Copie privée : bientôt une taxe sur les téléchargements de musiques et de vidéos ?
Le Gouvernement souhaite appliquer une taxe sur la copie privée aux téléchargements de musique et de vidéos réalisés depuis les plateformes de streaming comme Spotify ou Netflix. Mais l'Union européenne ne l'entend pas ainsi !
On ne s'en rend pas toujours compte au moment de payer, mais chaque achat d'un smartphone, d'une tablette ou de tout autre appareil électronique doté d'une mémoire de stockage inclut une taxe spécifique, en plus des classiques comme la TVA : la RCP, ou rémunération pour copie privée. Cette contribution, versée aux créateurs, producteurs et ayants droit, vise à compenser les pertes liées aux copies privées autorisées par la loi. De nombreux produits y sont soumis, notamment les disques durs, les clés USB ou encore les box TV.
La RCP fait régulièrement débat quant à certaines de ses applications. En septembre dernier, les ayants droit avaient ainsi tenté d'instaurer une taxe sur la copie privée sur les box TV SFR, étant donné que les abonnés peuvent mettre en pause le direct d'un programme, et donc le "stocker" temporairement sur la box – ce qui lui a valu le nom taxe sur la "pause pipi" (voir notre article). Cette fois, le Gouvernement tente de mettre en place une taxation sur les copies locales réalisées depuis un abonnement payant sur smartphones ou tablettes – la fonction qui permet de visionner ou d'écouter du contenu hors connexion sur les services comme Spotify et Netflix –, comme nous le rapporte L'Informé. Mais, heureusement, l'Union européenne veille au grain.
Copie privée : une taxe pour la lecture hors ligne
Pour rappel, la rémunération pour copie privée, instaurée en France en 1985, oblige les acheteurs de supports de stockage – y compris les appareils disposant d'une mémoire intégrée, comme les ordinateurs ou les smartphones – à participer au financement du droit de reproduire des œuvres culturelles pour un usage strictement personnel. Concrètement, un utilisateur peut, par exemple, extraire les morceaux d'un CD pour les convertir en MP3 et les écouter sur son smartphone, son baladeur ou son autoradio. Cette redevance prend la forme d'un montant forfaitaire, déterminé selon un barème qui varie en fonction de la capacité de stockage du support, et non de son prix de vente.
Or, il se trouve que la plupart des services de streaming de musique et de vidéos, comme Spotify, Netflix, Deezer, Apple Music ou encore Prime Video, permettent à leurs abonnés de télécharger du contenu sur leur appareil pour en profiter sans être connecté au réseau – une fonction très pratique lorsque l'on prend l'avion ou que l'on se trouve dans une zone blanche notamment. Le Gouvernement aimerait donc bien appliquer la redevance de copie privée à ces fichiers, ce qui se traduirait par une augmentation de la taxe sur les téléphones et les tablettes.
Copie privée : l'Union européenne au secours des consommateurs
Mais c'était sans compter la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a été interpellée sur le sujet par la Cour suprême des Pays-Bas l'an dernier. Son avocat général, Maciej Szpunar, a rendu un avis juridique le 2 octobre qui doit éclairer la décision finale des juges. Et, d'après les informations de L'Informé, il ne va pas vraiment dans le sens des ayants droit ni du gouvernement français, puisque l'avocat de la CJUE a tout simplement rejeté l'interprétation française trop large de la copie privée.
Selon lui, ce ne sont pas les abonnés qui effectuent ces copies, mais les plateformes, qui gardent le contrôle total sur les fichiers. Ainsi, elles les stockent, les verrouillent et les effacent à la fin de l'abonnement. À aucun moment les abonnés ne peuvent les manipuler ou les exporter ; ils peuvent seulement les télécharger et les désinstaller lorsqu'ils n'en ont plus besoin. Cette absence de contrôle va à l'encontre même du concept de copie privée, qui suppose que l'utilisateur puisse reproduire librement une œuvre sans autorisation de l'auteur. Enfin, Maciej Szpunar balaye du revers de la main l'argument français selon lequel les verrous techniques (DRM) encadreraient la copie privée puisqu'ils visent à empêcher toute reproduction. Espérons que cela suffise à stopper le Gouvernement et les ayants droit !
