Les appels téléphoniques de millions de Français pourraient être bientôt sous haute surveillance
Le Sénat examine actuellement un projet de loi qui pourrait aboutir à la surveillance des relevés téléphoniques et des connexions Internet de millions de Français afin de détecter des signes manifestes de fraude sociale.
Et si, demain, chaque déplacement ou appel passé depuis votre téléphone était scruté attentivement par les organismes gouvernementaux ? Voilà une perspective qui a de quoi susciter de vives inquiétudes ! Et pourtant, elle pourrait bien devenir réelle dans un futur proche.
Le Gouvernement, qui cherche désespérément un moyen de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État, est bien décidé à s'attaquer à la fraude sociale, qui est estimée à 13 milliards d'euros par an, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Il entend donc renforcer les moyens de "mieux repérer les fraudeurs, les sanctionner et mieux recouvrer l'argent", pour reprendre les mots de Jean-Pierre Farandou, le ministre du Travail.
Et justement, le Sénat est en train d'examiner un projet de loi gouvernemental, et plus particulièrement un amendement pour le moins controversé, l'article 28, adopté en commission des affaires sociales. Ce dernier vise à offrir à France Travail de nouveaux moyens d'enquête pour vérifier la résidence effective des allocataires, dont le nombre se monte actuellement à quelque 2,4 millions selon l'Insee. Et pour cause : il est obligatoire de résider en France pour pouvoir bénéficier des allocations chômage.
Si les contrôleurs de France Travail peuvent déjà accéder à un grand nombre d'informations, cette nouvelle loi autoriserait l'organisme à consulter les relevés téléphoniques des bénéficiaires, mais aussi à accéder aux fichiers des compagnies aériennes et au registre des Français établis hors de France, pour vérifier leurs éventuels déplacements. Mieux encore, il pourrait également accéder aux données techniques de connexion des inscrits comme l'adresse IP, les dates et les heures de connexion, etc. En cas d'"indices sérieux" de fraude, France Travail pourrait alors suspendre provisoirement, pour trois mois maximum, le versement des allocations chômage.
Sans grande surprise, la mesure a été très mal accueillie par la gauche, qui estime qu'il s'agit là d'une atteinte à la vie privée des chômeurs, transformant automatiquement les bénéficiaires en suspects et confiant leur sort à des algorithmes. Ils dénoncent une mesure autoritaire se servant de l'excuse de la fraude sociale pour réprimer les demandeurs d'emploi. D'autant plus que le projet de loi ne s'attaquerait pas suffisamment à la fraude et à l'évasion fiscales, qui coûtent chaque année plus de 100 milliards d'euros à la collectivité, soit bien plus que la fraude sociale.
Les défenseurs du projet de loi, eux, y voient simplement des "outils pour pouvoir contrôler", et non une surveillance généralisée. Le texte doit encore faire l'objet d'un vote mardi, avant de passer par l'Assemblée nationale.