99 99 99 99 99 : ce numéro s'affichera pour signaler les appels frauduleux
Une étrange suite de 99 pourrait bientôt s'afficher sur votre téléphone. Derrière ce numéro spécial, une arme inédite proposée par l'Arcep pour contrer les appels frauduleux et l'usurpation d'identité téléphonique.
Vous êtes en train de déjeuner, votre téléphone sonne. L'écran affiche une longue série de 9. Pas un nom, pas un numéro habituel, juste "99 99 99 99 99". Pas de panique : derrière cette mystérieuse série chiffres se cache une stratégie bien réelle, orchestrée par l'Arcep, l'autorité de régulation des communications électroniques. Ce code n'est pas un bug ni une blague, mais le dernier outil en date pour lutter contre une fraude téléphonique de plus en plus difficile à endiguer : l'usurpation de numéro.
99 99 99 99 99 : un nouveau rempart contre les arnaques téléphoniques
Depuis le début de l'année, plus de 10 000 signalements ont été adressés à l'Arcep via sa plateforme "J'alerte l'Arcep". En cause, des appels émis avec des numéros français… depuis l'étranger. Ces pratiques permettent à certains interlocuteurs malveillants de se faire passer pour des services officiels, voire pour de simples particuliers, en empruntant temporairement des numéros mobiles existants. Le problème, c'est que les dispositifs d'authentification mis en place en France peinent à faire le tri entre un Français en itinérance à l'étranger et un fraudeur utilisant une ligne détournée.
Pour contourner cette faille, le régulateur propose une parade originale dans son plan de numérotation, comme l'explique un communiqué de presse publié le 23 juillet 2025 : remplacer systématiquement le numéro de l'appelant par "99 99 99 99 99" lorsque l'authentification ne peut pas être assurée. Ce sera le cas, par exemple, si un appel d'un numéro mobile français provient d'une interconnexion internationale mais échoue à prouver son origine réelle. Le destinataire pourra ainsi savoir qu'il s'agit d'un appel non vérifié, sans pour autant le bloquer par défaut. Une mesure d'équilibre entre sécurité et continuité des communications.
Mais cette approche n'est pas limitée aux appels étrangers douteux. L'Arcep prévoit aussi l'usage du numéro "99" dans d'autres cas de figure, notamment quand des contraintes techniques empêchent les opérateurs de transmettre les données d'authentification. Certains équipements anciens ou mal configurés ne sont pas compatibles avec les standards requis, et représentent une faille régulièrement exploitée par des cybercriminels. Là encore, l'affichage d'un numéro neutre doit jouer un rôle de signal faible mais dissuasif.
L'objectif n'est pas de couper court à toutes les communications non authentifiées, mais de mieux les encadrer. En affichant un numéro unique dans ces situations, les autorités veulent permettre au public d'identifier les appels à risque tout en évitant de bloquer ceux qui, bien que techniquement non authentifiés, peuvent rester légitimes. Ce numéro agira donc comme une alerte douce, visible avant même que la conversation ne débute.
Cette initiative s'accompagne d'un renforcement des obligations imposées aux opérateurs. Ces derniers devront désormais vérifier, au moment de la souscription, les numéros que leurs clients souhaitent utiliser pour émettre des appels. Ils devront aussi mettre en place des restrictions techniques empêchant tout usage de numéros non préalablement autorisés. En clair, il ne sera plus possible pour un utilisateur – ou un service automatisé – d'indiquer n'importe quel numéro en guise d'identifiant. Un verrou de plus dans ce que l'Arcep appelle une " chaîne de confiance ".
À travers cette consultation publique, l'Arcep souhaite également encadrer plus strictement l'usage des numéros par les services publics. Une nouvelle catégorie de numérotation sera réservée aux appels et messages à vocation d'intérêt général : alertes sanitaires, messages de prévention, informations d'urgence. Ces numéros ne pourront pas être utilisés à des fins commerciales, un garde-fou destiné à éviter toute confusion entre services publics et démarchage.
99 99 99 99 99 : un projet à peaufiner
Le projet soulève cependant plusieurs questions. D'abord, l'efficacité du numéro "99" repose en partie sur sa reconnaissance par le public. Faute de communication claire, il risque d'être perçu comme un bug, voire d'inspirer méfiance ou panique. Ensuite, son usage pourrait se banaliser au point de perdre de sa pertinence, notamment si les opérateurs l'emploient trop largement en raison de contraintes techniques persistantes. Une telle généralisation risquerait de diluer l'alerte initiale dans le bruit des appels quotidiens.
Enfin, certains défenseurs des droits numériques s'interrogent sur les implications en matière de vie privée. Si le numéro " 99 " permet de détecter les appels non authentifiés, il implique aussi une forme de traçabilité renforcée, avec des obligations contractuelles plus strictes entre opérateurs et clients. Dans un contexte où les usages légitimes de la VoIP ou des centres d'appels internationaux se multiplient, cette réforme pourrait avoir des effets collatéraux sur certains professionnels.
Rien n'est encore figé. Le texte est actuellement soumis à consultation publique jusqu'au 26 septembre 2025. Associations de consommateurs, opérateurs, éditeurs de services téléphoniques ou simples particuliers peuvent formuler leurs observations. Cette phase de débat est cruciale, car elle conditionnera les contours définitifs de la réforme. En attendant, une chose est sûre : si le "99 99 99 99 99" apparaît sur votre écran, il ne s'agit plus d'un mystère, mais d'une tentative – encore imparfaite – de reprendre la main sur la sécurité des appels.
