Écoconception et consommation énergétique des services numériques : les rêves de l'Arcep

Écoconception et consommation énergétique des services numériques : les rêves de l'Arcep

Militant pour des technologies plus responsables, l'Arcep vient de publier une série de recommandations sur l'écoconception et la consommation énergétique des produits numériques. Pas sûr que ces belles intentions suffisent à changer les choses…

Pour des raisons d'efficacité, d'économie et d'écologie, notre société tend vers la numérisation des services. Mais si cela peut être considéré comme un moteur de la décarbonisation de certains autres secteurs, le secteur des technologies de l'information et de la communication (ICT) – qui regroupe les techniques de l'informatique, de l'audiovisuel, d'Internet et des télécommunications – doit lui aussi faire des efforts pour réduire son impact, qui est loin d'être nul ! Selon une étude de l'Ademe et de l'Arcep, le numérique représente aujourd'hui 2,5 % de l'empreinte carbone en France, et elle devrait tripler entre 2020 et 2050 si aucune mesure n'est prise.

Ce sont les appareils qui constituent la plus grande partie de cette empreinte carbone, en particulier ceux qui sont les plus couramment utilisés, tels que les smartphones ou les ordinateurs. Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, le secteur du numérique est responsable d'autres formes d'impacts environnementaux tels que l'épuisement des métaux et des minéraux, la consommation d'eau et la production de déchets électroniques. Aussi, afin d'endiguer cette augmentation de l'empreinte des services numériques, il est important de mettre en place une écoconception dans la création du produit ou du service afin d'améliorer sa performance environnementale. 

Alors que la Commission européenne prépare actuellement des actes non-législatifs relatifs à l'écoconception et à l'étiquetage énergétique des ordinateurs, et devrait bientôt publier un nouveau plan de travail "Eco-conception et étiquetage énergétique" pour 2025-2026, l'Arcep publie quelques propositions développées sur la base de ses travaux sur la durabilité. L'objectif est clair : intégrer dès la conception des pratiques vertueuses en matière de minimisation de l'empreinte environnementale.

Écoconception des services numériques : trois axes majeurs

L'Écoconception désigne l'intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit en vue d'améliorer la performance environnementale du produit tout au long de son cycle de vie. Le but est de minimiser autant que possible sa consommation d'énergie et de ressources, en ne recourant qu'au minimum nécessaire à son fonctionnement et en n'envoyant que la juste quantité d'informations. En se basant sur ses travaux sur la durabilité réalisés depuis 2019, l'Arcep propose trois mesures : 

  1. Atténuer l'obsolescence logicielle des ordinateurs en assurant un soutien à long terme de leurs systèmes d'exploitation ;
  2. Adopter une approche globale des politiques d'écoconception des ICT en étendant les exigences aux services numériques ;
  3. Etendre les exigences d'écoconception et l'étiquetage énergétique à d'autres secteurs de l'économie.

Le périmètre du référentiel est vaste. Les serveurs, terminaux, box internet, réseaux d'opérateurs, centres de données, infrastructures logicielles et plus généralement les services numériques sont concernés. Cela concerne donc aussi bien les sites Web que les API , les systèmes d'exploitation, les systèmes d'intelligence artificielle, les registres de blockchains, les plateformes de streaming et tous les autres services en ligne. 

Écoconception des services numériques : lutter contre l'obsolescence 

Le premier point concerne la conception de services numériques plus durables. La phase de fabrication des appareils électroniques mais aussi des centres de données et des réseaux, représente près de 80 % de l'empreinte carbone numérique. Par conséquent, toute action permettant d'allonger leur durée de vie et de réduire le taux de renouvellement élevé est d'une importance capitale, en mettant fin à l'obsolescence.

Il s'agit notamment de conserver des services numériques utilisables sur les anciens modèles d'appareils. Par exemple, on pourrait obliger les fabricants et les distributeurs d'ordinateurs à assurer la maintenance des systèmes d'exploitation qu'ils choisissent de préinstaller sur leurs appareil, en fournissant gratuitement les mises à jour de sécurité essentielles pour leur utilisation, pendant une période de dix ans à compter de la fin de la mise en place du système sur l'ordinateur. De cette façon, il serait possible de continuer d'utiliser l'appareil en toute sécurité.

Aussi, pour forcer les fabricants et les distributeurs à faire des efforts, l'Arcep est favorable à un étiquetage énergétique des ordinateurs, comme un indice de durabilité ou de réparabilité. Notons qu'un tel indice existe au niveau national et est en cours de réalisation à l'échelle européenne.

Écoconception des services numériques : une performance adaptée

Les services numériques, que l'Arcep nomme "produits immatériels", ont aussi une empreinte environnementale. "Lorsque les consommateurs accèdent à un service numérique tel qu'une application, c'est par l'usage de plusieurs appareils ainsi que par l'usage de réseaux ou de centres de données pour la connexion à Internet, le calcul ou le stockage de données. Bien évidemment, ces infrastructures numériques ont besoin d'énergie, émettent des gaz à effet de serre et nécessitent également des matières premières pour leur construction", explique l'organisme dans son rapport. Aussi, les enjeux environnementaux devraient être pris en compte dans la conception des services. 

Faites défiler sans vous arrêter. © savconstantine

Ainsi, les éditeurs devraient être incités à ce que leur service soit utilisable sur des terminaux anciens avec une performance adaptée, en adaptant le service au contexte d'utilisation et de visualisation (définition, usage du tactile, d'un clavier…). Il s'agirait également de permettre aux utilisateurs de contrôler pleinement leur utilisation des services numériques en limitant les techniques d'attraction de l'attention, qui peuvent conduire à une surconsommation, telles que le défilement ou les conceptions à lecture automatique – coucou TikTok ! Enfin, l'Arcep appelle à "encourager une plus grande transparence environnementale des services numériques en incitant les acteurs à publier davantage de données sur l'empreinte de leurs services et leurs performances d'écoconception".

Écoconception des services numériques : informer sur la consommation des box et des décodeurs

Afin de "soutenir le verdissement des économies européennes, tout en favorisant la sensibilisation des consommateurs à l'impact environnemental différencié de leurs produits", l'Arcep invite la Commission européenne à envisager d'inclure dans ses cadres tous les produits numériques ayant des impacts environnementaux significatifs, comme les routeurs et les décodeurs, afin d'agir sur leur consommation en énergie. De fait, peu d'utilisateurs ont réellement conscience de la consommation électrique de ces appareils qui ont envahi les voyers et qui fonctionnent plusieurs heures par jour, quand ce n'est pas en permanence, comme dans le cas de box Internet et des routeurs Wi-Fi. Il serait grand temps que les fabricants et les opérateurs informent clairement les utilisateurs sur ce point, d'autant qu'il pèse directement sur leurs factures énergétiques et donc leur porte-monnaie ! 

Toutefois, ce texte plein de bonnes intentions, mais sans réelle application pratique, n'est absolument pas contraignant : il s'agit simplement de recommandations. La France ne peut rien seule, car une grande partie de la consommation numérique dépend d'entreprises étrangères. Il faut a minima agir à échelle européenne pour pouvoir imposer certains critères à des produits et à des services dont l'accès serait refusé au territoire européen s'ils n'étaient pas satisfaisants.