives sont possibles – la cellule familiale n'est pas toujours le cocon protecteur que l'on aime imaginer.
La question est d'autant plus cruciale qu'un véritable marché est en train de se développer à ce sujet. Une entreprise californienne, Skecher, a par exemple développé une nouvelle gamme de sneakers pour enfants baptisée Find My Skechers. Les chaussures ont la particularité de comporter un compartiment secret caché sous la semelle intérieure, au niveau du talon, qui permet de glisser un traceur Bluetooth (voir notre article). De même, Bouygues Telecom commercialise une Kids Watch, une montre connectée avec un paramétrage spécial et des limitations, sans aucune connexion Internet. Elle permet notamment la géolocalisation avec l'option "Mode de suivi direct. Voilà un débat qui ne fait que commencer...
