Elon Musk lance Grokipedia, son encyclopédie "anti-woke" alimentée par IA

Elon Musk lance Grokipedia, son encyclopédie "anti-woke" alimentée par IA

Elon Musk a dévoilé Grokipedia, une alternative à Wikipédia générée entièrement par IA … qui utilise pourtant en partie le contenu de la célèbre encyclopédie en ligne. Sans surprise, la plateforme fait déjà l'objet de nombreuses critiques.

Ce n'est pas un secret, le milliardaire Elon Musk a l'encyclopédie en ligne Wikipédia dans sa ligne de mire. Cela fait plusieurs mois maintenant qu'il multiplie les attaques à son encontre, l'accusant, d'être "irrémédiablement biaisée", d'être contrôlée par des "activistes" et de servir un agenda politique "au service du wokisme".

C'est pourquoi, fin septembre, il avait annoncé créer sa propre encyclopédie en ligne. Baptisée Grokipedia – dont le nom vient de l'IA du milliardaire, Grok, aujourd'hui intégrée au réseau social X – et développée par sa société xAI, ses pages seraient générées entièrement par IA et censées représenter "une amélioration majeure" de WikipédiaEt si l'homme d'affaires a la fâcheuse tendance à annoncer des projets aussi ambitieux qu'inachevés, il semblerait qu'il ait tenu parole, puisqu'il a dévoilé, le 27 octobre, une version préliminaire de sa nouvelle plateforme.

Grokipedia : une plateforme alimentée par… Wikipédia

"Grokipedia.com version 0.1 est maintenant en ligne. La version 1.0 sera dix fois meilleure, mais même en 0.1, c'est mieux que Wikipédia selon moi", a fièrement annoncé Elon Musk sur X. Une déclaration doucement ironique lorsque l'on sait que le projet puise massivement dans l'encyclopédie collaborative qu'il prétend supplanter. En tout cas, le lancement de la nouvelle plateforme s'est avéré des plus chaotiques, puisque le site s'est effondré moins d'une heure après sa mise en ligne avant de refaire surface en soirée avec 885 279 articles disponibles.

Mais alors, comment fonctionne Grokipedia ? Son design est assez minimaliste, avec une unique barre de recherche sur la page d'accueil. Il suffit de taper un mot ou un concept pour que l'encyclopédie propose différents articles sur cette thématique – mais seul l'anglais est pris en charge pour le moment. 

Contrairement à Wikipédia, qui repose sur des milliers de contributeurs bénévoles, la nouvelle encyclopédie en ligne s'appuie sur Grok, l'intelligence artificielle développée par Elon Musk. Ainsi, les articles portent la mention "vérifié par Grok". Les contributions des utilisateurs se font exclusivement par l'intermédiaire d'un formulaire, sans possibilité d'édition directe, ce qui permet à xAI de garder un certain contrôle sur les informations affichées. Plusieurs entrées indiquent avoir été "adaptées de Wikipédia sous licence Creative Commons", certaines étant copiées presque mot pour mot. À l'heure où nous écrivons ces lignes, Grokipedia compte plus de 885 000 articles, soit bien moins que les sept millions de pages en anglais que son concurrent. Le milliardaire a annoncé vouloir cesser d'utiliser Wikipédia comme source d'ici la fin de l'année.

Grokipedia : une encyclopédie en ligne politiquement orientée

Le contenu de certains articles de la nouvelle plateforme laisse clairement transparaître son orientation politique. Par exemple, la page consacrée à Elon Musk indique que l'homme d'affaires a "influencé le débat" sur plusieurs sujets, ce qui lui a valu "des critiques des médias traditionnels qui font preuve de penchants à gauche dans leur couverture". Elle met en avant sa "vision à long terme pour protéger la conscience humaine" mais omet toute mention du fameux salut effectué lors d'un rassemblement en janvier dernier, qui a été assimilé à un geste nazi par de nombreux observateurs – un épisode pourtant documenté en long et en large sur Wikipédia.

Autre exemple : la page sur Joe Biden sur Grokipedia évoque des "revers empiriques sévères" lors de son mandat, tandis que l'article sur Donald Trump passe sous silence ses multiples controverses et conflits d'intérêts, comme l'acceptation d'un jet de luxe qatarien et la promotion du Trump Coin. De même, le mouvement Black Lives Matter bénéficie d'un traitement défavorable et orienté. Bref, pour l'approche neutre et non biaisée, on repassera. 

Elon Musk justifie son entreprise par la nécessité de "purger la propagande" et qualifie son projet de "super important pour la civilisation", une étape essentielle vers "la compréhension de l'Univers". Mais, comme souvent avec le milliardaire, la plateforme suscite de vives critiques. En effet, Grok, qui alimente l'encyclopédie en ligne, affiche lui-même une orientation politique très conservatrice et a tendance à produire des réponses polémiques. On ne compte plus le nombre de deepfakes, de photos à caractère sexuel et de fake news qu'il a générés sur X, ni ses propos extrémistes, sexistes, discriminatoires ou injurieux. Reste à voir la place qui sera accordée à la vérification humaine...

Grokipedia : quel avenir pour Wikipédia ?

La Wikimedia Foundation a réagi avec une pointe d'ironie à l'arrivée de Grokipedia : "Le savoir de Wikipedia est  et restera toujours  humain. À travers la collaboration ouverte et le consensus, des personnes de tous horizons construisent un enregistrement neutre et vivant de la compréhension humaine. Ce savoir créé par l'humain est précisément ce dont les entreprises d'IA dépendent pour générer du contenu ; même Grokipedia a besoin de Wikipedia pour exister."

Ce n'est pas la première fois que des alternatives à Wikipédia tentent d'émerger. En 2006, un militant chrétien américain, Andy Schlafly, avait par exemple créé Conservapedia, "fondée sur des principes conservateurs, chrétiens et américains". Mais la plateforme collaborative bénéficie de l'avantage d'être arrivée en premier. Une fois que la place est prise, il est difficile de s'en faire une ! Mais si les critiques à l'encontre de Wikipédia ne sont pas nouvelles, loin de là, le changement du climat politique et social actuel donne toutefois davantage de visibilité à ses alternatives.

Sans compter que, derrière la bataille de l'information, c'est la course à l'intelligence artificielle qui se joue. La fondation Wikimédia a reconnu récemment que le trafic de Wikipédia est en baisse à cause de l'émergence des moteurs de recherche et des chatbots alimentés par l'IA qui répondent directement aux questions, ainsi qu'à l'utilisation des vidéos par les jeunes pour s'informer. Ce qui pourrait, à terme, faire perdre des volontaires et des donateurs à la plateforme.