Faut-il faire confiance à Doctolib pour conserver vos données de santé ?

Faut-il faire confiance à Doctolib pour conserver vos données de santé ?

En lançant son nouvel onglet Santé pour centraliser les données médicales des patients, Doctolib s'est attiré les foudres de l'Assurance maladie, inquiète de voir émerger un doublon privatisé de Mon espace santé.

Depuis fin novembre, Doctolib accueille un nouvel onglet, baptisé Santé, qui permet de rassembler les informations médicales et de les partager facilement avec des professionnels (voir notre article). Il permet de centraliser toutes ses informations personnelles liées à sa santé, comme un carnet de vaccination, des allergies éventuelles, des antécédents médicaux, des résultats de laboratoire ou encore des traitements en cours. Un ajout qui est censé faciliter le suivi médical des patients.

Mais ce dispositif n'est pas sans rappeler Mon espace santé, l'espace numérique personnel et sécurisé – une sorte de coffre-fort numérique – proposé par l'Assurance maladie et le ministère de la Santé. C'est en quelque sorte un carnet de santé numérique de tous les assurés en France – il compte pas moins de 15 millions d'utilisateurs. L'Assurance maladie voit là une "ambiguïté" entre les deux services, l'un public, l'autre commercial, et craint une concurrence en défaveur de son dispositif – Doctolib compte plus de 50 millions d'utilisateurs.

© Doctolib

Onglet Santé : un remplaçant commercial de Mon espace santé ?

Dans une enquête parue dans Le Monde, Thomas Fatôme, le directeur général de l'Assurance maladie, n'a pas caché son mécontentement. "Nous avons toujours considéré comme utile, pertinent et même nécessaire que des acteurs privés et publics soient embarqués dans la même feuille de route sur le numérique en santé, et c'est ce qui se passe, ce qui est très positif", explique-t-il. "Mais le lieu de référence de l'hébergement des données de santé, c'est le service public, avec 'Mon espace santé', c'est un choix du législateur, et il y a une vraie ambiguïté à en proposer un autre". Il attend donc une "clarification" de la part de Doctolib, que défend de "privatiser le 'carnet de santé numérique''. "Nos logiciels sont les premiers contributeurs de la plateforme publique 'Mon espace santé'", affirme-t-il.

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais une tribune est venue mettre son grain de sel. En effet, la délégation du numérique en santé (DNS), une administration dépendant du ministère, a discrètement fait circuler un papier qu'elle souhaitait faire publier dans le journal,  dénonçant le risque de "privatisation" des données de santé essentielles, de "valorisation de nos données les plus sensibles" et de "financiarisation de notre système de santé". Elle a contacté directement les syndicats de soignants et les associations de patients pour faire signer le texte, sans toutefois apparaître conne signataire elle-même. Voilà qui n'a pas manqué de faire réagir !

Pourtant, officiellement, le ministère ne s'oppose en tout cas pas à cette fonction de Doctolib et avance un devoir de neutralité, à condition que "le cadre réglementaire soit respecté". Plus étrange encore, l'actuelle ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, n'aurait même pas été informée de cette manœuvre. Reste que l'onglet "Santé" de Doctolib sera progressivement enrichi dans les mois à venir. Espérons que les deux entités trouvent un terrain d'entente…