Sexe, discussion, alimentation… L'App Store d'Apple grouille d'applis "pour enfants" dangereuses

Sexe, discussion, alimentation… L'App Store d'Apple grouille d'applis "pour enfants" dangereuses

Un rapport alerte sur la classification par âge de l'App Store. Certaines applis censées être accessibles enfants dès quatre ans exposent les plus jeunes à des contenus "inappropriés et risqués". La prudence s'impose.

La sécurité est l'un des arguments majeurs d'Apple pour convaincre les consommateurs d'acheter ses produits et de rejoindre son écosystème. En effet, la firme de Cupertino ayant un contrôle absolu sur ses appareils et les services auxquels ils donnent accès, elle peut s'assurer de ne proposer que des contenus de qualité et dument contrôlés sur sa boutique d'applications, l'App Store.

Enfin, ça, c'est en théorie. Car s'il est vrai qu'il y a moins d'applications vérolées que dans le Play Store de Google, cela ne signifie pas qu'on peut s'y promener les yeux fermés pour autant, surtout pour les mineurs ! Car les plus jeunes ne sont pas à l'abri de tomber sur des applications problématiques. La boutique d'Apple abritait, par exemple, il y a peu encore, Rencontres Ados, qui se révélait être un véritable terrain de chasse pour pédophiles et autres prédateurs sexuels (voir notre article). 

L'App Store classe les applications dans quatre catégories d'âge – 4 ans et plus, 9 ans et plus, 12 ans et plus et 17 ans et plus. Selon l'entreprise, les parents ne devraient pas avoir à se soucier des contenus inappropriés pour leurs enfants puisque le tri empêche de telles apps de leur être proposées.

Pourtant, un rapport réalisé par deux ONG de défense de la sécurité des enfants, Heat Initiative et ParentsTogether Action, alerte sur les nombreuses applications téléchargeables sur la boutique d'applis d'Apple et présentées comme appropriées pour les enfants, alors qu'elles ne le sont pas du tout. Les associations ont relevé un échantillon de 200 applications "à risque ou inappropriées", présentant "des risques potentiels similaires à ceux des réseaux sociaux, comme l'exploitation sexuelle, les troubles alimentaires et le harcèlement". Il s'agit pour la plupart d'apps de chat, de beauté, de régime ou de perte de poids, d'accès à internet et de jeux. 

App Store : des applis "pour enfants" problématiques

Les deux ONG ont examiné 800 applications présentes sur l'App Store. Il en est ressorti que 200 d'entre elles étaient inappropriées pour les mineurs, malgré une classification affirmant le contraire. Elles ont été téléchargées plus de 550 millions de fois. Certaines sont des apps de discussion avec des inconnus, comme Random Chat, ou avec des IA, comme AI Girlfriend, un simulateur de petite amie virtuelle.

L'appli JustTalk Messenger Kids attire particulièrement l'attention des ONG car, si elle est censée permettre aux enfants de discuter de façon sécurisée avec des membres de leur famille ou leurs amis "sans être exposés à un contenu inapproprié ou à des interférences de la part d'étrangers", elle s'avère être en réalité presque exclusivement fréquentée par des pédophiles. Avec ce genre de messageries, les plus jeunes ont de fortes chances de se retrouver face à du contenu inapproprié, voire à des personnes malveillantes. Et les IA ne sont pas vraiment mieux, puisque les discussions peuvent rapidement déraper… 

© Heat Initiative et ParentsTogether Action

D'autres incluent des outils qui permettent de contourner les restrictions et le contrôle parental, ou alors proposent des contenus explicites, comme des jeux à caractère sexuel – courir nu à l'extérieur, simuler des séances photo suggestives, etc. –, faisant la promotion de violence.

Les associations ont également relevé des applis liées à la beauté et au corps, mettant en avant des normes irréalistes de beauté – via des applis de retouche photo ou d'analyse du corps – et des pratiques alimentaires dangereuses – certaines encouragent les utilisateurs à jeûner 20 heures par jour et à se fixer des objectifs caloriques pour s'affamer. Et ce n'est là qu'un échantillon parmi les milliers d'applications de l'App Store. Bref, le bilan n'est pas très glorieux pour Apple…

App Store : des applis non vérifiées à cause d'intérêts financiers 

On est donc bien loin des promesses marketing d'Apple. La firme de Cupertino affirme pourtant que "l'App Store est un lieu sûr et fiable pour découvrir et télécharger des applications" et assure aux parents qu'il est "facile de s'assurer que leurs enfants interagissent avec du contenu adapté à leur âge". En réalité, elle délègue la responsabilité légale des classifications d'âge aux développeurs sans effectuer de contrôles sérieux.

L'entreprise à la pomme affirme pourtant prendre de multiples précautions. L'App Store compte "plus de 500 spécialistes à travers le monde" chargés de trier "plus de 100 000 apps" par semaine, assure-t-elle au Wall Street Journal. "Plus d'un million d'apps ont été refusées en raison de contenus choquants, préjudiciables, dangereux ou illégaux". Cela représente donc 40 à 50 applis "vérifiées" par jour et par personne. Difficile donc d'approfondir les examens…

© Heat Initiative et ParentsTogether Action

Selon le rapport, la situation est en réalité liée à des motivations financières. Des contrôles moins stricts favorisent les téléchargements, sur lesquels Apple touche des commissions. Tant que les responsables de la classification des applications auront un intérêt financier à les rendre accessibles au plus grand nombre, ce problème persistera.

Aussi, les deux ONG recommandent à Apple de faire appel à des experts indépendants pour classer les applications en fonction de l'âge. "Tout comme pour les films, les programmes télévisés et les jeux vidéo, ces experts évalueraient le risque pour les enfants et attribueraient une classification par âge dans l'intérêt des enfants, et non dans celui d'Apple ou des sociétés de développement d'applications", estiment-elles. Ou alors, l'entreprise revoit à la baisse ses promesses en matière de sécurité, en précisant que les contrôles diminuent le risque d'applications problématiques en s'appuyant sur les signalements, mais ne sont pas pour autant un gage de sécurité absolu. 

Notons cependant que la responsabilité ne repose pas uniquement sur Apple. Le rapport rappelle le rôle crucial des parents et des tuteurs dans la protection des enfants contre les contenus inappropriés. Cela passe par l'activation du contrôle parental et de la sensibilisation sur les dangers d'Internet. On peut ainsi se poser la question de savoir s'il est raisonnable, sur tous les plans, de mettre en les mains de très jeunes enfants des appareils aussi coûteux que des iPhone ou des iPad. Mais on sait bien qu'Apple resta un marqueur social, y compris auprès des jeunes générations…