Face aux critiques, le Gouvernement reporte l'obligation d'installer des thermostats programmables à 2030

Face aux critiques, le Gouvernement reporte l'obligation d'installer des thermostats programmables à 2030

Le Gouvernement voulait imposer l'installation de thermostats programmables dans les foyers dès 2027 afin d'aider les Français à maîtriser leurs dépenses de chauffage. Mais, face aux critiques, la mesure est finalement reportée à 2030.

Pour aider les Français à maîtriser leurs dépenses d'énergie, le Gouvernement avait décidé en 2023 que tous les ménages devraient être équipés d'un dispositif de régulation de chauffage programmable d'ici au 1er janvier 2027. Comme le stipule le décret n° 2023-444 paru au Journal officiel le 7 juin 2023. il s'agissait d'installer un dispositif capable a minima de programmer la température pièce par pièce – ou sur chaque radiateur – en fonction des heures, et pas nécessairement d'un "thermostat connecté", contrairement à ce qu'on entend partout. 

Une évolution technique assez coûteuse qui concerne encore actuellement quelque 27 millions de foyers français, censés moderniser leurs installation de chauffage. Mais ils vont pouvoir bénéficier d'un délai pour s'équiper. Roland Lescure, le ministre des Finances, a annoncé sur les réseaux sociaux que l'installation d'un "thermostat connecté et programmable" ne sera finalement pas obligatoire dès 2027, mais sera reportée à 2030, afin de laisser "plus de souplesse aux ménages et aux professionnels pour s'équiper".

Thermostats programmables : un dispositif difficile à mettre en place

Cette annonce fait suite à une chronique assez véhémente du chroniqueur économique François Lenglet sur RTL, qui dénonçait l'aberration de la mesure. En parallèle, l'opposition s'insurgeait contre une nouvelle "folie normative" susceptible d'écraser les petits propriétaires. Des critiques visiblement entendues. Le report de la mesure permet ainsi de calmer les esprits et de donner un peu plus de temps pour organiser l'application de cette mesure. 

Le ministre tient cependant à expliquer qu'il s'agit là d'une "transposition stricte d'une directive européenne qui prévoit cette obligation". Il insiste sur le fait que cela permettra de faire jusqu'à 15 % d'économies sur sa consommation annuelle, allégeant de facto les factures de chauffage.

Si le but de la mesure est louable dans son principe, son application se heurte à plusieurs problèmes en pratique. Certes, les foyers qui se chauffent au bois, avec des cheminées ou des poêles, en sont exemptés. Mais pour les autres, les choses sont compliquées, avec des situations et donc des contraintes et des possibilités très disparates.

Ainsi, dans les immeubles alimentés par une chaufferie commune, les occupants ne disposent pas d'un contrôle individuel de la production de chaleur. Le chauffage étant piloté à l'échelle du bâtiment, il n'est pas possible d'ajuster la température ou les horaires pièce par pièce comme dans un logement individuel. La situation est encore plus complexe dans les immeubles anciens équipés de réseaux verticaux, où la chaleur circule par colonnes et non par circuits indépendants.

Même chose dans les logements équipés de radiateurs à eau, la régulation programmable se heurte à l'inertie thermique du système : la chaleur monte et redescend lentement, ce qui réduit l'efficacité réelle d'une programmation horaire fine. Quant aux logements à forte déperdition énergétique – les passoires thermiques –, la régulation programmable perd une grande partie de son intérêt. Les économies d'énergie dépendent avant tout de la capacité du bâtiment à conserver la chaleur. Enfin, certains systèmes ne sont pas compatibles avec les modules de programmation (pompes à chaleur anciennes, chaudières gaz avant 2000, etc.). Leur mise en conformité exige souvent l'ajout d'interfaces, de sondes ou même le remplacement complet de la régulation : autant d'aménagements très coûteux, et donc difficiles à amortir à court terme.

Thermostats programmables : un dispositif coûteux et risqué

Et c'est sans compter que ce type d'équipement n'est pas donné. Pour rappel, les prix des thermostats connectés dits "classiques" sont compris entre 60 et 250 euros. Cependant, les modèles les plus sophistiqués peuvent se vendre bien plus cher. Un coût auquel il faut ajouter celui de l'installation. Car, oui, cette dernière ne se fait pas toute seule et revient généralement à 200 euros.

Aussi, pour inciter les foyers français à s'équiper, le ministère de la Transition écologique avait lancé le dispositif "Coup de pouce pilotage connecté du chauffage pièce par pièce". Mais celui-ci avait entraîné de nombreuses fraudes, ce qui avait amené l'éphémère gouvernement de Michel Barnier à suspendre l'aide en urgence en novembre 2024 (voir notre article).

Enfin, les thermostats connectés entraînent de nombreux risques. En effet, ce type d'appareils connectés souffre souvent de nombreuses failles de sécurité, comme l'ont déjà démontré des études (voir notre article). Et comme ces appareils sont souvent mis en réseau avec d'autres dispositifs de maison intelligente, ils peuvent servir de passerelle aux pirates. Et quand on voit les réactions réfractaires que des systèmes domestiques connectés comme le Linky d'Enedis entraînent auprès d'une partie de la population, on imagine que beaucoup seront réticents à l'idée de s'équiper d'un tel dispositif.

Il y a également des risques de surchauffe et d'incendie. Ainsi, Engie est actuellement en train de faire désinstaller en urgence certains de ses boîtiers "Mon Pilotage Elec". Le fournisseur explique qu'une "procédure d'évaluation interne" a révélé un problème, d'où sa décision. Il précise que les équipements peuvent rester en service jusqu'au passage des techniciens, même si l'annonce a de quoi inquiéter. Petit hic toutefois : Engie n'annonce aucun dispositif de remplacement. Le prestataire qui fournissait ces boîtiers a en effet cessé son activité, ce qui laisse les foyers équipés sans alternative. Un exemple qui fait tâche, et qui ne risque pas de plaider en faveur des thermostats connectés…

Reste une question : comment, après 2030, le Gouvernement va-t-il faire pour vérifier que tous les foyers seront correctement équipés ? En envoyant des contrôleurs de thermostats ? Nous sommes curieux de voir ça… Sans compter que, d'ici là, il est fort probable que les modalités de la loi évoluent, en précisant notamment clairement les caractéristique techniques des dispositifs à installer. On parie ?