Pistage sur Internet : Google garde finalement les cookies tiers dans Chrome
Après quatre ans à avoir essayé de mettre fin aux cookies tiers sur Chrome, Google abandonne son projet. À la place, un nouveau système de choix devrait permettre de gérer le pistage en ligne.
Contre toute attente, Google abandonne son projet de supprimer de son navigateur Chrome les cookies tiers, ces fameux petits fichiers stockés sur les appareils (ordinateur, smartphone, etc.) par les navigateurs Web dès lors que l'on navigue sur des sites Internet. Initialement prévue pour 2022, cette suppression a été repoussée à plusieurs reprises suite aux critiques virulentes de l'industrie de la publicité et aux problèmes de réglementation. La firme de Mountain View a fini par capituler et, dans un billet de blog publié le 22 juillet 2024, elle annonce qu'elle ne supprimera pas les cookies tiers dans Chrome. Au lieu de cela, elle entend mettre en place "une nouvelle approche […] qui permettra à chacun et chacune de prendre une décision réfléchie qui s'appliquera à l'ensemble de leur navigation sur le Web".
Fin des cookies tiers : Google abandonne sa Privacy Sandbox
Si les cookies ont souvent mauvaise réputation, c'est parce que certains contribuent au pistage des internautes. C'est le cas des cookies "tiers", qui sont déposés par des domaines différents de celui du site visité et qui permettent aux tiers (d'autres sites, donc) de suivre l'internaute de site en site, et de collecter ou de déduire de ses visites des informations personnelles (âge, lieu de résidence, habitudes de consommation, etc.). Ces informations, précieuses, sont ensuite utilisées pour créer et enrichir le profil de l'internaute, ce qui permet de lui proposer des publicités susceptibles de l'intéresser, et donc de le pousser à l'achat. Une pratique qui peut être particulièrement intrusive et pénible.
Pour contourner ce dispositif, Google misait sur sa Privacy Sandbox, un outil qui devait à terme remplacer l'usage des cookies tiers pour le ciblage publicitaire des internautes (voir notre article). Les API étaient déployées progressivement afin que l'entreprise puisse surveiller la procédure et vite réagir en cas de problème. Mais cette alternative n'a pas convaincu tout le monde…
Fin des cookies tiers : le risque d'un monopole de Google
Les régulateurs, à commencer par l'autorité britannique de la concurrence (CMA), se sont fortement opposés à ce changement, craignant qu'il ne limite la concurrence dans le secteur de la publicité numérique en favorisant les solutions de Google. Car dans les faits, les données privées ne bénéficient pas réellement d'une meilleure confidentialité, elles changent simplement de gestionnaire. Avec sa Privacy Sandbox, Google devient le seul intermédiaire possible entre les utilisateurs de Chrome.
L'avantage est double pour la firme de Mountain View. En effet, cela lui permet de monétiser davantage de données auprès des annonceurs, tout en renforçant son contrôle et son monopole dans la gestion et le traitement des données privées. Autant dire que, pour une entreprise dont près de 80 % de ses revenus proviennent de la publicité, qui s'accapare de nombreuses technologies du Web et qui se sert de sa prédominance pour pousser ses services auprès des internautes – s'attirant d'ailleurs les foudres des autorités à ce sujet –, la Privacy Sandbox est un outil en or !
Fin des cookies tiers : vers un système de "choix éclairé"
Face à ces pressions, Google a finalement revu sa stratégie. À la place, l'entreprise compte proposer un système de "choix éclairé" pour les internautes. On ignore encore sa forme exacte, mais il est censé laisser la responsabilité aux internautes d'accepter ou non l'utilisation des cookies tiers dans Chrome.
Cette décision semble pour le moment calmer les différentes autorités de la concurrence. La CMA britannique a d'ores et déjà indiqué qu'elle "examinerait de près" les nouveaux plans de Google afin de déterminer si ces derniers sont compatibles avec une approche réellement concurrentielle de la publicité ciblée. Mais Google ne compte pas abandonner la Privacy Sandbox pour autant et assure que ces alternatives "respectueuses de la vie privée" continueront d'être développées afin d'offrir aux annonceurs des solutions moins intrusives que les cookies tiers. Enfin, sur le papier…