Ce prix Nobel est formel : l'IA va rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres

Ce prix Nobel est formel : l'IA va rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres

Lauréat du prix Nobel de physique en 2024, Geoffrey Hinton tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Selon lui, l'intelligence artificielle va bouleverser l'économie mondiale et creuser encore davantage les inégalités sociales.

Geoffrey Hinton n'est pas un chercheur comme les autres. Pionnier de l'apprentissage automatique, celui qu'on surnomme le " parrain de l'IA " a contribué à la révolution technologique qui s'impose aujourd'hui partout, des moteurs de recherche aux assistants conversationnels. Pourtant, loin d'en célébrer les promesses, il multiplie les mises en garde. Dans un entretien accordé au Financial Times, le prix Nobel de physique 2024 a dressé un constat sans appel : l'intelligence artificielle risque de rendre les riches encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres.

Son raisonnement est simple. Les entreprises qui contrôlent les outils d'IA disposent déjà d'un avantage considérable. Grâce à ces technologies, elles peuvent remplacer une partie de leurs salariés, réduire massivement leurs coûts et accroître leurs profits. Dans un système capitaliste, cette richesse nouvellement créée ne sera pas redistribuée, mais concentrée dans les mains d'une minorité. Pour Hinton, ce n'est pas l'IA en elle-même qui est coupable, mais bien l'organisation économique qui l'encadre.

L'impact sur l'emploi constitue l'un de ses sujets de préoccupation majeurs. Plusieurs études convergent : l'IA générative pourrait affecter des centaines de millions de postes dans les années à venir. Rédacteurs, programmeurs, comptables, juristes débutants ou conseillers clientèle figurent parmi les métiers déjà fragilisés. Hinton s'inquiète de voir les entreprises licencier au nom de la productivité, sans se soucier de la question essentielle : qui achètera demain les biens produits si une grande partie de la population n'a plus de revenus ?

© 60 Minutes - YouTube

Certains acteurs du secteur, comme Sam Altman d'OpenAI, défendent l'idée d'un revenu universel de base pour compenser la perte de travail. Mais Hinton rejette cette solution, qu'il juge dégradante. Selon lui, la dignité humaine repose en grande partie sur l'activité professionnelle, et une simple allocation ne saurait remplacer le rôle social et psychologique du travail.

Les inquiétudes de ce scientifique ne s'arrêtent pas aux inégalités économiques. Il évoque régulièrement le risque d'une intelligence artificielle dépassant un jour l'humain dans tous les domaines. Une "superintelligence" qui, mal contrôlée, pourrait menacer l'existence même de l'humanité. Hinton estime que ce scénario, autrefois jugé lointain, pourrait se concrétiser d'ici cinq à vingt ans.

Face à cette perspective, il critique l'attitude des gouvernements occidentaux, plus enclins à mener une course technologique contre la Chine qu'à instaurer une régulation internationale solide. Pékin, selon lui, prend le sujet plus au sérieux en mobilisant ses ingénieurs pour encadrer le développement de l'IA. Mais le chercheur reste sceptique quant à la capacité des États à freiner des entreprises géantes déjà lancées dans une compétition féroce.

À 77 ans, Geoffrey Hinton ne cache pas son pessimisme. Il se dit "réaliste" sur son âge, mais insiste sur la nécessité pour les jeunes générations d'agir dès maintenant. Son avertissement est clair : l'humanité traverse un moment historique, et rien ne restera comme avant. L'IA pourrait offrir un avenir prospère et plus équitable, mais si les profits continuent de se concentrer dans quelques mains, elle risque surtout de nourrir les inégalités et d'alimenter les tensions sociales.